chapitre 1

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La liste des 3 choses qui me manquent le plus:
1. Ma chambre
2. La télévision
3. L'alcool

Je n'ai pas eu droit à ces trois plaisirs depuis bientôt quatre ans. Ça, ça me manque. La liberté. Pouvoir marcher dans la rue et faire un doigt d'honneur au conducteur merdique qui pourrait me tuer à cause de sa vitesse. Aller chercher de la malbouffe à 4 heures du matin si j'en ai envie. Me saouler seul dans mon appartement miteux de
Londres, tard le soir. Écouter la télévision en réfléchissant ou baiser une fille toute la nuit puis la pousser dans le couloir à moitié nue. Je suis un connard, je le sais. Personne ne comprend vraiment à quel point c'est chiant de rester assis toute la journée sur un lit encore plus inconfortable qu'un banc de parc. Personne ne sait combien c'est effrayant d'entendre des cris provenant de schizophrènes et des psychopathes toute la nuit. Moi je le sais. Depuis la première nuit que je suis dans cette cellule froide, je sais que je dois sortir au plus vite. J'en fais des cauchemars, des demons apparaissent réellement dans ma tête. Les voix des autres me hantent jusqu'à ce que je hurle à mon tour pour qu'on me laisse sortir de cet enfer. C'est de ma faute, je l'ai mérité, mais je n'aime pas pour autant sentir mon âme devenir de plus en plus noire et ma tête se noyer dans une mer de pensées sombres. Le noir dans le couloir me terrifie, parce que j'y vois des ombres filiformes danser pendant que je souffre le martyre à cause des monstres dans ma tête qui dévorent le peu de lumière qu'il me reste. Mon enfer sur terre est l'hôpital psychiatrique de Forest Hill et le diable est dans mon crâne.

Je me retourne dans mon grabat depuis ce qui parait être deux heures, l'insomnie me ravage à toutes les nuits, parce que je cherche un moyen pour partir du bâtiment, mais aussi à cause de Mary qui hurle au meurtre en passant ses mains à travers la grille pour attraper l'uniforme d'un des gardes de nuit. Bordel, comment elle fait pour encore avoir une voix?

-Ta gueule merde!

C'était violent, mais j'en peux plus. Elle se met en boule sur le sol et marmonne des phrases incompréhensibles tout en fixant le mur. Il y en a une dizaine comme elle, seulement dans cette partie de l'hôpital. Le centre psychiatrique de Forest Hill est séparé en plusieurs ailes; l'aile pour les criminels fous, une pour les fous seulement, une pour les enfants et une autre pour les personnes âgées qui doivent rester ici jusqu'à crever dans l'atrocité de leur espace, et finalement une aile pour ceux qui dérangent trop. Putain j'ai hâte que Mary rejoigne cette aile. Je surnomme affectueusement cette section "L'aile qui punit les putains de dérangés", même si on est tous un peu dérangés pour s'être retrouvé enfermé ici. Les gardiens sont tous des enfoirés, mais à l'instant je voudrais sauter dans les bras du garde qui est allé dans la cellule de Mary pour lui donner un sédatif sous forme de pillule. J'ai déjà essayé de le soudoyer avec mon plus beau sourire, sachant qu'il est gay, afin d'avoir un petit sachet de ces pillules magiques, mais je n'ai pas réussi et il m'a foutu son poing sur la mâchoire. Oups. Je suis dans l'aile des criminels fous. Pourquoi? Ça c'est mon secret. Comme la folle dans la cellule à ma droite est résignée à me laisser éveillé, je décide de parler avec le gars qui surveille ma cellule, Sean.

-T'as déjà pensé à la chirurgie, Sean?
-Ferme la Anderson.
-Je prend ça pour un non, mais je connais un très bon chirurgien, ici même, bon il est cannibale et présentement dans une cellule, mais il ne pourra jamais faire pire que ce à quoi tu ressembles présentement.

Je le vois serrer les poings et je réprime un fou rire, non mais il est laid, faut l'avouer.

-Oh Sean, allez je blague! T'es hideux, mais au moins tu t'assumes, c'est bien! Donne moi un sédatif, tu pourras avoir la paix!
-J'ai une meilleure idée, connard.

Sean déplace son corps de quasi-obèse dans ma cellule et sort des sangles et un bandeau pour me bâillonner.

-Merde t'es susceptible!
-Bonne nuit Anderson.

Quand je dis que les gardes sont des enfoirés, c'est parce qu'ils n'hésitent jamais à battre un patient, à priver de nourriture un enfant affamé qui pleure dans sa cellule, ou même à tuer un fou qui hurle trop.

