Coup de soleil

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Le soleil brûle ma peau. Il est presque quatorze heures, et les rayons sont sans pitié sur mon épiderme. Des picotements parsèment ma poitrine et mes épaules. Je presse mon index sur le renflement de mon sein. Un rond blanc fait une courte apparition parmi les rougeurs. Je vais avoir un mal de chien ce soir, mais si je ne bronze pas rapidement, je ne ressemblerais à rien dans ma robe de mariée. Du blanc dans du blanc, je serais confondue avec la dentelle.

Il ne me reste qu'une semaine. Samedi prochain, je deviendrai une adulte accomplie. Il ne me manquait plus que ça. J'ai réussi mes brillantes études de droit. Mon poste de juriste m'octroie un salaire satisfaisant. L'achat de mon appartement me stabilise. L'adoption de Meringue, un petit Jack Russel inépuisable, comble mes pulsions maternelles.

Julien a fait sa demande le jour de la saint Valentin. Après dix ans de concubinage, il s'est enfin décidé. Nous nous sommes rencontrés au lycée. Il est mon premier. Et il sera mon dernier. Lorsqu'il a posé un genou à terre, au milieu du restaurant dans lequel nous avons nos habitudes, je n'ai pas été surprise. Et pourtant, mon cœur n'a jamais battu aussi fort qu'en cet instant. Et j'ai dis « oui » à l'ultime question. Nous avons fixé une date pour l'été. Le château loué, la robe sur mesure, le traiteur réputé, les témoins aimés, mon rêve de petite fille se concrétise.

Enfin, si je réussis à hâler mon corps affamé. Je me suis mise à la diète quand je me suis rendue compte que le Nutella et les bonbons qui piquent enflaient mon cul considérablement. Mes efforts sont laborieux, les salades, une vision cauchemardesque, mais je rentre dans ma robe en coupant ma respiration.

L'avantage de vivre dans le sud ardéchois toute l'année est de connaître des lieux paradisiaques encore inconnus des touristes. Cette rivière, à quelques kilomètres d'Aubenas, s'est beaucoup tarie depuis mes années d'enfance. Mais le rocher depuis lequel je sautais, à fleur d'une petite cascade, est toujours aussi parfait pour mes séances de bronzette.

J'ai étalé ma serviette à l'effigie de la Floride sur la pierre lisse et chaude. Mon short et mon tee-shirt sont pliés en boule afin de me faire un appui tête confortable. Je brille comme un diamant poli. L'huile de monoï qui recouvre mon corps luit à la lumière vive. Mais j'aime cette odeur. Elle est apaisante et même si je ne suis pas encore en vacances, cette huile m'évoque le farniente et la plage. Badigeonnée du front aux orteils, j'ai la fausse impression d'être aussi séduisante qu'une vahiné.

La bretelle de mon maillot de bain tire sur ma peau écarlate. Je la descends et constate déjà la marque du bronzage laissé par le tissu. Il en est hors de question. Si j'arbore deux traits blancs sur les épaules dans mon bustier, j'aurais l'air ridicule. Je me redresse et regarde tout autour de moi. Il n'y a jamais personne qui vient ici. Je tends l'oreille à l'affût du moindre bruit. Le son d'un plongeon ? Le rire d'un enfant ? L'aboiement d'un chien ? Rien ne me parvient. Je n'entends que le son de l'eau de la cascade s'écrasant sur les rochers et le chant des cigales dans les arbres plus loin. Ma peau qui crépite au soleil pourrait presque se faire entendre tant les lieux sont déserts.

Je tire sur la ficelle attaché dans ma nuque et les deux triangles qui recouvrent mes seins tombent. Je ne suis pas une adepte du monokini, et je sursaute lorsque la brise fait trembler les feuilles du châtaignier un peu plus loin. Il n'y a personne, Marion ! La chaleur sur mes tétons est une sensation inconnue. Je ferme les yeux. C'est agréable, et il ne me faut pas longtemps pour me sentir à l'aise et oublier ma nudité partielle.

Lorsque le côté face est au bord de l'embrasement, je décide de combler mon côté pile. J'aurais bientôt un bronzage parfait. Toutes mes imperfections seront camouflées par la teinte caramélisée que j'obtiendrai. Toutes ? Sauf la cellulite sur mes fesses. Et lorsque je me déshabillerai au cours de la nuit de noce, le tanga prévu sous mon porte-jarretelles sera entaché par mon popotin blanc comme des œufs en neige. Je veux être la plus belle, ce jour-là, la plus séduisante, la plus sexy. Je veux me sentir désirée et irrésistible. J'inspire profondément et déroule le bas de mon maillot de bain le long de mes jambes. Bordel ! Je suis nue. Complètement nue. Je m'allonge sur le ventre. La brise caresse mes fesses avec douceur. Je ferme les yeux. La sensation de vulnérabilité se mélange à mon sentiment de liberté. Je suis une femme, et je jouis de ma féminité. La nature reprend ses droits. Je redeviens Eden. La perfection comme Dieu l'a crée aux premiers jours. Et je me sens bien.

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⏰ Dernière mise à jour : Jun 28, 2016 ⏰

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