Chapitre 2

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Easton Creek, Idaho. Eté 1860.
Eden Sullivan.

Comme chaque matin, les activités journalières reprenaient à Easton Creek. Je sortis de la demeure familiale située au bas de la rue principale, afin de la longer et remonter jusqu'à l'école à l'autre extrémité. J'étais institutrice et m'occupais des tout petits.

Nous étions mardi. Le chariot de livraison venait de stopper face au magasin d'alimentation générale et Monsieur Tweet, l'épicier balayait l'entrée. Je profitai de mon passage devant les larges vitres pour ajuster ma tenue. Mon chignon était-il toujours bien en place ? Ma jupe impeccable et sans aucun pli ? En face, le barbier ouvrait ses portes. Il vérifia que personne n'avait dérobé son enseigne – sorte d'immense sucre d'orge blanc et rouge – et ôta la chaîne qui le retenait à la boutique pour la nuit. Un à un les commerces s'éveillaient à leur tour tout le long du chemin. De tous, un seul était déjà bien animé et bien bruyant, ne cessant ses activités que rarement. Le saloon.

Deux poivrots furent éjectés au-dehors, l'un atterrissant en bas des marches du perron, dans la poussière de la rue et les excréments de chevaux séchés. Le second qui, malgré qu'il titubait, tenait encore à peu près debout alla péniblement le soulever, passer un bras sous son aisselle et l'emmener avec lui cuver dans une ruelle plus loin. J'évitai leurs regards, prenant une posture hautaine. Le dos bien droit, bombant le torse et levant le menton. Et même si je n'échappai pas à un sifflement discourtois suivi de quelques quolibets critiquant mon apparente prétention, cela suffisait souvent à ce que l'on me laisse en paix. Mais, comme toujours, une fois éloignée de quelques mètres, je me remis à respirer, relâchai la tension dans mes épaules et repris mon pas normal.

Enfin me voici arrivée. L'école et le petit bout de terre servant de cour de jeux aux enfants ainsi que l'église entouraient une place sur laquelle l'on construisait une vaste estrade de bois.
Nous aurions droit aux bruits des marteaux troublant la classe, mais cela annonçait les festivités données en l'honneur du dixième anniversaire de Easton Creek. Un évènement à ne pas manquer puisqu'il marquait également l'arrivée de notre nouveau pasteur. Je m'arrêtai un instant, observant les ouvriers occupés à dresser la banderole entre deux immeubles qui se faisaient face. Celle-ci reprenait le thème de la soirée et souhaitait la bienvenue aux nouveaux arrivants. Car le père Valentine ne viendrait pas seul, il serait accompagné de son fils. Un jeune homme de bonne éducation à ne pas en douter et qui faisait déjà rêver toutes les jeunes filles à marier. Un nouveau visage ne pouvait faire que sensation puisque nous avions toutes grandi avec la plupart des jeunes gens de la ville.

Je repris ma marche, traversant les groupes d'enfants qui me saluèrent, certains cessant leur course ou leur marelle un instant pour cela et allai souhaiter le bonjour à ma collègue qui se chargeait de donner la classe aux plus grands. Après avoir brièvement discuté, celle-ci sonna la cloche annonçant qu'il était l'heure de rentrer.

Scandales à Easton CreekOù les histoires vivent. Découvrez maintenant