Le tout

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Bon... Je dois aller travailler. Encore quelques poubelles à vider et les chiottes à torcher. Après, j'irais étudier, histoire de pouvoir foutre quelque chose de ma vie si un jour je sors cette cage.

Quand j'ouvre les yeux, je peux apercevoir l'environnement grillagé, blindé, enfermé, moribond, que je peux voir tous les jours. Mon camarade de cellule est encore défoncé, évidement. Le trafic de drogue est très présent pour le moment à cause des grèves des gardiens. On a plus que la drogue et le sport pour nous aider à survivre. Je m'en tiens au sport et à l'écriture. Ça m'aide à garder ce qu'il me reste de sain dans mon esprit.

Une bagarre éclate dans une cellule, en voilà encore un qui va finir en confinement. Pour le moment, la cellule de confinement est très occupée. Les gardiens n'hésitent plus. Ils nous y mettent dès qu'on fait un pas de travers.
Pour y avoir été une fois, je peux vous dire qu'il n'y a rien de plus horrible que cette cellule.
Quand vous y êtes, c'est souvent pour un bon bout de temps, vingt-quatre heures ou quarante-huit heures. Ca ne parait rien à côté de nos années en prison mais rien qu'une heure là-dedans peut suffire pour vous rendre fou. C'est une pièce dépourvue de toutes lumières naturelles, juste une vieille ampoule peu puissante. De toute façon, il pourrait y faire noir que ça ne changerais rien, il n'y a, là-dedans, qu'un matelas tout poisseux sur lequel personne ne s'assoie tellement il est sale et collant. Cette cellule fait exactement un mètre de large pour un mètre de long.
Pour avoir une chance de s'en sortir avec une santé mentale semblable à celle que vous aviez avant d'y entrer, il  faut prévoir toutes sortes de techniques. Recréer une journée à plus petite échelle, se faire une liste de course, une recette, se refaire des plans de votre cellule. Mais surtout ! Surtout ! Ne jamais penser à la vie dehors ! Jamais !
Dès qu'une miette d'air libre et frais effleure votre esprit, vous devez immédiatement changer de sujet. Si non, vous êtes fichus. Vous commencerez d'abord à perdre le peu de bon sens qu'il vous reste, si il vous en reste. Vous commencerez surement à bégayer  et ensuit, tout dépendra de votre état de base. Peut-être vous arracherez vous les cheveux ou peut-être arriverez-vous au suicide.
Peu de tolards sortent indemne de cette pièce, même les plus forts y perdent la tête.

Après avoir récuré toutes les chiottes du premier étage, je monte à la cantine. J'ai de la chance, il n'y a pas grande foule. Vu la bouffe immonde qu'on y sert, certains préfère se nourrir exclusivement de nourriture provenant des machines,  c'est plus goûteux mais pas plus sain que la bouffe d'ici.
Un mec me bloque le passage mais je ne compte pas lui faire face, il est trop puissant et trop vénéré pour tenter de lui passer devant. J'évite de me faire remarquer, je ne préfère pas finir mon séjour ici dans la morgue. Peut-être qu'un jour j'en viendrais à espérer la mort. Pour l'instant, je survis discrètement. J'ai encore un maigre espoir de sortir d'ici, bien que personne ne vienne me voir hors mis mon épouse.
Je sais que, sortit d'ici, je n'aurais pas beaucoup d'endroits où me loger. Peut-être deviendrais-je SDF ? Ça ne me dérangerait pas. Partout où la liberté se trouve, je veux y être.
Je prends quelques feuilles de salades et un peu de purée, histoire de ne pas manger trop mal. Je tente à préserver ma santé physique un maximum pour garder une certaine santé mentale.

Après avoir diné, c'est l'heure de rentrer en cellule quelques heures avant de retourner bosser. C'est aussi l'heure des jeux de hasards. Je ne m'emmanche pas là-dedans, c'est toujours synonyme de bagarre et je n'aime pas ça, même si ça passe le temps.
Du coup, je reste seul dans ma cellule, quelques fois, une amie me rend visite, on parle de tout et de rien, jamais de sujets trop personnels. Ici, on sait que personne ne peut faire confiance à personne ; tout le monde connait cette règle. Personne n'est réellement amis avec quelqu'un, on sait tous que une fois sortit d'ici, on fera tout pour oublier la prison et pour s'en éloigner.

Personne ici n'aime vraiment parler du futur, personne ne sait si un jour il sortira de ce trou, même si, au fond, tout le monde l'espère. Certains n'ont plus aucune chance de sortir, et d'autres, comme moi, sont rêveur et espère un jour remettre un pied dehors.

Après avoir fini les chiottes et nettoyer les poubelles, j'ai fait une partie de basket, je suis assez doué à ce jeux, j'adore y jouer, c'est le seul moyen que j'ai pour me confronter aux plus grands.

La prison Where stories live. Discover now