Prologue

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— Comment oses-tu venir ici et m'insulter, infâme petit vermisseau ? hurla le magicien noir.

Aussitôt, un vent violent se souleva, renversant tout sur son passage. Les vases s'écrasèrent sur le sol, les rideaux virevoltèrent à travers la pièce et les tableaux tombèrent de leurs socles d'or tandis que les quelques conseillers de l'assemblée tentèrent de maintenir leurs robes de cérémonies en place.

— Votre seigneurie, ce que j'avance est la pure vérité. Un de vos instigateurs a assassiné ma mère et je demande réparation ! proclama le jeune homme, indifférent à la colère de son Suzerain.

Un rire cruel et violent s'éleva, faisant sursauter toute l'assemblée. Chacun releva la tête et fixa le mage noir. Comment pouvait-il glousser à un moment pareil ? N'avait-il pas de cœur pour ce jeune sorcier qui n'avait pas encore atteint sa maturité ? Pendant toute la durée de son apprentissage, le Seigneur avait démontré à son apprenti qu'il fallait faire abstraction de ses sentiments par rapport aux autres, seule la violence pouvait résoudre bien des problèmes, selon lui. Toutefois, il ne s'agissait pas de personnes prises au hasard, il s'agissait de sa mère, celle qui l'avait accompagné aussi loin qu'elle le pouvait, celle qui l'avait mise au monde, celle qu'il avait promis de protéger.

— Personne ici n'a approché ta génitrice et je t'interdis de proliférer de telles accusations...

— C'est impossible ! hurla-t-il alors.

Le silence s'intensifia. Chacun se regarda comme si l'autre était le coupable, mais personne ne prononça une seule parole. Tous les souffles étaient retenus. Le suzerain haussa un sourcil de colère. Cet enfant, comme il aimait l'appeler, commençait à l'agacer véritablement. Ses yeux violets virèrent subitement au noir.

— Vous ne me faites pas peur, Black Warlock ! On a tué ma mère, je réclame la tête de l'assassin. Vous savez que c'est mon droit.

Le Seigneur observa ses conseillers les uns après les autres puis reporta son attention envers son élève. Il devint nerveux, soudain. Il connaissait les règles, et comme toute personne humiliée, il savait que son élève avait le pouvoir. Comme nul n'intervenait, le jeune garçon reporta son attention vers son professeur.

Ce dernier était le seul à être réellement sur les nerfs et ne cessait de jeter des coups d'œil rapide vers la porte de sortie, comme s'il avait... peur. L'élève dévisagea son Maître pendant un moment, avant que le doute ne s'installe dans son esprit. Il n'avait quand même pas fait ça ? Pas lui ! Il le considérait presque comme un père, comme s'il était de son sang. L'idée lui vint alors de franchir les limites de la politesse et décida de vérifier par lui-même qu'il avait vu juste. Il s'avança calmement, poussa un profond soupir et, les yeux dans les yeux, il s'exclama :

Dévoilez votre secret !

L'air changea soudainement. Les conseillers bondirent sur leur pied comme s'ils avaient été électrocutés. Des gardes encerclèrent le garçon avec force, bien que cela ne fût pas nécessaire. Les yeux hagards à cause du sortilège, le Maître s'exprima sans aucune émotion :

— J'ai tué ta mère... parce que je l'aimais et qu'elle me refusait ! Je l'ai tuée parce que j'en étais tellement fou que ça en devenait triste. J'avais si mal au fond de mon être que je devais éteindre cette douleur au fond de moi.

Black Warlock ferma les yeux un bref instant et le sortilège prit fin aussitôt après cette déclaration. En regardant de plus près ses confrères, il comprit qu'il venait de dévoiler son secret. Il percevait quelques effluves de magie, qui embrumaient encore son esprit, alors il sut que le gamin avait osé utiliser sa capacité contre lui, ce qui était impardonnable d'après les textes sacrés. Cette fois, sa rage fut violente. Il s'apprêta à rejoindre le garnement, quand l'un de ses conseillers, Wallace, le ceintura. Lorsqu'il croisa son regard, il haussa un sourcil de réprobation. S'en suivit ensuite de tout un langage muet connu d'eux seuls. À l'instant où tous les deux se furent compris, le magicien noir fût reconnaissant envers son ami. En effet, il ne fallait pas agir sur un coup de tête. L'acte qui avait été commis à son intention était intolérable et pour cela, son disciple payerait. Il ne voulait pas le tuer, la perte de sa mère lui était déjà intolérable, alors si en plus il venait à tuer l'héritier, il était sûr de ne pas s'en remettre.

Dès l'instant où il était entré dans sa vie, le Suzerain avait protégé son disciple. Il avait fait de son élève un être puissant, débordant de magie. À présent, il ne savait plus trop ce qu'il voulait de lui. Il avait fauté, c'était certain, mais allait-il le punir pour cela ? Le Magicien Noir reprit sa place à la table du Conseil et Wallace prit la parole.

