Lui

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Tu le vois ?

Oui... Regarde mieux.

Lui.

Il est adossé au mur, là, regardant dans le vide.

Tu le vois tous les jours. Tu lui parles tous les jours. 

Et pourtant.

Il semble digne de confiance, tu ne l'as jamais vu triste ou en colère. Jamais. Il est toujours souriant, toujours le premier à aider, le dernier à se plaindre. Il est même drôle et souriant.

C'est Lui.

Et pourtant.

Te voilà avec lui. Vous attendez une réunion, quelqu'un, ou tu veux simplement lui demander un service. Tu te prends à lui raconter tes problèmes, et il t'écoute. Il sourit, parfois compatit. Il est toujours à l'écoute, gentil et patient. C'est une valeur sûre, lui. Peut-être la seule !

Et pourtant.

Le voilà qui te fait rire avec son humour si caractéristique. Vous vous quittez. Le soir, tu t'avoues que tu ne dirais pas non s'il demandait de sortir avec toi. Après, il ne te parle jamais, c'est surement qu'il s'en moque, de toi.

(En vérité, il n'ose jamais te parler, car il n'aime pas «faire le lourd», mais tu n'en sais rien. Tu te dis qu'il semble assez sûr de lui pour ne pas lui tendre de perche.)

Et pourtant.

Le lendemain, il est adossé au mur, les yeux dans le vide, la mine triste. 

Lui ne peut pas être triste, c'est impossible. Le mec triste qu'il faut réconforter tous les trois jours, c'est l'Autre, là, qui tire la gueule un peu plus loin.

Peu importe, l'Autre se donne un genre torturé. Ça plait, alors tu vas le réconforter, délaissant le premier, toujours adossé au mur.

Le mec tire la gueule car sa copine ne lui a envoyé que trois cœurs au lieu de quatre. C'est stupide, mais il est si triste... Tu te prends au jeu, car il est mignon, l'Autre.

Pendant ce temps, Lui est adossé au mur, et écoute son ami qui lui raconte sa vie.

Tu laisses le beau gosse tourmenté et remarques que Lui n'écoute pas vraiment son interlocuteur. D'habitude, il écoute toujours, mais là, il n'en semble pas capable.

Il n'a pas le droit d'être triste. Pas Lui. Lui est sensé faire rire, rendre service, et n'a pas de vie difficile.

Son ami lui demande si ça va. Il s'empresse de répondre «Oui, oui ne t'inquiète pas ! Je suis juste un peu fatigué.» 

Il affiche un sourire forcé, alors l'ami reprend son histoire inutile.

Et pourtant.

Et pourtant, il s'avère que Lui souffre. Il lui arrive régulièrement des atrocités, il doit combattre chaque jour. Pourtant, c'est lui qui semble le plus heureux, le plus stable, le plus facile à vivre. 

Et le plus délaissé.  

Mais tu n'en sais rien, car il n'a jamais rien dit, et ne dira jamais rien.

.

.

Qu'en conclure ?

John Watson disait «Soit gentil. Chaque personne que tu rencontres mène un dur combat.»

Et il a raison. 

J'ai récemment découvert quelqu'un comme ce Lui, qui avait une vie difficile depuis des années, subissait une pression permanente. Ses repères familiaux s'étaient effondrés depuis longtemps.

Pourtant, c'est celui qui semble le plus stable, celui qui semble le plus drôle, qui aide le plus.

Par conséquent, c'était une personne de moins à se soucier. Tant mieux.

.

J'en ai conclu que ce les gens qui déclament avoir une vie difficile ne sont souvent que des personnes en manque d'attention, qui s'invente donc leur vie dans l'espoir -souvent comblé- de voir les autres le réconforter.

Pendant ce temps-là, Lui est silencieux. Il se bat quotidiennement dans l'ombre, pendant que les autres viennent réconforter l'autre beau gosse qui s'est engueulé avec sa copine.

.

Ainsi, s'il vous plait, ne faites pas comme tout le monde, moi y compris : ne jugez pas trop rapidement cette personne, drôle et aimable. 

Car je suis persuadé que ce type de personne, vous le voyez tous les jours, vous lui parlez tous les jours. 

Et pourtant...

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⏰ Dernière mise à jour : Sep 10, 2016 ⏰

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