Dix-huit octobre.

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Logan

Dix-huit octobre.

Il faisait froid, cette journée-là. J’avais évité Kirane toute la journée, à cause des regards plein de questions qu’elle me lançait quand je la croisais. J’avais même évité de manger avec elle et Daryl. Je préférais éviter tout affrontement avec lui, sachant que je pourrais exploser à tout moment en sa présence.

Le simple fait de les voir s’embrasser me faisait souffrir. Ça me désole, je m’isole. Ça ne devrait pas être comme ça. C’est pas comme ça, une amitié. Je sais que je prends de mauvaises habitudes, mais je veux qu’elle comprenne que c’est Daryl ou moi. C’est radical, certes, mais c’est comme ça. Je me fais peu à peu écraser par sa présence, même si elle ne semble pas le réaliser. J’ai l’impression qu’à ses yeux, le problème vient de moi. Que je suis en faute, que c’est moi qui m’éloigne d’eux. Alors qu’au contraire. Daryl me regarde aussi bizarrement que Kirane. Comme s’il me méprisait et me détestait en même temps. Le message était clair.

Touche à ma copine et t’auras affaire à moi.

Je soupirai, un courant d’air chaud sortant de ma bouche, faisant de la fumée blanche au contact de l’air frais d’octobre. Je descendis ma tuque de façon à protéger mes oreilles rougies par le froid et enfonçai mon menton sous mon veston, transi de froid. Ce n’était qu’une petite veste, rien qui ne me protégeait du froid mordant. J’entendis des pas écraser l’herbe humide et retins mon souffle, espérant que cette personne ne me verrait pas.

Je n’avais pas besoin qu’on me demande ce que je faisais ici, sachant que je devrais retourner chez moi. J’avais séché. Mes parents allaient me tuer pour ça. Déjà que mes notes n’étaient pas au top, je m’attirais leurs foudres encore plus. Je dis ça car je sais que si j’y retourne, la grange de notre ferme m’attend. Mes parents avaient comme logique la suivante : ‘’ Tu veux pas aller à l’école ? T’iras pas dans la maison non plus. ‘’ Je sais bien. J’y avais gouté maintes fois. Je préférais passer la nuit dans la cour de l’école plutôt que dans la grange chez moi. 

Les pas se rapprochaient. Je les avais totalement oubliés. Une silhouette mince. Je la connaissais. Oui. 

- Ça va ?

Elle me regardait. Je ne répondis pas. Je n’en avais pas envie. Qu’est-ce que je pouvais dire, de toute façon ? Elle respecta mon silence. Je me levai et m’éloignai, comme ça. Sans rien dire de plus. Elle ne me suivit pas. Elle savait que c’était inutile, que je n’allais pas lui répondre. Tant pis, j’irais ailleurs. Là où elle ne me trouverait pas. Je ne savais pas où exactement.

C’est après quelques kilomètres de marche que je réalisai mon erreur. Je n’avais rien avalé de la journée. J’avais faim et en plus j’avais froid. Je décidai de retourner chez moi. Il devait être quelque chose comme deux heures du matin, quand je suis rentré. Mes parents étaient couchés et probablement morts d’inquiétude. Dans le silence le plus complet, je me fis un petit quelque chose à manger et allai discrètement dans ma chambre. Il faisait noir et je ne voulais pas prendre le risque de me faire remarquer. Ma sœur restait éveillée très très tard le soir, à cause de ses études. 

En parlant de ma sœur.

- T’étais où ?

Elle m’attendait dans ma chambre. J’étais foutu. On s’adorait, mais je savais qu’elle pourrait me dénoncer n’importe quand. Si mes parents apprenaient qu’en plus d’avoir séché, j’avais presque quitté la ville sous impulsion.. Lauren savait comment s’y prendre avec moi pour arriver à ses fins. Autant ne pas lui mentir.

- J’ai séché, contente ? J’ai croisé Kirane. J’voulais pas lui parler, alors je suis parti. 

Elle me regardait, comme si elle était un peu dégoûtée par mon comportement. Elle avait remarqué mieux que n’importe qui ce qui se passait. Bien sûr, il fallait qu’elle trame quelque chose, dans le but de nous réunir. Mais elle ne comprenait pas qu’il y avait quelque chose de brisé entre Kirane et moi. Que notre relation ne sera plus jamais la même.

- Réserve ton prochain été, on part en camping avec Kirane.

- Quoi ?! T’aurais pu me demander avant ! Qui te dis que je veux y aller ?

- Qui te dis que je te donne le choix ? J’ai plein de petits secrets que maman et papa seraient contents d’apprendre..

Ce n’était plus la peine de lutter, elle ne lâcherait son morceau.

- C’est bon, c’est bon ! J’y serai. Pas b’soin de me faire des menaces.

Elle me regarda avec un sourire satisfait, me laissant seule avec mes pensées au sujet de Kirane et moi. Je ne savais plus quoi faire, vraiment. Je disais que Kirane devrait choisir entre moi et Daryl, mais j’avais peur que ce choix la blesse. Son bien passe avant tout, à mes yeux. Mais il est trop tard pour reculer, maintenant que j’ai commencé.

Kirane

Dix-huit octobre.

Alors que tout allait bien, Logan a commencé à s’éloigner. Il ne va pas bien. Durant la journée, il n’a même pas voulu daigner un mot, il ne m’a pas prévenu non plus qu’aujourd’hui, il allait manger ailleurs. Durant le cour, il était absent. Je devinai qu’il devait sècher. Dix minutes avant la fin, je m’étais précipitée à l’extérieur de la classe, ne me souciant guère du professeur, dont j’avais profité une minute d’inattention pour répondre à l’interrogation d’un élève. J’avais trouvé Logan, seul à l’extérieur dans ce froid glacial. 

Ça va? lui demandais-je.

Un silence plus dur et froid que la température extérieure me répondit. J’attendis un petit moment encore, me convaincant moi-même que ce n’était pas de ma faute, qu’il allait se confier, qu’il avait besoin de temps.

Puis je le quittais.

Le dos tourné à cette silouhette recroquevillée dans cet air mordant d’octobre, je laissais les larmes emplirent mes yeux, et tracer leur chemin salé jusqu’au coin de mes lèvres. Oui, j’aurais paru faible. Mais à cet instant, peu m’importait.

Je faisais souffrir Logan, et je n’étais point capable de l’aider.

Je faisais une piètre amie. 

Lui qui est comme mon frère, non plus. Une relation indestructible, si forte et puissante. Je sais que jamais quelqu’un ne vit quelque chose de si intense. J’ai honte de l’avouer, mais ce que je partage avec Daryl me parait si insignifiant comparé aux souvenirs, et tout l’amour que je donne et reçois de Logan. Mes parents ne comprennent pas cette relation, ni Lauren, ni mes amis. Ni moi. 

Je ne l’ai plus revu de la journée. J’avais fait part de mon inquiétude au sujet de Logan à Daryl, mais il m’a répondu que c’était son problème, et qu’il devrait être capable de gérer sa vie sans une personne toujours à ses côtés. J’avais été offensée par ses paroles sur le coup, alors qu’il a peut-être raison. Je veux Daryl et Logan dans ma vie. C’est très égoïste de ma part. Peut-être Logan veut-il une relation amoureuse aussi. Il n’a personne, excepté moi, prêt à tendre l’oreille, et soigner ses blessures internes, ou juste l’écouter et lui donner un peu d’attention, à ma connaissance. Logan est plutôt du genre à se refermer sur lui-même. Je lui ai appris à se confier. Mais j’ai peur qu’il ait retrouvé son petit coin isolé pour s’enfouir dans les bras glacés de la soltidue. Sans piper mot. Dans la soirée j’ai dû appelé ses parents une quinzaine de fois, ils étaient aussi inquiets que moi, et je les ai convaincus de ne pas prévenir la police. Je n’ai pas réussi à dormir. Je m’étais étendue sur le matelas, mon téléphone bien en évidence devant mon nez. J’espèrais un message de sa part... Mais rien. Il devait être autour de deux heures du matin, que sa soeur m’a appelé. Elle était inquiète au sujet de Logan et moi, et je ne comprenais rien de la situation.

Présentement, il est trois heures. J’écris sans me soucier du temps. Demain, j’ai un examen très important. Qui pourra déterminer mon futur peut-être. Mais les examens me paraissent tellement inopportuns. Mon meilleur ami souffre. Les examens de valent rien. Rien n’équivaut son bonheur. 

Daryl vient de m’envoyer un message. Il veut que je le rejoigne. À cette heure. Je n’ai pas envie. J’ai envie de Logan. J’ai envie de voir son sourire sur son visage. J’adore Daryl, mais de toute manière je suis trop fainéante pour me lever de mon lit. Je vais donc poser ce carnet sous mon oreiller. Et espérer que Logan ira mieux.

C’est étrange, lorsque je veux penser à Daryl mon esprit se perd pour trouver des yeux plus chaleureux, des yeux qui appartiennent à mon meilleur ami.

Sentiments Non-AssumésOù les histoires vivent. Découvrez maintenant