C'est un peu à l'ouest du village des Jacinthes, reculés de tous, que vivent les Archivistes. C'est ce qu'on pourrait paradoxalement appeler une communauté de solitaires : chaque fée de cet endroit se voue corps et âme à la science, aux découvertes et autres faits de ce genre. Chacun est spécialisé dans une branche et ne cessent d'expérimenter pour toujours avancer plus loin dans leurs recherches et découvertes. Ils ont en commun deux choses : d'abord le fait de vivre sous le même toit. Enfin là encore c'est une façon de parler puisque cette structure qu'est le Laboratoire ne possède pas de plafond afin que tour à tour la lumière solaire puis lunaire puisse venir directement s'immiscer dans cet endroit. Les rayons de la lune ou du soleil apportent des propriétés magiques aux expériences, permettant la fermentation de telle ou telle potion ou encore l'évolution organique de telle solution.
Le Laboratoire possède plusieurs niveaux. Le rez-de-sol est fait de pierres brutes qu'on a empilés grossièrement, et dans lesquelles des plantes grimpantes ont pris vies et s'étendent de toutes parts. La forme ronde de cet endroit s'accorde avec la forme des deux astres connus de tous. Il y a trois portes en tout et pour tout, chacune faites de bois possédant des gravures particulières. Un esprit avisé reconnaîtrait les symboles runiques visibles qui ont été peints à l'encre dorée. C'est à l'intérieur que les choses se corsent. Trois pièces se distinguent les unes des autres : une entrée possédant un feu de camp éternellement allumée avec des poufs en osier disposés un peu partout; une réserve faisant office de fourre tout de matériels et autres ingrédients étranges; et un dortoir où des lits apparaissent à la demande et au besoin. Chaque pièce était séparée par des murs de pierres brutes. Un niveau moins un est accessible depuis un escalier de pierre qui démarre à l'entrée, menant tout droit au coeur même de cette architecture : là où les fées scientifiques travaillent jour après jour, avec passion et dévouement. Ce sous-sol est lui encore divisé par trois : le Laboratoire des Archivistes, le Laboratoire des Botanistes et le Laboratoire des Innovateurs.
Chez les Botanistes, les fées concentrent leurs travaux sur mille et une choses concernant la nature dans toutes ses formes. Au départ ils étaient uniquement centrés sur les végétaux, d'où leur appellation, mais plus le temps passe et plus ils étendent leurs champs de réflexion aux minéraux, sources d'eau et autres aspect de mère nature. Ils font beaucoup d'observation - une légende raconte qu'une fée a décidé d'observer la vie d'un caillou et s'est vu transformé en minerai à son tour à force de ne pas bouger !
Chez les Innovateurs c'est un peu plus expérimentale, ils essaient tout et n'importe quoi pourvu qu'un éclair de génie vienne leur apporter des solutions. C'est dans cet endroit qu'on trouvera des yeux en bocaux, des intestins accrochés, ou autres têtes d'insectes épinglés. Ils ne sont pas bien vus de toutes les autres fées, puisqu'une fée de base aime et respecte la nature.
Chez les Archivistes se sont tout bonnement les historiens. Ils répertorient, comptent, notent... Bref tout ce qui relève de l'histoire des Fées est soigneusement rédigé, classé et conservé. C'est le laboratoire le plus propre, le plus calme et le plus épuré de tous. Ce Laboratoire est sous d'ébullition une fois tous les cent ans : lorsque la nouvelle Mère Fée va voir le jour. Les fées de cet endroit sont pour la plupart très âgées, mais aussi très érudites. Cheveux blancs, teint cireux et hygiène parfaite sont leurs caractéristiques premières. La moitié des fées s'occupent de l'histoire quotidienne, tel que les registres de mariage ou de naissance, l'autre moitié des fées s'occupent de la traduction des textes annonçant les fées à venir. Nimon faisait partit de cette seconde catégorie, il avait longuement étudié pour avoir le droit d'être ici et avoir la chance de partir à la traduction des Textes Anciens avec d'autres de ses camarades. Il était âgé de six cent soixante quatre ans, ce qui était vieux pour une fée vivant en moyenne sept cent ans. Autant dire qu'il était plus proche de la fin que du début de son existence. Ses cheveux étaient taillés très courts, juste en dessous de ses longues oreilles pointues, et d'un blanc immaculé. Son visage rond était grisâtre, ridé par endroits mais portant un air bienveillant à toute heure de la journée. Comme en cet instant où il parlait avec d'autres de ses collègues fées.
" Que nous reste t-il à traduire ? Le messager ne devrait plus tarder
- Grmble "
Encore une fois il n'obtint qu'un vague grognement de la part de ses camarades, ce qui le fit sourire. Soudain tous levèrent leurs têtes, les yeux pétillants et un sourire commun sur les lèvres.
" Plus qu'une phrase ! Et nous allons savoir quel bien cette Mère Fée va nous apporter ! "
Aussitôt ce fut l'effusion, chacun se riva - avec moult précaution tout de même - sur le dernier morceau de parchemin et se mit en quête de traduire les derniers mots. Tous se mirent à lire à haute voix, à réfléchir dans des " Grmble " durant de longues minutes et soudain - quasiment tous au même moment - poussèrent des exclamations de joie :
" C'est la Fée de l'espoir de vie ! C'est fantastique ! "
Chaque fée se serra dans les bras, chose rare chez ces solitaires, avant de repartir tous dans leurs coins. En à peine quelques minutes la jubilation avait dégonflé. Nimon eut un léger sourire, c'était comme ça à chaque fois et il savait de quoi il parlait pour avoir vécu à quatre reprises ce genre d'événement. La traduction des Textes Anciens rapprochaient toutes ces fées dans une seule et même joie, puis lorsque l'intégralité du texte était dévoilée alors chaque fée reprenait son travail dans la solitude la plus complète. Nimon prit le parchemin où était soigneusement écrite la traduction, ajouta la dernière phrase d'une écriture légère, puis quitta le Laboratoire des Archivistes pour faire surface au rez-de-sol. Et en effet le messager était présent, bien droit comme un roseau face au feu de camp et attendant patiemment.
" Voici mon brave, court apporter cette merveilleuse nouvelle "
Le messager lu le parchemin, eut un sourire éclatant sur le visage et se retourna pour partir en courant. La fée de l'espoir de vie était une véritable bénédiction puisqu'elle favorisera tout ce qui donne la vie dans tous les sens du terme : tels que les fées mais aussi les végétaux, les animaux, les récoltes... Grâce à cette Mère Fée les futures mères seront rassurées de savoir que leurs enfants n'auront pas de complications à la naissance, les agriculteurs seront ravis de savoir que leurs productions seront fertiles, et les soigneurs pourront prendre du repos en toute sérénité. C'était en effet une merveilleuse nouvelle.
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Enorye la fée
FantasyDans le monde féerique une somptueuse fête se prépare depuis maintenant onze mois. Les uns et les autres courent partout afin d'être prêts pour la date fatidique, afin d'être prêts pour accueillir la nouvelle Mère Fée. Tous les cent ans une fée plus...