Inopinés

Sylvain

Avril 2000, on avait environ 8 ans.

Après les hurlées stridentes de notre professeur, on marche, les larmes encore aux yeux d'avoir tant rigolé, vers le bureau du directeur. Sylvain me regarde, les yeux plissés, les lèvres encore tremblantes, c'est que c'est éprouvant un bon fou rire.

J'ouvre la porte et nous entrons dans un bureau, boiseries défraîchies et velours vert anis nous entourent, et assis, bien à sa place au milieu du désuet, notre directeur, nous regarde d'un oeil inquisiteur.

Ne pas rire, surtout ne pas rire, ne pas regarder Sylvain, surtout ne pas regarder Sylvain...

On lui expose les faits, chatoyants de sérieux, on est très bon acteurs. Il commence à nous sermonner, nous commençons à pouffer, il commence à nous menacer, nous commençons à ne plus l'écouter. Les minutes passent, je commence à apprendre les motifs du tapis par coeur, Sylvain, lui est très concentré sur les pieds du fauteuil devant lui. 

Je relève la tête seulement un instant, un instant de trop pour espérer éviter les yeux de mon meilleur ami, c'en est fait, nous nous sommes regardés, il me transmet son idée par je ne sais quelle télépathie, j'acquiesce discrètement, et retient un énième éclat de rire.

Je donne un signal imperceptible pour toute autre personne que mon ami, nous commençons l'opération, pendant ce temps le directeur continue de débiter des phrases mille fois entendues, nous levons la tête en même temps, et ça y'est, les yeux de notre interlocuteur s'exorbitent : il vient de remarquer que nous nous sommes pissé dessus.

Les choses se sont ensuite enchaînées très vite, nos parents sont arrivés, consternés des ravages que provoquait notre connivence.

Avant de rentrer dans la voiture de mon père, j'ai le temps de faire un dernier clin d'oeil à Sylvain, des perles de sueur se sont formées aux tempes de ses cheveux de jais, ses profonds yeux rieurs me considèrent, il m'adresse un dernier signe de ses mains agiles, je mime un "Ciao" de mes lèvres avant de partir.