La réussite.

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Grâce à mon BAC S avec mention j'ai eu la chance de pouvoir intégrer une prestigieuse école de cinéma et je suis sur la bonne voie pour devenir ingénieur du son et je suis indépendante financièrement grâce aux petits boulots que je fais à côté de mes études, je suis très bien payé et j'arrive à vivre à Paris.

Ça fait rêver hein ? Tant mieux parce que ce n'est absolument pas ce qu'il m'est arrivé. Dans tout ce qu'il y a été dit la seule chose de vraie c'est que j'ai eu mon BAC S avec mention. C'est tout. On m'avait pourtant dit que j'allais pouvoir faire ce que je veux grâce à ce BAC, pourtant aucune école n'a voulu de moi... Si j'avais su que le BAC n'était pas livré avec la réussite j'aurais sûrement arrêté l'école en quatrième et je n'aurais pas perdu mon temps.
Je ne voulais pas être dépendante financièrement de ma mère alors j'ai dû me trouver un job en attendant de trouver mieux et j'ai eu l'immense joie d'être barmaid dans un bar dans le onzième à Paris.

Ce qui est cool avec le BAC S c'est que grâce à lui j'ai pu être embauchée même si je n'avais jamais fait ça de ma vie. Le patron était impressionné et disait vouloir au moins un de ses employés avec le BAC... Quel charmant monsieur.
Pour moi remplir des verres et rendre la monnaie ne me semblait pourtant pas compliqué... Si j'avais su je me serais enfuie en courant de cet endroit. Car oui ce n'est pas compliqué de remplir des verres... Mais les clients eux le sont.

Les habitués, les alcooliques, les tristes, les joyeux, les bobos parisiens, les touristes... Ils sont tous différents des uns et des autres et ça pour mon plus grand bonheur. Le patron me répétait sans cesse que j'arriverais à m'y faire, il suffisait juste que j'arrête d'être arrogante avec les clients... J'aurais dû promener les chiens de mon quartier au moins ça m'aurait évité de devoir être sociable. Mais au fil du temps j'ai appris à apprécier les gens, évidemment il y avait toujours des gros relous mais il y a des cons partout.
Ce bar était devenu ma nouvelle maison, le patron était comme un père pour moi et j'ai rencontré des gens formidables dans ce bar.
J'étais du genre à avoir la grosse tête à l'époque mais très vite des gens m'ont remise à ma place à base de:

- Tu as le meilleur BAC qui existe et tu travailles ici. Redescend sur Terre.

- Comment tu veux être prise au sérieux alors que tu dois obéir à des alcooliques ?

- Quand tu gagneras plus que moi tu pourras ouvrir ta gueule.

Et croyez-moi que ça fait réfléchir. Mais le plus passionnant dans ce job c'est que j'ai pu assister à des discussions à 2 heures du matin entre des mecs totalement bourrés. Ce n'était pas glorieux mais par moment ces mecs avaient des réflexions plus qu'intéressantes. Je m'en souviens d'une en particulière, appelons nos deux alcooliques, Didier et Henri.

Didier et Henri semblaient avoir un débat sur la réussite alors que moi je jouais de la guitare pour les quelques clients encore restants. C'était un bar où des groupes venaient jouer du jazz et mon patron m'autorisait à jouer passé une heure du matin, des fois je demandais même à une amie qui avait 14 ans à l'époque de me rejoindre pour jouer. Je me doute que ces parents étaient au courant mais du moment qu'elle revenait en vie chez elle ils me faisaient confiance. Bon, je n'étais pas vraiment quelqu'un de fréquentable non plus mais ça n'avait pas l'air de poser problème.
Bref je jouais donc de la guitare dans mon coin alors que Dider et Henri débattaient dans le leur.

- J'pense qu'il faut que tu sois le plus mieux dès le début, que tu montres qu'tes l'boss dès l'début sinon c'est que tu vas t'faire marcher dessus et tu seras jamais pris au sérieux, faut par être une tarlouse dans la vie.

Traduction de Didier: La réussite c'est de ne jamais échouer et de ne jamais montrer ses faiblesses aux autres au risque de ne jamais avancer. En gros il faut être le plus fort et ça dès le début.

- Moi j'pense que non. Faut s'casser la gueule pour avancer sinon tu d'viens un connard prétentieux ! Moi j'ai eu la dalle et j'avais pas d'maison alors quand j'mange des pâtes devant ma télé j'suis le plus heureux des hommes !

Traduction de Henri: Le succès c'est d'aller d'échec en échec sans perdre son enthousiasme pour pouvoir ensuite profiter pleinement de sa réussite.

Moi j'étais du genre à penser plutôt comme Didier, alors de me retrouver derrière un comptoir à écouter le problème des gens me mettait un coup au morale, jamais de ma vie je n'aurais imaginé faire ça. Ils continuaient de discuter et j'avais arrêté d'écouter puis ils ont eu la merveilleuse idée de me demander mon avis, comme si c'était moi qui allais faire pencher la balance du côté de celui qui avait raison. J'ai donc dit que je pensais plus comme Didier. Henri était indigné par ma réponse et m'a donc expliqué que quand je connaîtrais la vraie misère, sans argent, sans logement et sans travail j'y réfléchirais à deux fois. Je lui ai demandé de développer, car pour une fois le sujet m'intéressait un minimum.

J'ai appris que Henri était patron d'une société commerciale ou un truc comme ça et qu'il arrivait à s'en sortir maintenant mais qu'avant d'être celui qu'il est à l'heure actuelle il était à une époque SDF. J'étais plutôt surprise, il était pourtant bien habillé et s'exprimait correctement. Je sais bien que l'habit ne fait pas le moine comme on dit mais là c'était vraiment surprenant. Didier lui était également patron d'une société mais il avait eu un parcours plus classique, école, BAC, études, diplômes, travail. J'étais fascinée par ces deux hommes similaires avec pourtant deux parcours si différents.

Henri m'avait demandé ce que je voulais réellement faire, je lui ai dit que je voulais absolument travailler dans le monde du cinéma et si possible un jour pouvoir vivre de ma musique. Il s'est contenté de me rire au nez et de me dire que ma façon de penser était en totale contradiction avec ma vie.

- Tu veux être Spielberg mais pour l'instant en face de moi je ne vois que le mec qui tient le bar dans les Simpson. (Le gars m'a vraiment dit ça... Je vous assure).

Bizarrement le fait d'être comparée à Moe m'a fait réfléchir. J'aurais très bien pu le virer en l'insultant mais le problème c'est qu'il avait terriblement raison alors je n'avais pas grand chose à lui dire. Je me suis contenté de retourner jouer de la guitare dans mon coin en réfléchissant un peu jusqu'à attendre la fermeture pour pouvoir rentrer chez moi.
Didier et Henri étaient finalement deux gars parmi tant d'autres qui m'auront faite réfléchir dans ce bar.

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Heey ! 😁 On se retrouve pour... Ça ? Je ne sais pas comment l'appeler alors... Enfin... J'espère que vous allez bien !

Comme je ne vous l'ai jamais dit j'ai été barmaid pendant plus de 6 mois et j'aurais entendu/vu certaines choses et certaines discussions alors j'ai eu envie vous raconter tout ça dans... Putain faut vraiment que je trouve un nom à ce truc.

Alors je vais vous raconter tous ça ! Je ne voulais pas mettre ça dans mon NawakBook parce que... Voilà. (Je suis efficace aujourd'hui).
Je ne sais pas si il va y avoir beaucoup de chapitre mais c'est quelque chose que j'avais envie de partager avec vous, mes souvenirs tels qu'ils sont dans mon esprit, parfois ça sera juste des phrases que j'ai entendu, parfois des discussions ou des situations comme celle-ci et parfois ce n'est vraiment pas glorieux mais tout ce qui sera publié aura été vécu... Malheureusement.
Et puis il y a pleins de sujets à débat alors c'est cool. Enfin... Je crois.

Breeef, je vous dis à treeees bientôt, restez géniaux ! 😘

Barmaid.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant