Les trois couronnes

Chapitre 1 - Partie une

J'ai toujours haï l'impression de lourdeur qui vient avec les évanouissements. Je me sentais comme si chacun de mes os était devenu trop lourd pour être soulevé. Je me retrouvai coincée dans cet état mi-conscient, avec un immense mal de crâne qui m'empêchait de réfléchir posément. Qu'était-il arrivé ?

Puis soudainement, les souvenirs réapparurent. Comment avais-je pu oublier ? Les détails m'échappaient. Mais je savais qu'Avalon était venu pour moi. Mais pas pour me tuer comme je le pensais, j'ignorais encore ses attentions.

Analyser, comprendre, réagir. C'était ce qu'Avalon lui-même m'avait enseigné, alors il était temps d'appliquer ses conseils. Une forte odeur de bois brulé me parvenait, comme si un feu était proche. Si je me concentrais assez, je pouvais presque en entendre le crépitement. Il faisait froid, une légère brise m'arracha quelques frissons, me laissant savoir que nous étions en extérieur. De nuit probablement, et nous n'étions plus au château. Avalon m'avait donc assommée pour me transporter quelque part, mais où ? Et en quel but ?

Au fond de moi, j'aimais me dire qu'il n'allait pas réellement me vendre. Il était évident que je valais très cher, après tout ce que j'avais fait. Les rois eux-mêmes voulaient ma mort.

— Je sais que tu ne dors plus.

Avalon avait toujours été meilleur que moi pour analyser, de toute façon. J'ouvris les yeux. J'avais raison, il faisait nuit, et un feu à environ un mètre de moi m'éclairait.

Je fouillais l'espace environnant des yeux. Avalon m'avait attachée au pied d'un arbre, classique. Lui était assis à côté du feu, les mains tendues pour se réchauffer. Ses yeux brillaient comme deux lumières bleues dans l'obscurité. Il les posa sur moi, un sourire sans joie éclaira son visage. Il avait vieilli, moi aussi certainement. Cela faisait presque un an que je ne l'avais pas vu, il paraissait en bonne santé. Son corps était plus musclé, paraissait moins maigre.

— La trahison te va bien, lançai-je.

Il leva les yeux au ciel.

— Quelle est la situation ? continuai-je.

Avalon hocha la tête avant de porter les mains sur son visage. Il parut se souvenir de ce qu'on faisait tous les deux là. C'était compliqué à affirmer dans l'obscurité, mais il paraissait très fatigué. Comme épuisé. Il était évident qu'il avait énormément marché, ses vêtements étaient tachés de boue, de traces d'herbes, des épines d'arbres étaient accrochées à ses vêtements. Avalon revenait d'une longue excursion dont j'étais visiblement l'objectif.

Je me tortillai pour essayer d'être moins mal à l'aise, mais attachée comme je l'étais, je ne pouvais pas vraiment y arriver.

— Tes cheveux rouges sont presque partis, fit-il remarquer.

Il ignorait ma question. Soit, je n'avais pas les cartes en main ici. Peut-être aurais-je dû me sentir effrayée, mais je n'en étais pas capable.

Instinctivement, j'essayais de lever la main pour attraper une de mes mèches. La corde me retint, un grognement m'échappa tandis que cette dernière se resserrait autour de mes poignets.

Durant les dernières années, j'avais pris l'habitude de teindre régulièrement mes cheveux en rouge grâce à des baies ou à des teintures que j'achetais aux fées. Depuis qu'Avalon était parti, je ne l'avais refait qu'une fois, ils avaient donc une couleur rougeâtre qui tirait sur le rose, et mes racines brunes reprenaient le dessus.

— C'est grave ? Ne mens pas.

Cette fois-ci il ne m'ignora pas, mais détourna son regard de moi. Reportant son attention sur le feu. Les flammes dansaient dans le reflet de ses beaux yeux bleus.

— Le roi est mort.

— Lequel ?

J'essayais de capter son attention, mais c'est une activité compliquée lorsqu'on peut à peine bouger son corps.

— Esdra de Lumière.

C'était donc le royaume de Lumen qui venait de perdre son roi. Il n'existait pas tant de royaumes, trois en réalité. La légende racontait qu'il en existait un quatrième, appartenant aux vampires, mais je n'y croyais pas.

Lumen était le plus gros d'entre eux, il régnait sur le reste.

— Est-ce qu'il avait des enfants ?

— Trois fils, m'apprit Avalon.

J'étais peu renseignée sur la famille royale. Je m'étais mis Esdra de Lumière à dos quelques années auparavant, en refusant d'entrer dans la garde royale. J'avais donc été exilée du royaume.

Trois fils héritiers au plus grand royaume de tous. C'était mauvais présage.

— J'ai été missionné pour venir te chercher, par le second fils héritier. Yahel de Lumière.

Il me semblait avoir déjà entendu parler de ce dernier. Il avait, quelques années auparavant, failli épouser la princesse du royaume des Elfes. Ce qui aurait été une alliance considérable et un atout certain pour Lumen, mais malheureusement cela n'avait jamais abouti.

— Pourquoi ? demandais-je.

Avalon posa à nouveau ses yeux sur moi. Son regard m'hypnotisa tant ses yeux étaient d'une profondeur particulière, propre aux loups.

Il descendait de ce que nous appelions les loups-garous. Des métamorphes qui peuplaient notre monde il y a des siècles. Avalon avait hérité de quelques caractéristiques. Il possédait un odorat hors du commun, une couleur d'yeux particulière et une sensibilité accrue aux sentiments des autres. Parfois il me semblait qu'il était capable de lire dans mes pensées.

Sans oublier de préciser que cela le rendait plus fort et plus rapide que la plupart des hommes.

— Je pense qu'il veut t'engager.