J'ai sentis le poing de Sean s'abattre sur le côté de mon crâne, me rendant légèrement étourdi. J'ai bien dit légèrement, je ne vais pas me faire assommer par Sean. J'essaie de lui rendre son attaque mais la sangle qu'il a posé sur mon poignet droit m'empêche de bouger.

-Détache moi putain!
-Ferme ta gueule ou je te fais coudre la bouche.

Sean à un minimum de gentillesse, il me plante une aiguille pleine de sédatif dans la veine du cou. Ces seringues sont habituellement utilisées pour endormir un patient plus longtemps, merci Sean.

Quand je reprend conscience, le jour semble être levé depuis bien longtemps, ce qui me fait sentir un peu plus à l'aise, loin des ombres qui essaient de me repousser dans la noirceur de mon esprit. Les sangles sont toujours sur mes poignets, brûlant ceux-ci à chaque mouvements que je fais. Ce n'est pas la première fois que je les portes, je l'ai ai eues 2 fois auparavant, la première quand j'ai essayé d'étrangler un gardien, et la deuxième quand j'ai fais une crise de panique à cause d'un cauchemar et que je suis devenu incontrôlable. Habituellement, je reste attaché environ une journée et demie, sans manger ni boire, pour me punir probablement. Le directeur de l'établissement est plutôt sympathique, étonnement. Mais il se laisse contrôler par les employés et c'est ce qui fait que les patients sont autant mal traités. J'ai une sentence à vie, mais je pourrais peut être sortir plus tôt si les juges décident que je suis redevenu miraculeusement saint d'esprit, mais je sais très bien que je le suis déjà. Je suis un meurtrier, mais je ne suis pas fou. Mes demons le sont, et je suis fais de ceux-ci, ils me contrôlent. J'aimerais bien pouvoir prendre le dessus à nouveau, mais je doute que c'est avec cet azil que je vais y arriver. Il ne fait que me tirer vers le bas, tout comme le font les cris et les pleurs. Je m'imagine des monstres et des choses qui me font hurler intérieurement, parce que je n'arrive plus a crier à cause des mains de mon diable déposées sur ma bouche. Je ne crois plus en l'espoir d'un jour revoir l'extérieur, parce que j'ai besoin de lui pour me sortir de cet endroit de fous. J'ai besoin de sentir l'air frais sur ma peau, de manger des biscuits, de faire des choses banales et de baiser. Si c'était possible à Forest Hill, je serais rétabli depuis bien longtemps.

Je suis encore attaché au lit, j'attend que Sean se décide à venir me libérer de mes sangles. Les heures passent et j'entend plus de bruits qu'à l'habitude, des hommes sifflent et des bruits de pas s'approchent des cellules de ma section. Quand je me retourne vers Mary pour lui demander ce qui se passe, je la vois se faire traîner hors de son espace miteux par Sean.

-Elle va où?
-Dans une autre aile, elle dérange trop et un nouveau patient arrive pour prendre sa place.

Je suis le dernier patient qui est entré à Forest Hill, enfin un peu d'action. Nos journées ici se résument à manger, dormir, hurler pour certains, frapper les murs pour moi. Mes jointures sont tachées de sang séché à force de frapper dans le mur de brique. Certains compte les jours, moi je compte les coups avant de me casser les mains. C'est plutôt amusant, j'ai essayé de faire jouer Mary mais elle a hurlé pour se débarrasser de moi. Le silence est revenu dans l'aile avec le départ de ma voisine, j'attend seulement impatiemment l'arrivée du nouveau, en espérant qu'il sera comme moi, criminel mais pas fou. Le système de classement des patients est très mauvais, en face de ma "chambre'' se trouve Xander, un gars qui a essayé de manger son bras. Il n'est pas criminel et pourtant il est dans l'aile réservée aux gens comme moi. J'entend des pas provenant de plusieurs personnes en même temps au fond du couloir, me signalant l'arrivée du nouveau gars qui devra m'endurer. Je tente de voir malgré le grillage épais, mais ce que je perçois m'étonne. Une fille à la peau laiteuse et aux cheveux noirs d'ébène avance dans son uniforme foncé, deux gardes à ses bras et des menottes attachées à ses poignets fins. Un sourire en coin est affiché sur son visage et lorsqu'elle passe devant moi, je vois ses yeux verts perçants qui me transpercent la peau jusqu'au coeur. Elle me fait un clin d'oeil et tourne vers sa nouvelle demeure, la cellule à ma droite.

-Grace Dawson.
-Axel Anderson

The Demons In My HeadOù les histoires vivent. Découvrez maintenant