Je m'excuse d'être femme

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Je m'excuse d'être femme
Coupable du pire des sacrilèges
Du vice qu'est ma féminité
Qui vous attire dans ses pièges

Je m'excuse d'être femme
D'empêcher de tourner la terre
Et usant de ce corps endiablé
Entraver la marche de l'univers

Je m'excuse de n'être que corps
Que sexe, que chair, que charmes
Et pourtant prétendre avoir un esprit
Un cœur, des pensées ... des larmes

Je m'excuse d'être femme
Je ne l'ai pas fait exprès
J'ai laissé pousser ces formes
Sans même vous consulter

Je m'excuse de vous éclabousser
Par ce péché qu'est mon corps
Par le blasphème de ma volupté
Par cette beauté qui fait ma laideur

Je plaide coupable pour tous les crimes
Que j'aurais provoqué contre moi
Je suis le peintre de mes abîmes
Le scénariste de mon désarroi

Je m'excuse de me tenir
A portée de vos mains
De laisser trainer mes courbes
Là ou le regard les atteint

Je m'excuse de me faire violer
Aussi bien le corps que l'esprit
Je m'excuse de vous provoquer
Pour faire de moi une femme battue

Qui donc oserais vous blâmer
Vous qui êtes nos victimes
Vous que cette vile féminité
guette sans cesse par ses abîmes

Nul besoin d'être un génie
Pour déchiffrer tous nos symboles
Il est certain que nos viles formes
Sont un très clair appel au viol

Je m'excuse d'être toujours là
D'aller partout ou vous allez
Et sur mes traces de surcroît
Emporter ce corps endiablé

Je m'excuse d'ainsi m'imposer
De prendre tellement de place
De bousculer jusqu'à vos pensées
Et d'empiéter sur votre espace

Je m'excuse, en femme, de persister
De germer partout dans votre esprit
Et par ma présence vous infecter
Telle une tare, une maladie

Je m'excuse de continuer à exister
Entre deux accouchements, deux nuits de plaisir
Et sans scrupules, continuer à rôder
Laissant mon esprit s'épaissir

Je m'excuse de circuler dans VOS rues
VOS marchés, VOS boulots... VOTRE pays
D'entrer en douce, de m'infiltrer
Je m'excuse de coloniser vos vies

Découpez dans ce corps vos conflits
Faites de ces courbes un champ de guerre
Tatouez mes formes de vos complexes
Crachez sur ma peau tous vos travers

Usez de ce corps comme bouclier
Jetez le vous tel une pierre
Ajoutez-moi à vos trophées
Faites de mon être un territoire

Dénudez-moi quand vous voulez
Ou couvrez-moi à votre guise
Traitez mon corps en terre maudite
Ou faites de lui une terre promise

Je vous subirais sans broncher
Essuyez sur moi vos états d'âme
Vos complexes, vos peurs, vos pêchers
Moi qui suis coupable d'être femme

J'aurais du n'être qu'à moitié
une pseudo-existence à intervalles
Ne me manifester qu'en cas de besoin
Et disparaître entre deux appels

Je vous promets de rester sage,
De toujours me faire toute petite
De me fondre dans le paysage
De me cacher telle un Hermite

Je promets de me coudre la bouche
D'estomper jusqu'à mon parfum
De Tuer dans l'œuf mes idées farouches
De cesser d'avoir un destin

Corrigez-moi quand je divague
Quand je m'emporte, quand j'exagère
Quand, en ingrate, j'ose clamer « liberté »
Quand je me crois humaine à pare entière

Il m'arrive en voyant votre haine
De tenter de gommer mes traits
Cachant ces formes et courbes vilaines
Les niant jusqu'à les supprimer

Mais quoi que je fasse, elles restent là
Toujours visibles... toujours infâmes
J'ai beau tirer dessus les draps
Sous ces tissus... je reste femme...

Nayress B.G.

Je m'excuse d'être femmeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant