Chapitre 3

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          "Chère Kristen, chère Fernando,

          Je commence aujourd'hui à vous écrire le 28 août 2008. Le jour où Armonie est entrée dans ma vie. J'aimerais vous expliquer comment cela s'est produit, mais je sais que vous vous êtes déjà fait une idée. Vous vous dites que je suis un vieux pervers avec des besoins sexuels qu'une femme ne pourrait combler. Ou mieux, vous n'avez même pas cherché à comprendre et vous vous êtes simplement apitoyé sur votre sort. Seulement voilà, j'ai décidé de vous faire part de notre aventure durant ces 8 années à venir. Tout d'abord, je suppose que vous serez très heureux si je vous dis que votre fille, lors des premiers jours de notre cohabitation, tout se passe bien, pour le moment en tout cas. Elle demande parfois après son père et sa mère, mais pour l'instant, ça se passe bien. Là, pendant que je vous écris, Armonie joue avec les poupées que je lui ai prise avant de venir la chercher. Alors oui, c'était prémédité, mais vous comprendrez, j'en suis sûr, ce qui m'a poussé à faire ceci. Mais pour l'instant je dois vous laisser, je vous écrirais l'année prochaine encore. Je dois protéger Armonie de la vue de la police, alors à l'année prochaine.

Avec affection.

Moi. "

          Autant Kristen que Fernando ne comprenait absolument rien. Était-ce une blague ? Est-ce qu'il y avait réellement encore un espoir de revoir leur fille ? Ils avaient eu tellement dur à tourner la page en pensant sincèrement qu'elle était morte, mais que son corps était bien caché. En tout cas, ils avaient fini d'avoir l'espoir de revoir ce sourire resplendissant. Ils préfèrent ne pas lire les autres lettres aujourd'hui. Premièrement, parce qu'il est tard et deuxièmement, parce qu'à la première lecture, ils sont déjà sous le choc. Dans toute la pièce la tension est palpable. Celui qui brise la glace est le chat qui miaule pour avoir à manger. Kriten s'en occupe avant d'aller se coucher. Elle n'arrive pas à fermer l'oeil. On croirait qu'elle attends Fernando pour avoir une présence masculine pour la rassurer. De quoi ? Allez savoir. Leur fille était certainement morte aujourd'hui. Alors, pourquoi envoyer ces lettres aujourd'hui ? Pourquoi les torturer ainsi ? Kristen n'en peut plus, elle enfile son peignoir, ses pantoufles et descend l'escalier. Elle trouve Fernando sur le fauteuil, un verre à la main. Elle déteste le voir ainsi. Elle prend place à côté de lui et prend son verre. Son mari a un mouvement de recul, mais quand il la voit boire le reste du verre il dépose un baisé sur son front. Le silence qu'ils partagent ce soir n'est pas gênant c'est plutôt un silence de compréhension. Il ne l'avait jamais vu boire auparavant. Même quand ils ont perdu Armonie, jamais Kristen n'avait touché à un quelconque alcool. C'était toujours Fernando qui se trouvait sur ce même fauteuil à picoler sans en trouver le sommeil pour autant. Aujourd'hui, cette détresse partagée les rapproche en un sens. Ça fait tellement longtemps que ce n'était plus arrivé. Seulement aujourd'hui, il a besoin d'elle et elle a besoin de lui.



          A six heures le réveille de Fernando résonne dans la pièce. Kristen couchée au côté de son mari, la tête sur son épaule, il éteint vite la sonnerie et quand il regarde le visage de sa femme endormie, il porte tout de suit un sourire à ses lèvres. C'est quand la dernière fois qu'il l'a dévisagé aussi longtemps ? Fernando n'en sait rien, ça doit dater d'avant la disparition de la petite... sa petite fille. Armonie. Comment cela a-t-il pu briser leur couple ? La faiblesse de chacun aurait dû, au contraire, les rapprocher. Il se demande parfois si ce n'est pas de sa faute. Ça lui arrive parfois de boire en repensant à sa fille, mais il se dit que Kristen devrait comprendre. Elle devrait savoir mieux que quiconque ce qu'il ressent.

