Chapitre 1 - Au creux de sa paume

11 0 0
                                    

Enfermés dans ce bloc de fer, les gens s'entrechoquent, tous flous, de grands fantômes pâles qui cherchent à passer le temps, l'éternité qu'ils ont devant eux avant d'arriver à destination. Discussions quelconques avec des inconnus, des vieux amis qu'on aurait préféré ne pas croiser mais à qui on se sent obliger de parler. Musique dans les oreilles. Journal, papiers, stylos; travail pour certains. Le reste regarde le paysage dérouler à mesure que l'on se rapproche de notre but.

Et moi, dans un coin, carnet et crayon, devinant les vies propices de ce vieux chauve seul au fond du bus, de cette blonde avec son copain, encore de cet homme au regard triste perdu dans les entrailles de l'énorme bête d'acier. Parmi cette foule d'étrangers, ce hangar d'animaux, celle qui attire vraiment mon attention c'est cette femme, douce brune aux traits fins mais marqués par les épreuves. Un regard sombre plongé vers les ténèbres, recouvert d'un voile noir bâtant au grès des paupières. De sa lèvre inférieure une cicatrice vacant jusqu'à la pointe de son menton sur la brume pâle du matin, des lueurs dorées de sa peau. La blessure fine mais visible, la défigurant pour certains, lui donnant du caractère pour d'autres.

Elle semble plongée dans une profonde réflexion sur les méandres douteux des choix de sa vie. Chaque jours, elle monte sourire léger de la salutation matinale, après avoir donné une pièce à cet homme assis devant cette porte de fer, plus jeune que pauvre, son chien galeux sur les genoux et l'heureux rictus sur ses lèvres lorsqu'elle arrive.

Un matin je me lance, vers elle, vers cette légère onde dorée, cette chaleur éternelle; qui s'incrustent profondément dans mon cœur. Ce sentiment indéfinissable que nous procure l'amour me rongeait l'esprit. Les tristesses moroses le noircissait, le vidait de tous sens jusqu'à l'anéantir, le détruire et l'isoler. Mais les joies et les plaisir l'embaumaient d'une odeur douce et sucrée que seule la présence d'une personne unique peut créer. Le son qu'elle libère devient la mélodie heureuse que cherche les musiciens, son parfum réchauffe nos âmes, fait frissonner nos corps jusqu'au bout des ongles, et le toucher de sa peau, la douceur suprême d'un sucre sur notre langue, nous emporte vers ce rêve d'or, dans ces nuages fous et ce soleil heureux.

C'est ce sentiment de bien-être, que je ressens le matin lorsqu'elle me frôle avant d'aller plus loin, et ce manque dans mes journées, qui m'ont finalement poussés à aujourd'hui, maintenant, cette seconde même ou mon poul accélère, contrastant avec la lenteur de mes pas, bousculant ces gens gris et sans intérêts. Mon corps se dirige vers ma lumière du matin. Je m'assieds en face d'elle.

Sa robe de satin bleue, sur sa carnation, ses longues jambes fines, une plaine de verdure et de fleurs colorées, le sommet ultime sur la colline dominée par l'arbre aux merveilles; milles senteurs sensible au toucher d'un homme. Le col azuré remonte au ras du cou, fine écorce d'un jeune chêne, sous les feuilles ondulantes prises par les bras du zéphyr, accolade mouvementée, danse des cieux sur le point culminant de l'œuvre. Elle me sourit.

Je lui réponds par un rictus crispé qui se transforme petit à petit en celui que je lance en temps normal lors de mes moments de séduction. Ou est passé mon aisance naturelle que j'ai envers ces créatures, pourquoi celle-ci me rend si ingénu et coincé. Il faut que je me lance, j'ai toujours réussis avec les femmes, en quoi ai-je peur d'échouer avec elle ?

- Bonjour, vous êtes bien élégante si tôt le matin.

- Merci

- Et puis-je m'immiscer dans votre intimité et avoir plus de précision sur ce qui vous oblige à un telle prestance ?

- Je vais sauver le monde.

- Drôle et mystérieuse...

- Croyez donc ce que vous voulez.

Un jeu, elle doit essayer d'instaurer une barrière dans nos échanges, j'en connais quelques-unes comme ça, elles sont plus facile que l'on ne croit à découvrir, finalement je n'ai dû tomber que par sa beauté, elle reste une proie simple.

Son regard se perd dans le mien, le voile nuptial lâché et repris en vol, heureuse danse du ventre au rythme du bus. Le temps ralentit.

Une masse. Lourde. Un son qui nous met tous à terre. Les cris. La violence du choc. Le bus freine. Elle hurle qu'il faut sortir. Dans sa lucidité elle devient blanche, en quelques instants le satin se déchire, laissant place à des dizaines de particules dorées qui tissent un nouvel habit; un slim noir et un simple bandeau rattaché à des lanières de cuir recouvrant son buste, dévoilant son nombril centre du monde. Elle continue d'hurler de sortir et nous ouvre la porte. Mais les gens sont cloués au sol et sur leurs sièges. Les chocs contre le toit continuent. Une force puissante s'écrase toutes les secondes contre le blindage de fer de l'oiseau maître des rues, devenu un oisillon sans défenses. 

[...]

Dans les souffles d'une louveOù les histoires vivent. Découvrez maintenant