— Tu as perpétré un acte irréfléchi, élève du grand Magicien Noir. En aucun cas, tu n'aurais dû utiliser tes pouvoirs contre l'un des tiens et encore moins contre ton Maître. Tu connais nos lois.

— Mais il a tué ma mère, vous l'avez entendu ! plaida le jeune garçon.

Le conseiller le fit taire d'un mouvement fluide de la main. Cette fois, le gamin prit vraiment peur. Cela ne pouvait pas se passer ainsi. D'accord, il avait commis l'irréparable, mais il était en droit de réclamer vengeance, et ce, à n'importe quel prix. Il devait y avoir une erreur quelque part. Pourtant, lorsqu'il fixa le bras droit du Seigneur qui avait pris la parole, il n'exprima aucun doute sur la chose : il allait être sanctionné et sévèrement. La bouche sèche et la face baissée, il attendit calmement.

— Tu n'as rien à dire ? Rien pour te défendre ? intervint une voix féminine qu'il ne connaissait pas.

Il releva la tête rapidement et chercha du regard qui avait bien pu lui suggérer une telle chose. Ses yeux accrochèrent ceux d'une femme à la beauté sans pareille. Elle portait une robe blanche, symbole de la puissance et de la pureté. Son regard était glacial, mais il discernait qu'il ne lui était pas destiné. En cet instant, il savait qu'elle était de son côté, mais impuissante au choix de son Seigneur.

— Il n'a rien à dire pour sa défense, exprima Wallace avant de considérer l'importun avec dégoût. Il a jeté un sort contre son Maître et, qui plus est, contre notre Souverain. La sentence sera irrévocable. Tu vas vivre l'enfer pendant un sacré paquet d'années. Lorsque ta tâche sera accomplie, tu seras tellement dégouté de toi-même que tu voudras en mourir. Je peux te le garantir.

Mince alors ! Il n'y va pas par quatre chemins.

Le garçon serra si fort sa mâchoire de colère, qu'il aurait se briser les dents sans s'en rendre compte. Cette fois, aucune plainte, aucun pleur ne lui sera d'aucun secours. Il attendit sa punition aussi bravement que possible, mais au fond de lui, il avait peur. Une peur à glacer les sangs. C'est alors que le Magicien Noir se leva et entonna l'incantation.

Il y aura l'espoir, l'amour et l'amitié, mais l'obscurité brisera ta lumière...

À ces mots, les membres de la communauté se figèrent. Il n'allait pas osé quand même !

— Oh mon dieu, ça va être horrible pour lui, pauvre garçon ! entendit-il murmurer autour de lui.

Soudain, il se plia en deux et s'écroula par terre. La douleur fut fulgurante, remonta le long de sa colonne vertébrale le laissant pantelant pendant un instant. Ses mains devinrent rapidement des griffes sans qu'il ne puisse se l'expliquer, mais disparurent très rapidement comme s'il avait rêvé.

La bête sera ta malédiction, ta disgrâce... Tu seras elle, elle sera toi !

Le Seigneur Noir continua son sortilège comme si de rien n'était, totalement indifférent à la douleur de son élève. Celui-ci sentit le feu parcourir ses veines, son corps se mit à briller de sueur. Il avait peur, les yeux exorbités, il ne pouvait plus bouger tant ses membres étaient douloureux, mais l'incantation n'était pas terminé et la fin approchait.

Le sang de la créature de Lumière sera ta libération, ton égal. Tu te nourriras de son sang, pour te délivrer de cet enchantement.

Un vent violent s'engouffra dans la pièce et un éclair frappa le jeune garçon à la poitrine, brûlant son t-shirt au passage. Celui ne bougea plus pendant un long moment, la douleur étant trop présente. Le Magicien Noir se remit sur son siège, un éclat satisfait dans les yeux. Avant qu'il ne sombre dans le néant, son regard se porta vers la femme en blanc, dont il ne connaissait pas le nom. Elle était devenue livide à la fin de l'incantation. Il savait qu'elle ferait partie de son futur. La douleur se lisait dans les yeux de la conseillère et cela lui apporta un peu de réconfort. Ils n'étaient donc pas tous corrompus, sous la coupe de leur Maître. Peut-être allaient-ils se revoir ? Il prierait pour que cela arrive. En attendant, il ne savait pas à quoi s'attendre avec sa malédiction : il avait trop peur de le savoir.

Les gardes l'emmenèrent, mais il n'en connaissait pas la direction. Avant de passer les portes, il jeta un dernier regard à celui qui avait été son Maître. Il se promit qu'un jour il obtiendrait sa tête. Quoique cela lui en coûtera...

Les Chroniques de SylarOù les histoires vivent. Découvrez maintenant