          Elle se met à cligner des yeux, comme un bébé qui ouvre pour la première fois les yeux. Quand elle voit Fernando, elle referme les yeux lentement et sourit. Ce matin n'allait pas être comme tous les autres. Il lui chuchote à l'oreille un petit mot doux "Tu es resplendissante Kristen." Ce n'est plus arrivé depuis tellement longtemps que Kristen se réveille plus vite qu'elle ne l'aurait voulu, se met sur pied et fonce à la cuisine. Fernando déstabilisé reste sur le sofa, allongé. C'est là que ça a recommencé, il entend Kristen pleurer de la cuisine. Cette fois c'est trop ! Il en a assez de l'entendre pleurer sans rien faire. Avant, il ne faisait rien car elle le repoussait à cause de l'alcool, aujourd'hui il n'a pas bu et la seule femme qu'il a toujours voulu est dans la pièce d'à côté en train de pleurer. Il ne va pas rester là les bras croisés cette fois-ci. Il se lève, doucement tout de même, et va rejoindre la cuisine et y trouve alors sa femme de dos qui regarde par la fenêtre. Il pose une main sur son épaule pour qu'elle se retourne et daigne le regarder et l'écouter.

          - Chérie, viens là, viens. Dit-il en approchant sa femme de lui.

          Elle pleure dans ses bras quelques minutes en silence. Il fait aller sa main de haut en bas dans le dos de sa femme. Ce geste assez commun, à peut-être de réelles capacités réconfortantes puisque Kristen se calme finalement. Elle décolle lentement sa tête du torse de Fernando et observe son visage comme pour y déceler la compassion qu'il y a dans son regard, mais elle y trouve bien plus. Il la regarde comme il regarderait un enfant qu'il réconforterait, Kristen avait déjà vu ce regard-là. Non pas celui de son père qui la réconfortait quand son chien est mort, mais plutôt comme celui de Fernando lorsqu'il réconfortait Armonie après l'avoir disputé un peu trop sévèrement. Il arbore ce même regard.

          - Tu crois qu'elle pourrait être encore en vie ? Ne me dit pas ce que j'ai envie d'entendre Fernando. Dis-moi le fond de ta pensée.

          - Ecoute, nous avons reçu un paquet de lettres et ce que je pense, c'est qu'on ne nous les aurait pas envoyées pour rien. Alors soit on apprendra comment retrouver notre bébé...

          - Elle doit avoir dépassé le stade du bébé, tu ne crois pas ?

          - Si bien sûr mais... Oh ! Kristen, laisse moi finir de m'exprimer.

          - Pardon.

          - Soit on nous apprend comment retrouver Armonie soit on nous dit des informations importantes. Sur quoi je ne sais pas, mais on pourrait aller faire analyser ces lettres pour trouver qui les a écrites et trouvées ainsi le ou la coupable. Mais je pense que l'on devrait tout de même les lires avant.

          Kristen était restée collée à son mari pendant leur discussion, comme s'ils ne pouvaient pas bougés, comme s'ils étaient collés. Elle continue de le regarder et dans son regard, il y a encore l'amour qui fait briller ses yeux pétillants. Elle veut juste l'embrasser une fois, une seule fois pour savoir quel sentiment ça lui procurerait, pour savoir si elle ressent, effectivement, encore quelque chose pour lui ou si tout est bel et bien terminé entre eux. Et c'est sur ces pensées que Fernando entreprend lui-même de l'embrasser. Il ne s'est pas posé de questions lui. Il l'a vu le dévisager et a sentit qu'elle en avait envie et il a sauté sur l'occasion parce qu'il en brûlait d'envie depuis ce matin aussi. En vérité, hier il la voyait comme une femme plus très stable, mais c'est parce qu'il ne pensait pas à quoi il ressemblait lui aussi. Il ne savait pas qu'il avait l'air aussi pitoyable qu'elle. Ils ne pensaient qu'à leur malheur respectif alors qu'en réalité ils partagent les mêmes problèmes. 

          - Qu'est-ce qui change aujourd'hui ? Demande-t-elle.

          - J'ai arrêté d'être un idiot.

          Elle l'a regardé un moment puis ils ont rigolé. Après toutes ces années de reproches et de hurlements les uns sur les autres, ils ont fini par pouvoir rigoler.

          - Tu sais hier, on a parlé de...

          - Chut ! N'en parlons plus. Lui dit-il tout en la serrant fort contre lui comme pour chasser toutes idées de divorcer.

          Kristen se sent bien pour une fois, vraiment bien.

Dix ans, Armonie [EN PAUSE)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant