Un, deux, trois, ça sera toi.

Le biscuit chinois

Maya

    19h, la libération. Ma consultation est terminée mais je prends mon temps pour rentrer chez moi. L'air tiède d'un début de soirée d'été me redonne une raison de profiter de la vie. On est vendredi et lundi, c'est la rentrée. Mon passage en classe de première a été un sacré combat. Avec une moyenne plus que limite, ce sont les très gros chèques de mon beau-père à l'attention du lycée qui m'ont sauvée. C'est d'ailleurs la seule fois où j'ai accepté que quelqu'un m'aide financièrement.
Même en marchant lentement, le chemin à pied n'est pas très long entre le cabinet de ma psy et ma demeure. Depuis six mois maintenant, ma mère est mariée au riche PDG d'une entreprise de porte fenêtre, la grande classe. Pour ma part, PDG ou pas, mes beaux-pères ont toujours été riches, merci maman. Elle a toujours eu le don d'attirer les hommes plein aux as et depuis Papa, ça n'a pas arrêté. Il y a eu un riche hériter anglais, un banquier suisse, un politicien suédois et j'en passe. Chacun d'eux me considérait comme sa fille, du moins, jusqu'au suivant. Mais pour moi, il n'y a qu'un seule homme qui peut être mon père et personne ne prendra sa place.
Je m'arrête devant un grand portail haut de trois mètres et commence à chercher mon bip avant de me souvenir que je l'ai laissé sur mon bureau ce matin en partant. Je soupire et sonne à l'interphone. Ca sonne deux fois avant que Gloria, la gouvernante, vienne répondre.
     - Demeure Conor-Beckman, à qui ai-je l'honneur?
     -Gloria? C'est Maya, j'ai oublié mon bip pour ouvrir le portail, tu pourrais me laisser entrer ?
     -Oh ma petite canne en sucre, bien sûr !
Elle raccroche et le portail s'ouvre quelques instants plus tard. J'aime beaucoup Gloria, elle a toujours été là pour m'aider depuis que je vis ici. Certes, ma mère fête ses six mois de mariage mais elle côtoie M. Richard Conor depuis presque deux ans maintenant. Et je dois bien admettre qu'il est l'homme le plus correct qu'elle est rencontré depuis bien longtemps.
J'atteins enfin la porte d'entrée après avoir traversé les 25 mètres de l'allée lorsque j'aperçois Viktor, le majordome et chauffeur privé de Richard.
     -Bonsoir Maya, votre rendez-vous c'est bien passé ? Vous auriez dû m'appeler, je serai venu vous chercher.
     -Ne vous inquiétez pas Viktor, cette petite promenade m'a fait du bien. Et cette douce soirée est agréable pour marcher.
     -Si vous le dites. Le dîner sera servi d'ici quelques minutes.
     -Ah non, sûrement pas!
Gloria venait de nous rejoindre dans le hall d'entrée vêtu de son trench, prête à partir.
     -M. Richard a décidé de cuisiner lui-même le repas d'anniversaire de mariage à Mme Violette. Donc ce soir, je t'invite au Fast-Food, ma canne en sucre!
Je souris à l'idée de m'empiffrer de frites et de Milkshake chocolat.
     - Viktor, pourriez-vous nous conduire jusque là-bas ?
     -Mais bien sûr, ma chère, vos désires sont des ordres.
Gloria glousse et rougit légèrement tout comme Viktor. Je vous jure, de vrais ados c'est deux là. Ils s'aiment, c'est certain, mais ne se l'avoueront sûrement jamais.
      -Je vais aller saluer Maman et Richard et me changer, j'ai assez de temps ?
      -Oui bien sûr ma belle, je vais aller vérifier la cusine, que  M. Richard n'y mette pas le feu.
Gloria se dirige vers la cuisine tandis que je monte le grand escalier en marbre pour atteindre mes appartements. La totalité l'étage m'est consacré, ma mère et Richard occupant la suite parentale du rez-de-chaussée. Il y a ma chambre, ma salle de bain, mon bureau, mon dressing, j'ai même une petite salle de sport privée et un studio d'enregistrement. En fait, c'est celui de Richard mais quand ma mère lui a dit que j'étais soliste dans la chorale de collège, il a décrété qu'il me revenait. Mais je n'y vais jamais.
Apres une douche rapide, j'enfile mon jean noir taille haute préférée, avec un petite top blanc, style old school. Je laisse mes cheveux sécher naturellement, car je sais qu'ils deviendront raide comme des bâtons. Je ne me maquille pas, car je n'en ai pas envie et descends rapidement dans le salon. J'y trouve ma mère et Richard qui tiennent chacun une coupe de champagne dans leurs mains. Ils se regardent tendrement, et ça me donne un haut-le-cœur. L'amour est un concept que je ne comprends pas très bien, même s'il semble que ça rende ma mère vraiment heureuse. Richard m'aperçoit.
      -Maya! Je vois que tu t'es préparée à sortir!
      -Oui, Gloria m'emmène au Fast-Food pour que vous puissiez passez votre soirée tranquille tous les deux. Mais dis-moi, Richard, est-ce que ce qu'elle m'a dit est vrai à propos de ... la chose?
Richard compris que je parlais de son dîner maison et me fit un clin d'œil.
     - C'est exact.
     - Dois-je comprendre que je suis mise à part dans ceci ?
Ma mère fait mine d'être vexée mais Richard la rassure.
     - Tu seras au courant bien assez tôt, ma chérie.
     - Et bien moi je vais vous souhaiter une bonne soirée, profitez-en à condition que je ne me retrouve pas avec un petit frère dans neuf mois!
Richard sourit de ma plaisanterie mais ma mère me regarde avec déception. Je me retourne vivement pour quitter le salon lorsque ma mère m'interpelle.
     - Maya, s'il te plait
Je l'entend s'approcher de moi, de façon à ce que Richard n'entende pas notre conversation.Je me retourne avec agacement vers elle, car je sais ce qu'elle va me demander.
     - Avant de te poser la question qui fâche, je veux savoir si tu étais sincère.
Ne sachant pas de quoi elle veut parler, je l'interroge du regard.
     - A propos... d'avoir un petit frère.
Sa question me prend totalement au dépourvu. Il a quelques années, j'aurais répondu que je n'étais absolument pas d'accord d'avoir un frère mais la , je ne sais pas.
     - Très sincèrement, je ne me suis pas posé la question car je ne pensais pas que vous y songiez avec Richard.
     - Eh bien on en a réellement pas parler mais il y fait pas mal d'allusions alors ...
Je me mords la lèvre et regarde ma mère rougir. Je sais qu'elle a toujours voulu avoir d'autres enfants mais la vie en a décidé autrement.
     - Je vais réfléchir à cette possibilité. Quand à la question qui fâche, oui, maman, ça c'est bien passé mais non, je ne suis toujours pas enjoué à l'idée de faire une thérapie d'un an pour ce que tu appelles un problème.
     - Maya...
     - Tu sais quoi? Profite de ta soirée et demain matin, on prend le petit déjeuner ensemble. Et je te raconterais ma sublime soirée avec Gloria.
J'embrasse ma mère sur la joue, la serre furtivement dans mes bras et m'enfuit vers la porte. Gloria m'attend déjà à l'arrière de la voiture et Viktor est au volant.
     - Tout va bien?
     - Je te raconterai tout ça à table, si tu veux Gloria. Viktor, vous vous joignez à nous ?
     - Avec plaisir!
Je sens que je vais tenir la chandelle mais ça en vaudra la peine.