Une voix s'éleve du palier. Je la reconnais; c'est cellle de ma mère. Douce et ferme à la fois. comme une rose attirante mais chargée d'épines...
Après être restée quelques instants pelotonnée sous ma couverture, je décide tant bien que mal de me lever et de descendre les marches de l'escalier. Je surprend alors mes parents en train de se disputer. Ou du moins de parler avec dynamisme. Ma mère fait des vas et viens du fauteuil jusqu'à la table en enroulant continuellement un ruban autour de ses doigts. Mon père, quand à lui, est assis, la tête enfouie dans ses mains. Le scène ne me pertube pas le moins du monde. Au contraire, j'y suis habituée. C'est à chaque fin de cycle la même chose... A chaque fin de mois. Où il est temps pour nous de prendre la route et de faire, une fois de plus, un saut dans l'inconnu. Partir, fuir. Mon existence se résume à ça. Grandiose.
- Elie... marmonne mon père entre ses doigts.
- Non Arthur, tu ne m'y obligeras pas, coupe ma mère d'un ton rude, moi je n'en peux plus...
Sa voix se brise, elle se laisse tomber sur la chaise en laissant échapper un sanglot. Mon père relève brusquement la tête :
- Et que veux tu que j'y fasse mmh ? C'est toi qui a accepter cette existance... Moi j'y suis contraint depuis ma naissance. je t'avais pourtant prévenu ! J'étais sûr que tu ne tiendrais pas le coup. Pas plus de vingt ans... Et bien tu vois on y arrive !!
Ma mère se lève d'un bond, faisant tomber la chaise sur laquelle elle s'était assise.
- Tu me reproche de m'être sacrifiée pour l'homme que j'aimais c'est ça ?
- Non Elie... Jamais... Je te reproche de regretter.
-Mais t'es tu vue ??? Tu ne te bas pas pour recouvrir ta liberté... Notre liberté... Tu n'éssaye pas !! Que veux tu que je fasse ? que je me réfouisse d'être la femme d'un lâche ?
Mon père est sur le point de répliquer lorsque le craquement que produit le bois sous le poid de mes pieds le fais sursauter. Son visage s'illumine alors :
- jeanne !!! Te voilà réveillée ! Mange vite, nous avons beaucoup de choses à faire aujourd'hui !! Le grand départ est pour demain !
Pour toute réponse je fais la grimace. dix-sept ans que ça dure. Dix sept ans que mon père fais semblant d'être content à chaque fin de cycle. je m'assieds et m'enfile une part de brioche. Ma mère a à présent le dos tourné, mon père sifflote un air joyeux en prenant un air faussement hagard. Pathétique. mais avons nous réellement le choix ? Nous sommes des nomades... Notre rang nous oblige à disparaître le moment venu. Qui dit nomade dit aussi personne dénuée de sens. ma mère en avait pourtant. Beaucoup même. Elle aurait été une dryade. D'où son extrème beauté (dont je n'ai pas hérité en outre). Mais elle a rencontrée mon père et à renoncé à sa magie pour vivre avec lui. Car, en effet, toute personne se liant avec un nomade devient nomade à son tour. vu comme ça, on dirait plutôt un conte de fée. Mais si on ajoute que ses parents l'on déshériter et chasser du cercle familial, ça y ressemble moins. les détails essentiels qui plombe la vie d'un couple.
- Tu as préparé tes affaires ? me lance mon père
je prends le temps d'avaler ma brioche avant de répondre :
- Ouais
Pour moi "affaires" est un bien grand mot. Non je dirais plutôt souvenirs... Plumes, fleurs séchées, galets, bouts de verres... Des objets sans intérêts qui me rappelle les escales qui ont constituées ma vie...
- Parfait ! s'exclame mon père, dans ce cas tu pourras aider maman à prépare le...
- "maman" ne prépareras rien du tout ! s'écrie celle-ci, pas avant que tu te décide à devenir quelqu'un... J'en ai assez de passer ma vie à être un rien du tout !
- Elie, il me semble que...
- La discussion s'arrête là.
Et elle part en claquant la porte.
- Papa...
- Non jo, pas maintenant, fait d'une voix lasse mon père, s'il te plait.
Je me lève à mon tour et sort dans le jardin. J'en profite pour piétiner quelques herbes histoire de me défouler. Je m'assieds sur le perron et attends. Attends quoi d'ailleur ??Je n'en sais rien. Je me laisse portée pas la brise du matin et attends. Je ferme les yeux et attends. Un bruit qui n'a rien à voir avec le chant des oiseaux s'élève alors du bout du chemin sur lequel longe notre maison. J'ouvre un oeil. je pousse un cri. Ce sont les cavaliers noirs...