Zodiaque (22 août - Et après...)

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Comme les signes du Zodiaque, nous sommes tous les facettes d'une seule et même jeunesse. Les composantes d'un même cycle, d'une génération qui s'est forgée dans la paix, pour être brutalement plongée dans la guerre.

Nous sommes les enfants de ceux qui ont cru en la mort de Voldemort. Nous sommes les enfants de ceux qui ont souffert, et qui ont cru, de toutes leurs forces, que ces souffrances nous seraient épargnées. Nous sommes des enfants surprotégés, qui n'avons pas appris à survivre.

Toute notre vie – notre si courte vie – nous avons été choyés, bercés par des histoires de monstres qui nous semblaient irréelles, qui, nous le pensions, ne nous arriveraient jamais. Nous avons grandi en ayant foi en l'avenir. Pendant quelques années c'est vrai, nous y avons cru. Cet espoir, même inconscient, s'est agrippé en nous, et lorsqu'il a fallu lâcher prise...

Nous sommes les enfants de la désillusion. Nous avons été forcés d'ouvrir les yeux. Nous avons vu la réalité du monde, son âpreté, son non-sens, et nous n'avons pas aimé ce que nous avons vu. Mais qui nous demande notre avis ? Qui nous donne le choix ?

Ceux qui disent que nous avons tous le choix mentent. Notre simple présence sur cette Terre n'est pas un choix. Nous avons beau être très jeunes, nous avons été les premiers à comprendre cette réalité toute simple : nous ne choisissons pas de naître. Nous venons au monde par le hasard des choses. On nous jette dans l'arène, sans nous demander notre avis. Sans nous donner de raison. Sans même nous dire ce que nous sommes censés faire.

La plupart des gens parviennent à vivre toute leur vie avec cette réalité terrifiante, sans même s'en rendre compte, sans même que l'idée leur traverse l'esprit ne serait-ce qu'une seconde.

Et pourtant, aujourd'hui, tous ensemble, s'il y a quelqu'un pour nous écouter, nous vous disons ceci. Votre existence n'est pas un choix. La réalité craint. Nous avons vécu une enfance dorée, où nous avions tout, et brusquement, on nous l'a reprise. Pourquoi cela devrait-il nous plaire ? Pourquoi devrions-nous nous battre, pour gagner un combat perdu d'avance, pour un idéal que nous n'atteindrons plus jamais ?

Pour l'honneur, nous direz-vous. Pour la dignité. Pour ne pas renoncer sans combattre, pour défendre tout ce en quoi nous croyons, ou avons pensé croire.

Tout le problème est là. Nous avons été élevés pour être des idéalistes. Nous sommes des passionnés, des poètes auxquels on a retiré leurs rêves. Aujourd'hui nous savons qu'il n'y a plus aucun espoir. Même si nous nous en sortons, à quoi bon ? Qu'y aura-t-il ensuite ? Une grande page blanche, que nous ne saurons pas comment remplir. Un monde terrifiant, qui ne nous fera pas de cadeau, peu importe que nous l'ayons sauvé ou non, qui nous engloutira à la première occasion. Personne n'en a rien à foutre de notre sort. Le Bien et le Mal n'existent pas. Ce ne sont que des mots, des concepts. Aucune force supérieure ne sera là pour trancher. L'univers se moque bien de qui gagnera. Nos actes n'ont aucune conséquence, ils ne sont que des vaguelettes en bordure d'un océan si vaste qu'on n'en aperçoit même pas l'horizon. Rien n'a de sens.

Voilà qui nous sommes. Nous sommes les enfants du siècle. Nous souffrons, nous nous résignons, et c'est pour cela que nous pouvons combattre.

Certains d'entre nous mourront dans ce combat. Certains accueilleront la mort avec soulagement : la certitude que tout ceci, ce calvaire, prendra fin un jour. Certains sortiront marqués à jamais, incapables de ressentir, d'être touchés, de s'émouvoir, ou au contraire, brisés par leurs émotions. Ce qui est sûr, c'est que nous ne serons plus jamais des enfants.

Durant ces quelques mois qui ont précédé le chaos, nous avons vécu. Nous avons célébré la vie dans ce qu'elle avait de plus accompli, de plus cruel et de plus beau. Nous sommes devenus des dieux, des martyrs sublimés par la grâce de la mortalité, des anges en suspens, attendant d'être damnés aux enfers. Nous avons laissé s'exprimer toutes ces tensions qui s'exprimaient en nous, car nous savions que ce serait notre seule occasion de le faire. Nous ne saurons jamais si ce que nous avons incarné représentait vraiment qui nous étions. Ce qui compte, c'est qui nous étions à cet instant. Quelle défense nous avons adopté face à la vacuité de la guerre, et du monde. Comment nous avons enduré l'attente de notre mort, alors que nous avions réalisé, au comble de l'horreur, que même la mort ne nous révèle pas pourquoi nous avons vécu.

ZodiaqueOù les histoires vivent. Découvrez maintenant