Le parasite

Chapitre deuxième - La ZusammenReunionDeOufGuedin

Warning : présence de quelques termes vulgaires pouvant choquer les licornes et/ou les très jeunes enfants. Veuillez demander conseil à votre médecin.

— Gégé ça yest, j'te ramène ton p'tit pensionnaire ! hurle Michel en pénétrant dans le hall d'un immeuble désaffecté d'aspect miteux.

Blondinette et lui même ne sont finalement pas si en retard que cela, puisque la place publique où doit se tenir la fameuse ZusammenReunionDeOufGuedin se trouve pour l'heure déserte.

Le Parasite maintient sans aucune difficulté au-dessus du sol une Blondinette,qui, encore sous le choc du voyage quantique qu'ils viennent d'effectuer, gémit de tout son cœur.

— Entre donc Zéro Cinquante-Neuf ! l'accueille Gérard ravi avec chaleur.

Il éclate d'un rire tonitruant en avisant le jeune homme blond, trempé de sueur, bavant et les yeux révulsés. Il se reprend ensuite et invite le curieux duo à passer dans une pièce attenante.

Aussitôt la porte franchie, il se matérialise, immédiatement suivi par Michel-Zéro Cinquante-Neuf.

Michel, petit homme long et fin, doté d'une somptueuse moustache blanche et vêtu d'une tenue complète d'aviateur ne peut s'empêcher de s'admirer sous toutes les coutures, comme à chaque fois qu'il retrouve son apparence. Son hôte, Gérard, grand joufflu aux joues bien rouges enrobe d'intérieur le regarde faire avec indulgence.

Sur ces entrefaites,Blondinette regagne une contenance. Son regard effrayé passe de Gérard à Michel puis il sanglote bruyamment, perdu face à cette situation nouvelle.

— Le v'là qui r'met ça ! Il a pas arrêté de chialer pendant tout le process ! Si jamais tu m'file encore un numéro comme çui là, j't'assure que j'démissionne, déclare Michel, exaspéré.

Gérard se contente de rire de plus belle en se tenant les côtes. La situation l'amuse beaucoup.

— Tu sais bien que tu ne peux pas démissionner Zéro Cinquante-Neuf. Tu es le seul Parasite qu'il nous reste dans la région centrale pendant au moins encore un Cycle, contre-t-il en souriant, révélant de superbes dents blanches, parfaitement alignées.

Michel grommelle et repose Blondinette au sol.

— Où sommes-nous? murmure le jeune.

Gérard disparaît un instant, puis revient avec un plateau chargé de pâtisseries et de boissons chaudes.

— Je pense qu'il est plus sage de commencer par les présentations, dit-il d'une voix de stentor, je me nomme L'Administrateur. Gérard pour les amis, et Gégé pour les intimes.

— Moi, je n'ai pas de nom, offre Blondie en retour

— Et moi je suis Zéro Cinquante-neuf, croit bon d'ajouter Michel.

—Parfait. Incroyable, s'esclaffe Gérard.

Blondinette toise un biscuit au gingembre avant de l'engloutir sans demander son reste. Soudain habité d'un rare éclair de génie, il demande :

— Qu'est-ce qu'un Parasite, monsieur ?

Gérard, avalant son thé de travers est pris d'une sévère quinte de toux, et ne doit son salut qu'à Michel, qui exécute avec dextérité une manœuvre de Heimlich.

— Vous ignorez ce qu'est un Parasite, jeune homme ? fait-il, étonné.

— Il connait même pas son prop' nom. Comment tu veux qu'il sache ? réplique Michel, toujours plein d'esprit.

— Je suis intelligent monsieur, je vous le jure, objecte Blondinette au bord des larmes.

Gérard et Michel se lancent un regard de connivence puis rient de concert.

— De toute façon,on a pas le temps pour ces conneries là. La ZusammenReunionDeOufGuedin commence dans moins de dix minutes, et pour t'expliquer tout ça, faudrait au moins deux jours, annonce Michel en ajustant ses lunettes.

Il saisit l'adolescent par le bras et se dirige vers la sortie. Gérard s'équipe d'une curieuse machine et en lance une à Michel. Le charmant petit groupe quitte ensuite paisiblement l'immeuble.

— Monsieur, pourquoi je peux vous voir maintenant ? interroge Blondie avec stupéfaction alors qu'ils approchent de la place Alexandre.

Gérard est happé par la foule avant d'avoir pu répondre. On trouve là des individus en provenance du monde entier. Tous ont fait le déplacement jusqu'en Allemagne. On assiste à d'émouvantes retrouvailles, parfois larmoyantes. Parfaitement touchant. Et inutile.

Après une longue séquence larmes et bavardages, la réunion commence enfin. Un certain Philip, membre du conseil exprime quelques banals et inintéressants mots de bienvenue avant de céder la place à Gérard, l'Administrateur.

— Chers amis. Je suis heureux, et honoré de vous retrouver pour cette deux-millième ZusammenReunionDeOufGuedin. J'invite ceux et celles d'entre vous qui le souhaitent à prendre la parole afin de dresser un bilan du Cycle écoulé.

Intervention toujours aussi peu utile, mais c'est Gérard.

Un brouhaha étourdissant suit cette déclaration. Piotr, porte-parole du parti populaire de la zone centrale, s'avance vers la chaire, provoquant le silence de l'assemblée.

— Comme vous le savez tous, bon nombre des nôtres ont été décimés au cours de ce Cycle. Et ce sans qu'aucune mesure ne soit prise. Je trouve cela intolérable, Administrateur. Inadmissible.

Il prend la foule à témoin et pointe un doigt accusateur vers Gérard. Des « ouais ! »et des « bien dit ! » fusent.

— Des victimes innocentes éliminées. Un génocide de masse des temps modernes. Et nous ignorons tout du ou des coupable. Sans parler du soi-disant Passeur qui reste introuvable. Vos fameux Parasites pourraient se magner le cul vous savez. Autrement ce sera la fin du monde !achève-t-il, très énervé.

Après cet interlude animé, on discute tranquillement de la situation économique précaire ainsi que de la chute du marché mondial de la carotte autour de quelques bières en regardant une représentation de danse traditionnelle. Après tout, la ZusammenReunionDeOufGuedin est un événement convivial.

Blondinette se déhanche et boit comme jamais auparavant sous les yeux d'un Michel hautement inquiet à propos de la suite des événements. Il craint de devoir s'occuper d'une Blondie ivre et prévoyait déjà de la confier à Gérard.

— J'suis pas sa nounou moi. Juste un Parasite. Un putain de Parasite, affirme-t-il d'ailleurs, avec justesse.