Chapitre 1

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《Solène, c'est quand tu veux, ça va commencer, grouille toi!》

Elle était à moins de 3 mètres de moi à présent, les yeux plein d'étincelles, reflétant les lumières qui dansaient sur la scène. Le théâtre était bondé. De tous les côtés, des personnes discutaient, appelaient et souriaient. Puis, alors que le groupe entrait sur scène, tout le monde se tu rapidement. Après quelques mots de Bienvenu, la musique se mit à tambouriner dans la salle, faisant trembler mon corps. Petit à petit, emportée par le mouvement de la foule en délire, je me mis à danser, au rythme de la musique. Ellia faisait de même, un sourire collé aux lèvres. Ça faisait plus de 3 ans que nous étions ensemble en classe. Nous avions fait le Lycée ensemble, toutes les deux. Je venais de fêter mes 17 ans, il y a 2 jours, et ce concert était mon cadeau d'anniversaire.
Les chansons s'enchaînaient tel des vagues, toutes plus accrochantes que la précédente. Puis, soudain, tout s'embrouilla.
Je crois pouvoir affirmer que personne ne comprit parfaitement ce qui se passa cette nuit là.
J'entendis des pétards, qui s'avéra bien vite ne pas en être. L'un des chanteurs disparu dans les coulisses, très vite, les autres membres du groupe le suivirent tandis que des coups de feu me perçaient les tympans. Il y eu un mouvement de foule vers l'avant, comme un troupeau effrayé. Il me fallu plusieurs secondes pour comprendre ce qui m'arrivait, à tel point les événements s'enchaînaient vite. L'un des assaillants était monté sur la scène et faisait feu depuis le devant, nous piègeant comme du vulgaire bétail. Des cris montaient au plafond, des corps s'écroulaient en gemissant tout autour de moi. J'avais perdu Ellia de vue. Une personne, que j'eus à peine le temps de dévisager, s'écroula à quelques centimètres de mon visage, lâchant un râle d'agonie, s'aggripant dans un geste désespéré à ma jambe. Je chutai, me cognant la tête contre le sol, la main autour de ma cheville me lâcha aussi rapidement qu'elle m'avait prise. Je fourrai ma tête entre mes genoux, tentant de reprendre mon calme. Je reçus du sang dans le visage, mais ne bougeai pas. Des coups de feu venaient d'en haut également. Alors que les corps semblaient tomber comme des mouches, que les cris devenaient de plus en plus des cris d'agonie, je vis un surveillant ouvrir les deux battants d'une issue de secours, et de faire signe au public de sortir. Il fut très vite abattu de deux balles en pleine poitrine. Je restai là un instant, tétanisée, incapable de rien, ne pouvant décrocher mon regard de son cadavre. Puis, poussée par une montée d'adrénaline sortie de nulle part, je fendis vers la sortie, où se massait déjà de nombreuses personnes. Je vis une mère, tenant deux enfants fermement devant elle, se servant de son corps comme obstacle pour les protéger, une dame, poussant une chaise roulante où était posée une vieille femme aux yeux vides. Je vis aussi un groupe de jeune, ayant rassemblé leur courage pour tenter d'aider le plus grand nombre de gens possible. L'un d'eux me pris par la main, et me jeta dehors. Je réussi à garder l'équilibre.
L'air frais de la nuit me frappa en pleine face. Des gens prenaient la fuite dans les rues, en hurlant au secours. D'autres, perché sur des balcons ou à leur porte, priaient aux victimes de venir se mettre à l'abri chez eux. Les secours commençaient à arriver et à se déplier autour du Bataclan. Puis, il y eut des explosions, qui nous obligèrent à nous éloigner encore plus du bâtiment.
Le silence revenait peu à peu.

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