Un son. Un tictac qui m'étouffait depuis trop longtemps, il se répétait, inlassablement en une mélopée envoutante. Un bruit sourd résonnait au plus profond de moi-même, comme un battement de cœur audacieux.
Soudainement, elle était de retour. Son nom, qu'on appelait autour de moi. La brume commença à prendre vie, m'enveloppant, semblable à une personne m'enlaçant jusqu'au bout, une solitude écrasante qui ne me quitterait jamais. Parce que désormais, j'étais seule. Vidée, abandonnée, inutile.
Heureusement, la solitude était toujours présente. Comme une vieille compagne, elle était présente durant mon enfance, m'avait accompagnée toute mon adolescence, et m'avait quittée lorsque mon chemin avait croisé celui d'Avalon. Car j'avais eu, pour la première fois, l'impression d'être entièrement moi-même.
Pourtant elle était de retour, dans mon ombre, dans mon âme, dans mon esprit. Elle se tenait tout prêt de moi, chuchotait à mon oreille, regardait mon reflet avec moi. Elle jugeait mes actions, mes paroles, comme une vieille compagne dont on ne pouvait se séparer.
À chaque fois que j'essayais de m'en éloigner, elle me mettait au défi de vivre sans elle. Car elle me connaissait mieux que quiconque, je le savais, et elle aussi.
La noirceur du lieu m'empêchait de voir quoi que ce soit. La voix se faisait de plus en plus distincte, plus familière, sans que je ne puisse reconnaitre qui était le possesseur.
Puis, soudainement, il apparut devant moi. Comme tous ceux qui brisent ma vie, en un sursaut, en une seconde.
— Papa ?
J'aurais reconnu entre mille ses cheveux grisonnants, sa peau tirée par la fatigue et la vieillesse qui commençait à se montrer sur sa personne. Ses épaules légèrement voutées, ses mains toujours crispées autour d'un vieux livre, puisqu'il ne les lâchait jamais.
Peu importait combien je vieillissais, mon père avait toujours cet effet détonnant sur moi. J'avais toujours cette envie irrépressible de m'assoir pour écouter tout ce qu'il avait appris de nouveau aujourd'hui, qu'il puisse me parler de ses dernières lectures ou me décrire longuement une fleur qu'il aurait ramassée dans la forêt.
— Qu'est-ce que tu as fait, Athéna ?
C'était une excellente question. Qu'avais-je fait ? La brume sembla s'évaporer, et à nouveau j'étais de retour ici. Dans cette maison à la lisière des bois qui avait abrité toute mon enfance.
Nous étions au rez-de-chaussée, devant la porte d'entrée. Le long couloir dans lequel nous nous tenions debout menait vers la cuisine, les escaliers à ma gauche menaient à l'étage et donc aux chambres. La décoration avait toujours été particulière, des fleurs, des livres, des objets en tout genre s'amoncelaient autour de nous. Un vaste miroir recouvrait l'un des murs défraichis, reflétant toute la pièce.
Plus je regardais cet endroit plus la réalité s'abattait sur moi. Je n'avais pas mis les pieds ici depuis des années.
— Tu es mort, lançais-je d'une voix assurée.
Il me lança un regard par-dessus ses petites lunettes rondes. Un sourire malicieux éclaira son visage.
— Bien sûr, répondit-il de sa voix grave. C'est bien pour cette raison que tu continues de venir me voir ici, chérie.
De quoi parlait-il ?
— Papa, qu'est-ce qui s'est passé ?
Il leva les yeux vers le plafond, comme s'il y entendait du bruit. À mon tour, j'y lançais un regard. Il n'y avait rien. Rien d'autre que le plâtre qui tombait en larges morceaux.
— Il est temps de se réveiller, Athéna.
— Encore le même rêve ?
La voix rassurante d'Avalon m'aida à rester sur terre. J'étais en sueur, tremblante, incapable de remettre mes idées en place. Que s'était-il passé ? Encore ce rêve ? Lequel ? De quoi parlait-il ?
Il fallait que je respire.
Une main chaude se posa sur mon épaule, m'aidant à rester calme. J'étais attachée, incapable du moindre mouvement, mais lui m'aidait à rester reliée à ce qui m'entourait. Avalon était là, il n'était jamais parti, il...
Travaillait pour le prince.
Maintenant, je m'en souvenais, je savais où j'étais. Je savais ce qu'il avait fait. Ce que j'avais fait également.
— Toujours, répondis-je d'un ton sec.
Il lâcha mon épaule pour se remettre debout. Tiens, Avalon s'était lavé. Il dégageait une douce odeur de savon fruité, et ses cheveux étaient encore légèrement humides.
Je faisais ce rêve étrange de mon père depuis son décès. Je me réveillais toujours aussi déroutée, tant tout m'y semblait réel. Parfois, je pouvais encore entendre le son de sa voix, sentir son odeur autour de moi.
— On va repartir, m'apprit-il. On doit passer par la ville, j'ai des courses à faire.
— Par Hadès ?
Hadès se situait en périphérie de la capitale de Lumen, qui était certainement notre destination finale. Le royaume était tout simplement immense, s'étendait depuis les côtes de notre monde jusqu'au centre montagneux. Il contrôlait ainsi tous les échanges maritimes, tous les villages et capitales des deux autres royaumes avaient d'immenses dettes envers Lumen.
Pendant un moment, une fusion entre Lumen et Ty-Eah avait été envisagée, au travers d'un mariage entre le second prince de lumen et la princesse héritière, mais cela n'avait jamais abouti.
— Mettons-nous en route, lâcha Avalon dans un soupir.
VOUS LISEZ
Les trois couronnes
FantasíaLe nom d'Athéna Alevir fait encore trembler les Trois Royaumes, pourtant, la jeune tueuse à gages n'a que faire de cette célébrité morbide : depuis cette terrible nuit qui a brisé son existence, elle n'espère plus rien de la vie. Son passé va pourta...
Wattpad Originale
Il reste 2 chapitres gratuits