1 | Demain dès l'aube

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Je  profitais de ces derniers instants où l'alcool faisait encore effet pour me lâcher. Je buvais en partie pour ça. Comme tous le monde j'intériorisais beaucoup : chaque émotion, chaque peur, chaque envie de pleurer. Car si on la sortait sur le moment,  les petits ou gros problèmes qui nous affligeaient devenaient encore plus dur à affronter. Je me décevais un peu, je ne vais pas le nier. Je faisais juste comme tout le monde et je m'entichais à boire ou à fumer, alors que ce n'était pas ce que je voulais. Ce que je voulais c'était trouver un échappatoire, un lieu, même si il était à l'autre bout du monde, dans lequel je pouvais être complétement moi même, ou une personne, une passion. Qu'importe.

D'ailleurs j'avais à l'esprit que cette soirée entre amis était la dernière avant la rentrée, car les cours reprenaient dans deux jours. Je me sentais donc obliger de m'amuser pour eux et de profiter de cette fin de vacance d'été. Cette soirée était à l'image de toutes celles d'autres adolescents de 17 ans: alcool, fumette, flirt. Néanmoins je ne buvais pas, je me saoulais. Je ne fumais pas, je me détruisais. Je ne flirtais pas, je ne flirtais pas.


L E     L E N D E M A I N

 Je rentrais à la maison en vélo avec cet esprit embrumé des lendemains des soirées.  Une fois devant chez moi, je déverrouillais la porte et grimpai les escaliers jusqu'à ma chambre pour m'écrouler sur mon lit. Je vais dormir jusqu'à 15h, et personne ne me dérangera, car j'étais seule dans cette maison trop grande pour moi, trop vide. Comme souvent. Malgré mon cerveau paralysé par la fatigue, une seule idée ne s'envolait pas: le lendemain c'était la rentrée. Une nouvelle année  qui ne se différenciera pas beaucoup des autres, mais qui portera ces petits détails qui me rendront nostalgique l'année suivante. Car après tout, c'était ma dernière année de lycée. J'avais envie plus que tout qu'elle soit extraordinaire. J'avais envie de faire pleins de choses, des plus banales au plus idiotes. Vous savez, quand vous établissez des listes de choses à faire avant de mourir? Ces listes qu'on oublie de réaliser et qui vont traîner dans vos tiroirs poussiéreux (à part pour les plus déterminés) et que vous allez relire, des mois ou des années plus tard, constatant que vous n'avez presque rien accomplit? J'avais envie d'en réaliser une, mais je n'avais pas la motivation et les idées pour. Et je ne voulais pas provoquer le destin, je voulais que l'extraordinaire arrive dans la spontanéité qui fait la beauté de ce genre de choses. J'avais envie de vivre une petite aventure un peu à l'écart de toutes les choses qui entachent à ce monde : le matérialisme, l'exhibitionnisme, le conformisme, la méchanceté, l'hypocrisie.

Je m'endormais sur ces pensées illusoires, et quelques bribes de vers qui me revenaient subitement :

  Demain, dès l'aube, à l'heure où blanchit la campagne,
Je partirai. Vois-tu, je sais que tu m'attends.
J'irai par la forêt, j'irai par la montagne.
Je ne puis demeurer loin de toi plus longtemps.  

Je marcherai les yeux fixés sur mes pensées,
Sans rien voir au dehors, sans entendre aucun bruit,
Seul, inconnu, le dos courbé, les mains croisées,
Triste, et le jour pour moi sera comme la nuit.


Je ne regarderai ni l'or du soir qui tombe,
Ni les voiles au loin descendant vers Harfleur,
Et quand j'arriverai, je mettrai sur ta tombe
Un bouquet de houx vert et de bruyère en fleur.

3
septembre 1847  , Victor HUGO

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