Nothing goes as planned

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CHAPTER 1

Bobby avait seulement neuf ans. Hanbin avait débarqué dans sa vie tel un véritable boulet de canon, il ne s'était attendu à rien et son arrivée avait provoqué l'écroulement du monde entier autour de lui. Le petit garçon que sa mère avait ramené à la maison, un des ces matins où le vent fait vibrer les fenêtres si fort qu'elles semblent sur le point de se briser, il n'avait rien d'un gosse normal. La femme d'âge mur l'avait poussé dans le salon, jusque devant Bobby, et alors elle lui avait annoncé d'un ton sympathique tout aussi faux que le sourire qu'elle arborait : « Hanbin, je te présente Jiwon, ton... nouveau frère ».

Bobby avait contemplé Hanbin un moment, d'abord réticent à l'idée de devoir partager sa maison, sa famille et ses jouets avec un autre garçon, qui n'avait aucun lien de sang avec lui en plus de ça. A cette époque où il n'était qu'un enfant et le précieux bébé de sa mère, il avait trouvé cela très dérangeant et avait même pensé rejeter Hanbin pendant quelques minutes. Il s'était mis en tête de le renier aussi fort qu'il le pourrait, mais alors l'autre jeune garçon avait eu dans le regard une de ces lueurs qui lui avait fait trembler l'âme, un petit scintillement presque heureux en sachant qu'il allait pouvoir se faire un ami.

Alors Bobby avait pris un peu de temps pour l'observer, ce gosse à l'air torturé, qui n'avait pour expression que la lassitude ou la fatigue. Des cheveux noirs, ébourriffés, ce pull qui lui pendait au corps comme un vieux drap et qui descendait jusqu'à la moitié de ses jambes frêles, tremblantes. Il avait vu sa peau tâchée de terre, ses mollets écorchés, les petites coupures sur ses doigts. Bobby avait vu en lui ce môme qu'il voyait souvent dans les films, ce gamin abandonné par sa famille qui errait dans les rues en mendiant et en se nourrissant de ce qu'il pouvait trouver dans les poubelles, qui devait se salir les mains dans une flaque répugnante pour se procurer un peu d'eau. Et malheureusement, il ne se doutait pas qu'il n'était pas si loin du compte.

Ils s'étaient tous les deux fixés un moment, la mère de Bobby ne réagissant pas tout d'abord, ayant aperçu dans le regard de son fils biologique l'unique expression qu'elle s'attendait à percevoir : de la jalousie. Mais alors que les iris de Bobby s'étaient soudainement attendris sur le petit garçon qui se tenait debout devant lui, alors que ce dernier avait commencé à abandonner son air exténué pour le troquer contre un sourire léger, elle s'était dressée entre eux comme une frontière impénétrable, imperméable à toute larme de compassion, impassible face à un quelconque sentiment aussi bénin que l'empathie.

- Hanbin, viens donc, je vais te conduire à ta chambre, lui avait-elle ordonné en gardant cet air de dégoût qu'elle avait depuis qu'elle avait prononcé son nom pour la première fois.

Hanbin avait obéi, bien évidemment. Bobby n'avait pas détaché son regard de son petit corps faible alors qu'il suivait les traces de sa mère. Sur leurs talons, il avait vu sa génitrice grimper les marches de l'escalier menant à l'étage, puis une fois en haut, elle avait bifurqué sur la gauche. La chambre libre de la maison n'était pas de ce côté là, il en avait été certain à cet instant. Il avait voulu prévenir sa mère, de son innocence naïve d'enfant, la rattrapant et agrippant l'arrière de son chemisier de satin.

Il n'avait pas eu le temps de prononcer un seul mot. Sa mère avait attrapé le fil qui pendait du plafond, et avait tiré avec force, ouvrant une trappe dans le toit et déroulant les escaliers qui menaient au grenier. Elle avait fait signe à Hanbin de monter. Celui-ci n'avait pas osé refuser. Malgré son air perturbé et réticent, il avait posé son pied nu et couvert de cicatrices sur la première marche en bois. Il avait fait son premier pas vers les Enfers, sans même le savoir, inconscient du danger qui l'attendait en haut et d'à quel point il allait regretter avoir cédé à cette demande, ne pouvant la refuser puisqu'elle venait de la personne qui lui avait « sauvé » la vie. Bobby, lui, l'avait senti dans ses tripes. Il le sentait toujours.

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