-V- Une chemise brune.

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C'était un matin comme les autres, l'odeur fraîche de la rosée, les oiseaux chantant, après un hiver très froid, un printemps, aussi bon à voir qu'à sentir, vient le suivre en douceur.

J'étais dans l'échoppe où je travaille, à attendre un nouveau client pour la maison de couture. Je sirotais mon café, pour dissoudre le sucre moulu. Je soupire. Je n'ai pas fermé l'œil de la nuit, mes parents me disputent encore mon choix de travail. Bon, c'est vrai, mon supérieur n'est pas la personne la plus gentille qui existe, mais je n'ai pas trouvé quoi faire, au moins je gagne quelques sous, au lieu d'admirer le mur en bois de notre maison. Les cloches retentirent, signe qu'une personne vient de pousser la porte, et pénètre l'atmosphère de la boutique.

"Bonjour!" me dit le client, un homme, de très grande taille, des yeux verts brillant, une petite touffe de cheveux d'un châtain foncé, couvrait sa tête jusqu'à derrière ses oreilles.

"Bonjour, en quoi puis-je vous aider monsieur?" Je m'approche du bureau d'entrée, poussant légèrement le café, et ouvrit le livre où sont inscrits les rendez-vous, les demandes sur-mesure..etc. J'ai été obligée de lever un peu la tête, ma taille ne m'aide pas trop.

"Mon patron m'a envoyé, autant qu'un de ses subordonnés" il se nettoie la gorge doucement "Et il m'avait demandé, d'ordonner une chemise."

Je lui souris.

"Bien, vous avez les" Je ne pus terminer qu'il pose une petite feuille, arrachée d'un journal de tous les jours. Je le regarde "Très bien, la couleur?"

"Et bien" il commence à regarder mes cheveux que j'ai lâchés "Je voudrai bien, un brun clair magnifique.. Comme ceux de vos cheveux." Il finit sa phrase par un grand sourire, ce qui m'a fait violemment rougir.

"Je." je bégaie, quelle idiote suis-je.. "Bien.. entendu." je prends ma plume, et trempe son bout dans un encrier que j'ai rempli dès le début de la journée. "Alors.. c'est monsieur..?"

"Sen" me dit-il "Sen Binkan."

J'inscris son nom sur le livre "Ce sera dans deux jours."

"Bien, vous fermez quand?"

"Un peu plus tard que le coucher du soleil, d'une demi-heure."

"Je viendrai un quart d'heure après le coucher, ça vous va?"

"Oui, absolument!" je lui souris une dernière fois, et il fait de même, poussant la porte, et faisant retentir encore une fois les cloches. Sen.. Quel prénom, étrange..

Deux jours sont passés, je me penche pour voir le soleil se coucher, je souris à l'idée du quart d'heure. Je regarde encore une fois les pages jaunâtres du livre, à revoir son nom inscrit sur ces feuilles bientôt en miettes..

Je repense aux paroles de mes parents, le fait que je me suis engagée à travailler plutôt qu'à me marier à un travailleur, je n'aime pas ça. Le soleil s'est couché, j'allume une lanterne uniquement pour éclairer l'entrée, car oui, en effet, on est sensé fermer avant le coucher du soleil, mais là, je fais exception, et je ne sais pourquoi.. Je reste debout, un moment, je vois les boutiques se fermer une par une, sauf celle où je suis, ils vont se poser des questions.. surtout si MON patron le sache. Je soupire, une, deux, trois fois. Je pose mon menton sur ma main, enfoui dans la paume, mon souffle chaud frappant ma chaire sensible. Mes yeux se ferment, doucement, mes deux paupières se collent, mes cils se rencontrent..

La porte s'ouvrit violemment, les clochent retentirent d'un coup.

"Désolé! Désolé!"  je me frotte les yeux, c'est Sen.

"Oh, Monsieur Binkan, tenez." je lui tends la chemise, pliée, et même un peu réchauffée, pour qu'elle garde sa texture.

"Merci. pardonnez-moi du retard, une jeune fille comme vous ne doit pas rester à cette heure dehors."  il me sourit nerveusement, prenant la chemise de mes mains.

Ce qui nous sépare. (TOME 1)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant