Je l'aimais, je l'aimais, je t'aimais...

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Je t'aimais, je t'aimais, je te chérissais, je t'avais comme objet de convoitise, j'en rêvais mais tout était contre nous. Et si j'avais été honnête ? Si j'avais admis être tombé(e) dans l'étreinte de ton parfum, dans l'océan de tes yeux, dans le manège de l'amour ? Si j'avais laissé exploser ma peine pourtant muette ? Peut être aurais-je pu apprécier d'avantage tes mots, profiter de ta chaleur, de ton vivant. Peut être aurais-je pu laisser mes yeux briller à ta vue sans devoir les voiler, serrer ta main pour sentir encore ta peau. Peut être aurais-je pu sourire de tes gestes, rougir de ton charme sans dire "j'ai juste chaud".
Mais non, le téléphone à sonné, trop tôt, sans prévenir, trop tard. Sa vibration parcourait mes entrailles d'une façon inquiétante, atroce, d'une manière dont jamais je ne pourrais oublier. Il résonnait, et ma main tremblait de devoir le décrocher, sans en savoir la raison mon souffle se coupa, mon corps s'immobilisa, je ne respirais plus. C'est dans le silence d'un corps, accompagné par celui de la pièce et d'une ville d'un pays et d'un monde ou plutôt de mon monde que des paroles surgissaient.

"Allo, hôpital de Liverpool. Vous êtes bien Camille Tless ?"

Est-ce que j'étais bien "Camille Tless" ? Mais je ne savais pas, je ne savais plus, l'aiguille s'était figée, le temps s'était arrêté qui étais-je alors en ce moment ? Je n'en savais rien. Où étais-tu ? Que t'arrivais-t-il ? Pourquoi mon coeur se serrait-t-il, qu'est-ce qui m'étouffais ? Toi. Toi, c'était évident. L'heure rattrapait ses minutes à une vitesse folle, en un instant mon visage se rida, ma peau se crispa, il fallait faire vite.

"Où est Alex ? " Demandais-je.
"À l'hôpital dû à un accident, dans le coma en attende de ..."

Sans savoir comment je me retrouvais dans une voiture, avais-je mon permis ? Je ne savais pas, était-ce ma voiture ? Je ne savais pas. Qu'avais-je fais de mon téléphone ? Je ne savais pas. J'étais à présent à l'aéroport parce que tu étais loin, loin de moi, loin de mon monde, notre monde, loin de nous. Tu allais partir alors que j'allais te rejoindre. Non tu devais m'attendre encore, j'arrivais, attend moi... j'avais le coeur qui allait exploser, parce que je me battais pour voir l'amour de ma vie avant qu'il ne soit trop tard parce que si je te l'avais dit tout serait different.
Je m'envolais, dans les nuages, et je ne te voyais pas, cela me rassurait, parce qu'une personne va rejoindre les nuages lorsqu'elle nous quitte. J'y étais mais pas toi, je te cherchais dans la crainte, constatant avec joie que tu n'étais pas présent(e) parmi le ciel, que tu n'étais pas encore une étoile, que tu m'attendais pour briller. Le soleil se couchait, je priais pour qu'il n'emporte pas ton âme. Mes doigts étaient crispés sur mon jean, ce vol interminable faisait craqueler tout mon corps, je ne saurais dire ce que je faisais réellement, je ruminais cette idée, l'idée de ta perte, de l'au revoir, du regret. Mes yeux au sol. J'arrivais, j'arrivais parce que je t'aimais, enfin, je t'aime.
Une fois à terre je n'étais guidé(e) que par ton parfum, qu'à travers les battements de ton coeur se faisant de plus en plus faible même dans ma poitrine, sans carte, ni gps. Dans un pays inconnu, sans rien, comme seul moyen de locomotion mes jambes guidées par un coeur qui te cherchait, une âme qui courait après sa sœur, des mains qui voulaient t'enlacer. Arrivé(e) à l'hôpital, l'odeur typique de l'endroit m'a assaillie, je me sentais sans repères. Non, J'étais réellement sans repères. Tu n'étais plus là, où tu n'allais plus l'être. J'étais désemparé(e). Puis il y a eu les infirmières, les personnes venues voir leurs proches, les cris, les pleures mélangés aux sourires et éclats de joie. Tout cela n'a fait qu'augmenter mon état de perdition. Je voyais flou, les néons me brûlaient les yeux, je me faisais bousculer par tout le monde. Alors j'enjambais les marches rapidement, titubant de tant à autre manquant plusieurs fois de perdre l'équilibre. Je ne demandais pas ton numéro de chambre, je le savais, sans réellement le savoir je savais où tu étais. L'air dans ma course séchait mes larmes. Une inspiration, un couloir sombre, des murs blancs affichant "étage de réanimation" sur chacun d'entre eux. Portes bleues, un silence de mort, j'avançais doucement tout doucement, j'avais peur, ma gorge se serrait, tu étais là, c'était certain. Te voilà, mains près du corps, allongé(e) sans expressions, ta peau n'était plus crémeuse, ton sourire n'existait plus. Tu n'avais plus ces traits dessinant ton visage, tu n'avais plus tes couleurs, tu n'avais plus la poitrine qui se gonflait au rythme de ton souffle, tu n'avais plus cette teinte rose sur tes ongles, tu n'avais plus de formes. Tu étais plat(e), tu étais pâle, tu étais là, les mains collant ton corps, tu étais sans bruits et sans envie. Ton parfum remplacé par celui du sang sur tes vêtements. Ceux-ci étaient entassés sur une chaise à tes côtés, on m'avait pourtant parlé d'un accident... Tu étais de cire, figé(e), aucune de tes veines ne parcourait ta peau, j'ai mis du temps à comprendre, c'est en apercevant les machines éteintes que j'ai compris deux choses. La première était que tu m'avais quitté(e), et j'ai hurlé(e) je crois, je hurle sans cesse de ne plus t'avoir, je pleure de ne pas avoir su te retenir. Tu as essayé de m'attendre, tu n'étais pas dans les nuages il y a une heure, j'y étais sans toi, tu as essayé. Je me suis effondré(e) à terre puis à tes côtés. J'étais seul(e), avec toi, pourquoi avais-tu ordonné de m'appeler moi ? Tu avais une famille pourtant. Je redoutais leurs arrivés, leurs larmes, ils n'avaient pas le droit de te pleurer comme je le faisais. Peut-être étais tu d'accord, peut-être que c'était pour cela qu'il n'y avait que moi, moi avec toi, moi avec ton corps.
Je revis sans cesse notre premier regard, notre première dispute, danse, notre première nuit ou j'ai pu dormir à tes côtés, notre premier câlin. Mais aussi tous nos derniers instants que je construisais sans toi, la dernière trace que tu laissais dans ma vie. Mais c'était inconcevable. Alors malgré la réalité je restais là des heures, voir des jours, les médecins ont dû intervenir, je ne mangeais plus je mourrais avec toi. J'écrivais des pages entières remplit de "je l'aimais" et lorsque je te regardais cela se transformait en "je t'aimais."
Pourquoi restais-je ? Parce que je t'attendais. Partir aurait voulu dire que tu n'étais plus là, alors que je t'attendais persuadé(e) d'un miracle, d'un retour, d'un de tes regards. Je te parlais pour que tu me revienne, je ne t'ai jamais dis adieu, je restais à guetter espérant que tu allais resurgir, que tes joues allaient se teinter de rose, que ta main enlacerait la mienne, mais tu étais bien parti. C'est à ce moment trop tard, que je compris cette deuxième chose, je ne t'aimais pas non, j'étais amoureux/se de toi. Le front posé sur le tien, je réalisais, à travers mes souvenirs, à travers le vide. J'étais face au vide et non plus face à toi, tu étais froid(e), glacial(e), bleu(e) et jaune, tu étais mort(e). Pardonne moi... pardonne moi d'être tombé(e) amoureux/se de toi, pardonne moi de ne pas avoir fait assez vite, pardonne moi de déposer des baisers sur tes lèvres dures et sans vie, mais je t'aime. Pardonne moi de ne pas arriver à te laisser t'en aller, pardonne moi. J'aurais voulu faire ton bonheur. Excuse moi.
-Aaren H.

Enfantillages. Où les histoires vivent. Découvrez maintenant