Every Single Lights

Mori

J'ai tout gagné en perdant.

J'ai perdu au jeu de la vie. Bien entendu, je suis désolée d'avoir du abandonner la seule personne qui tenait à moi en bas, seulement je sais qu'un jour elle me rejoindra, elle le fera lorsqu'elle aura vécu la vie qu'elle mérite de vivre.

J'ai perdu au jeu de la vie. Celui auquel chaque être vivant joue dès sa naissance, ce jeu auquel on ne choisit pas de jouer. On ne peux pas réellement gagner à ce jeu, mais il arrive que lorsque l'on perd, on gagne la meilleures des choses. Cette dernière diffère d'un être à un autre, dans mon cas j'ai gagné un être qui me comprends. Sans le savoir, il avait toujours veillé sur moi.

La première fois qu'il m'a réellement rencontré, c'était dans un parc près de chez mes parents. J'étais assise tranquillement sur un banc, plongée dans mes pensée et les yeux perdus dans le ballet qu'offraient les flocons de neiges, lorsqu'il s'est assis à mes côtés. Tout d'abord, je ne me suis pas inquiété de savoir ce qu'il cherchait à faire, j'ai juste pensé qu'il était idiot de s'asseoir sur un banc déjà occupé alors que le parc regorgeait d'assises vide.

Il est resté assis là pendant plusieurs heures je crois, mais lorsque les cloches de l'église toute proche sonnèrent sept coups et me tirèrent de mon état second, il se leva et s'en alla sans demander son reste. J'ai observé son allure nonchalante alors qu'il s'éloignait en souriant, ses cheveux blancs se mélangeant avec les milliers de fractales des flocons du soir. Ce personnage m'avait réchauffé le cœur mais je n'en pris pas plus compte devant aller me préparer pour le réveillon de Noël de ce soir, l'unique raison pour laquelle j'avais accepté de prendre une pause. L'échéance de mon éditeur arrivait rapidement sans que je n'ai rien écrit ; auteure de profession j'en étais incroyablement frustrée. Après six ans et huit romans, j'étais atteinte de ce syndrome de la page blanche.

La maison de mes parents se situait dans un tout petit village perdu dans les pays scandinaves, j'en avais hérité huit ans auparavant, lorsque mes géniteurs nous avaient laissés, ma sœur et moi, seules. D'un accord commun, nous avions décidé de garder notre maison d'enfance, j'avais donc débuté ma carrière d'auteur en ermite cachée dans les conifères de Norvège, tandis qu'Anna partait faire ses études de journalisme en Russie. N'ayant jamais été attirée par les gens, j'évitais au maximum de me confronter aux autres ; j'étais bien dans mon chalet, devant mon ordinateur, un feu dans la cheminé, perdue dans les aventures de mes personnages.

J'aurais pu me passer de travailler, mes parents ayant laissé de quoi assurer nos arrières, mais je ne considérais pas écrire comme un travail, plutôt comme une occupation qui au grès du hasard s'était retrouvé dans les mains d'un éditeur et qui l'avait fait devenir connu. J'étais néanmoins persuadé que ma sœur avait envoyé mes histoires sans m'en avertir. J'aurais pu lui en vouloir, mais à quoi bon ? Mes romans plaisaient, et rien ne m'empêchait de continuer à écrire dans mon coin, la seul chose différant d'avant étant de voir les aventures que j'avais écrites dans les mains de différentes personnes dans le monde. J'avais seulement une condition : ne jamais me forcer à écrire quoi que se soit. Jusqu'à présent cette condition avait été respecté, mais voilà que je n'avais plus aucune idée d'histoire. Alors, au lieu de rester coincée dans mon bureau, les yeux rivées sur la barre clignotante de la page texte ouverte, ma sœur m'avait forcé à fêter la veillée de Noël avec elle et son petit-ami.

C'est également à cause d'elle que je me suis retrouvée dans le parc ce jour là. Indirectement, c'était à cause de ma sœur trop envahissante dans ma solitude habituelle que cette histoire, mon histoire avait débuté.

Noël est passé, puis vint le jour de l'an, et peu de temps après ma sœur repartit vers Moscou accompagnée de son bien-aimé. D'une certaine manière, j'étais jalouse d'eux ; je n'avais plus eu de petit-ami depuis le lycée, ou plus exactement depuis le décès de mes parents. Cet événement m'avais brisé.