Ode

||Bain de minuit||

20 août

Hier, c'était la pleine Lune. Ces soirs-là, j'aime bien aller me baigner toute habillée dans le lac. Il devient tout scintillant et l'endroit est désert. En plus, il y a tout plein de petites algues fluorescentes. J'en profite pour en cueillir quelques unes. Je les mets dans des gros bocaux remplis d'eau et, comme ça, le soir quand je m'endors, j'ai plein de petites veilleuses de toutes les couleurs. Personne a jamais vu ma chambre comme ça. Même pas maman. Elle vient jamais pendant la nuit et le jour, on voit que des bocaux remplis d'eau avec une algue dedans. C'est mon secret.

Ce que j'aime aussi, les soirs de pleine Lune dans le lac, c'est de me mettre en étoile et de me laisser flotter. Je vois la Lune et les étoiles au-dessus de moi et ça me donne l'impression de faire partie de la galaxie. Dans ces moments-là, je sens toutes les particules de poussière d'étoile dont nous sommes tous faits s'agiter en moi. Je fais vraiment partie de l'Univers.

Sauf que hier, j'étais pas toute seule. Pendant que je flottais sur le dos, quelqu'un a crié : "Faits attention! Tu pars à la dérive!" C'était la voix de Constance. Je comprenais pas pourquoi elle était là. Personne, personne, personne ne vient jamais au lac pendant la pleine Lune. Personne. Alors, je me suis levée et je regardé la rive. Constance était là. Elle me faisait de grands signes. Moi, je restais figée avec mes vêtements détrempés. Constance n'avait pas le droit d'être là. C'est mon endroit. Mon moment.

-Qu'est-ce que tu fais, andouille? Reste pas plantée là! a-t-elle crié.

Constance, elle me fait un peu peur. Elle a une grosse voix et un ton qui ne donne pas le choix. Et moi, je veux pas avoir de problèmes. Alors, j'ai avancé vers elle.

-Tu as l'air encore plus maigre avec tes vêtements comme ça.

Je savais pas quoi faire. Je regardais juste Constance les yeux grands ouverts.

-Tu fais quoi ici? elle a dit.

-Je... Me baigne.

Constance a levé les yeux au ciel.

-J'ai remarqué.

-Alors... Pourquoi tu as demandé? j'ai dit.

Je comprenais pas. Elle posait une question, mais elle connaissait déjà la réponse.

-Parce que je veux savoir pourquoi tu te baignes.

Je voulais pas lui dire. Constance avait pas le droit de savoir. Alors, je suis partie en courant.

-Au revoir quand même! elle a crié avant de rire très fort.

J'ai couru jusqu'à chez moi et je me suis couchée. Constance est allée trop loin. Constance, je la déteste. Du plus profond de mon âme. De toutes les petites particules de poussière d'étoile de mon corps.

-Ode