Part 2 : Baiser mortel

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Décret n° 434 :

Contrôle total par l'Etat de la procréation et des naissances. L'Etat se donne le droit de punir tout accouplement non autorisé en dehors du dôme.

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*  *

Ava, 13 ans

« Respecter la vie, c'est obéir aux règles de l'État », scande en rouge vif une des affiches placardées sur un mur de la rue que j'aperçois de ma chambre.

Blasée, je soupire.

Obéir, obéir, obéir. Je déteste ce mot et tous ceux qui l'entourent : devoir, contrainte, astreinte, entrave, chaîne.

Rien n'est drôle, spontané, « fun » ! (Mot que j'ai appris dans un des livres de la bibliothèque de mon père). Bref, je m'ennuie à mourir.

La seule activité « fun » est quand je guette le retour d'Aden chaque vendredi soir. Il est toujours à l'heure alors, je ne suis pas étonnée de le voir traverser la rue.

Il ne va pas rentrer directement, mais s'arrêter derrière l'un de nos rosiers éternels. Une fille doit déjà l'y attendre. La ville est étroitement surveillée par des caméras et notre jardin est l'un des endroits qui ne l'est pas.

Je file à toute allure, dévale les escaliers, dépasse la porte d'entrée, puis fonce à travers l'espace vert pour me réfugier derrière un chêne : un arbre centenaire au sommet duquel siège une vieille cabane en bois. Mon père a dû enlever l'échelle pour répondre à l'un des nombreux codes de sécurité de notre cité. Pourtant, cela n'a jamais arrêté Aden qui m'a appris à grimper jusqu'au bunker de notre enfance. Une fois en haut, j'ai une vue plongeante sur les rosiers.

Aden caresse les longs cheveux roux quasiment rouge d'une fille plutôt jolie. Il l'embrasse lascivement en émettant un léger grognement. Elle est accrochée à son cou et se colle contre lui de façon très suggestive. Depuis quelque temps, c'est toujours la même. C'est différent avec elle, je l'ai vite compris.

Les mains d'Aden encadrent maintenant son visage au teint de pêche, puis il se dégage un peu.

— Doucement, ma belle, souffle-t-il contre sa bouche.

Ses lèvres glissent lentement jusqu'à l'oreille de la fille aux cheveux de feu. À ma grande déception, je n'entends pas ce qu'il lui dit, mais la respiration de la rousse s'accélère, sa poitrine se tend dans sa direction.

— Aden... Pourquoi continue-t-on à se cacher ici ? On peut le faire ailleurs.

— On doit rester prudents.

Elle adopte un air renfrogné.

— Personne ne peut nous empêcher d'être ensemble. Tu te méfies parce que nous sommes compatibles, c'est ça ?

Compatible ? Incompatibles...

Dans notre cité, seuls les couples jugés incompatibles — incapables de procréer — ont le droit de vivre ensemble. On les appelle les négatifs, en référence aux résultats stériles de leurs tests de fertilité. Ainsi, aucune naissance ne peut survenir en dehors des protocoles rigoureusement contrôlés des dômes.

Les compatibles, ceux qui ont une probabilité de concevoir, n'ont pas ce privilège. Ils doivent vivre séparés, car ici, donner la vie, c'est risquer la mort.

Pour cette raison, les hybrides ont été désignés comme les seuls reproducteurs. Leur génome est exceptionnelle : il résiste à toutes les maladies et échappe aux déformations génétiques. Les femmes qui portent leurs enfants sont soumises à une surveillance minutieuse. De nombreux traitements sont administrés pour stabiliser l'embryon, inhiber les gènes d'origine animal, souvent trop instables ou inadaptés au corps d'une simple humaine.

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