"Trois mille Equus pour vos terres, et pas un de plus !"
Assise au rebord de l'unique fenêtre du ranch du Soleil, Halana contemplait tristement les prairies et la forêt qui entouraient le ranch en se disant qu'elle ne les reverrait sans doute jamais.
" Comment diable vais-je rembourser mes dettes avec trois mille Equus ? J'en demande sept mille ! Mon ranch vaut largement ce prix !"
Halana essayait de ne pas écouter les négociations des grandes personnes, elle voulait se concentrer afin de retenir les moindres détails du magnifique paysage qu'elle observait par la fenêtre, pour qu'ils restent gravés dans sa mémoire.
" Vous vous moquez ! Sept mille Equus pour un si petit terrain ? De plus vos prés ont perdu toute leur fertilité et le bâtiment tombe en ruine... S'il avait été dans un meilleur état, j'aurai été plus clément. Mais malheureusement pour vous, ce ranch est bon pour la destruction !"
Malgré tous ses efforts, Halana ne put empêcher le mot 'destruction' de retentir dans son esprit. Elle se mordit les lèvres jusqu'au sang pour retenir de lourds sanglots. Elle hésita un certain temps avant de tourner la tête vers les adultes ; là, elle vit M. Fauront dépité. Ce vieillard offrait un bien triste spectacle, à genoux sur un petit tas de fourrage, le visage posé dans le creux de ses mains, il pleurait à chaudes larmes.
Halana détourna furtivement le regard, et après s'être recroquevillée contre l'encadrement de la fenêtre, elle ferma les yeux.
L'homme vêtu de rouge avec qui négociait férocement avec M. Fauront, posa un genou à terre et lui tapa doucement sur l'épaule.
Les lèvres de l'homme en rouge frémirent.
Il était évident qu'il ne savait pas quoi dire pour l'apaiser.
M. Fauront ne laissa pas l'homme en rouge taper une fois de plus sur son épaule.
Il se leva et essuya grossièrement ses larmes.
"Je ne veux pas de votre pitié M. Cauvint, fit-il. Après tout vous ne faîtes qu'exercer votre métier de requin de la finance."
Face à ces mots injuriants, M. Cauvint resta stoïque. Il se contenta de se lever et de sortir un chéquier ainsi qu'un stylo d'une des poches de son immense manteau bordeaux.
"Bien ! Maintenant que le quart d'heure émotion est passé, nous pouvons recommencer à parler affaires. Trois mille Equus pour votre terrain, pas un de plus. Je l'ai dit et redit et ne changerait pas d'avis. Que vous arriviez à rembourser vos dettes ou non, cela m'est égal ! Je ne me ferai entourlouper ce coup ci..."
À ces mots, M. Fauront conclut qu'il était inutile de poursuivre les négociations.
"Je ne pourrai pas faire de chantage à ce chien de la bourgeoisie pensa-t-il. Il demeure impassible et insensible.
Mieux vaut trois mille Equus que rien du tout...
Au mon Dieu Stéphane !
Tu tiens là un discours des plus pitoyables..."
Le voyant pensif, Mr. Cauvint ne put s'empêcher de rétorquer :
"Alors quoi ? Stéphane Fauront, autrefois réputé plus grand agriculteur et éleveur de chevaux de toute la région de Rosebergen, s'imagine déjà vivre dans une cabane de taule ?"
Pour Halana ce fut la phrase de trop.
Elle bondit de son perchoir, courut jusqu'à M. Cauvint, pour s'agripper au cou de celui-ci.
Tandis que le pauvre M. Cauvint devenu violet aubergine, se débattait de toutes ses forces pour faire lâcher prise à Halana, M. Fauront observait cette scène strangulatoire avec un sourire en coin.
M. Cauvint réussit à bafouiller ces quelques mots :
"Vous prenez votre pied hein ?"
Pour finalement cracher un très subtil :
"Aidez-moi sale enfoiré !"
Il est vrai qu'une personne mature et consentante (un adulte en quelque sorte) aurait laissé de côté la rancoeur et serait venu au secours, d'un jeune et bel homme, se faisant étrangler par une jeune fille de dix sept ans.
Seulement, Stéphane Fauront, malgré ses cheveux grisâtres, son teint blafard, sa peau fripée, ses nombreuses absences et sa terrible arthrose n'était pas vieux, encore moins adulte. Dans sa tête et dans son corps, il avait toujours vingt ans. Du moins c'était ce qu'il disait à Halana, chaque fois qu'il fallait effectuer des travaux dans le ranch, qui nécessitaient de bonnes conditions physiques.
Et chaque fois que M. Fauront lui rétorquait cela, Halana lui riait au nez.
Ce fut seulement quand M. Cauvint devint bleu outremer que M. Fauront se décida à l'aider.
Il lui suffit de foudroyer Halana du regard pour lui faire stopper sa violence.
Après quoi, il y eut un long, très long moment de silence, et...
"Plus que vingt minutes !" hurla M. Dubon.
Je laissai tomber mon stylo au sol.
"Une heure et trente minutes, s'étaient donc déjà écoulées depuis mon arrivée en salle de classe ! murmurai-je. En seulement vingt minutes je n'arriverai jamais à terminer la rédaction de ma nouvelle..."
Voyant mon stress augmenter, M. Dubon me lança une réflexion de bon sens :
"Alors quoi Halana ? On s'imagine déjà avoir une mauvaise note, rater sa scolarité, son bac et finir dans une cabane de taule ?"
C'est alors que sous le regard éfarré de mon professeur et de mes camarades, j'éclatai de rire.
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Parcelles de Rosebergen
Short StoryVoici ma première œuvre Wattpad ( ma première œuvre littéraire tout court). Il s'agit d'un recueil de nouvelles que je complèterai au fil du temps. Bonne lecture !