Click & Quit

Journal de bord n°2 - Faut que tu respires...

Je le regardais en clignant des yeux alors qu'il s'approchait de moi avec sa pochette en carton logotée Click & Quit. Il se déplaçait d'un pas nonchalant, avec une mine plutôt contrariée. Regrettait-il déjà mon embauche ? Je déglutis d'appréhension alors qu'il s'asseyait en lâchant un magnifique « ENFER » ce qui ne me rassurait franchement pas. Il posa ses yeux sur moi et son visage se radoucit. Je déglutis péniblement en essayant de me faire la plus petite possible, même si son humeur avait l'air de s'être améliorée d'un coup. Il prit son temps pour ouvrir son dossier jouant passablement avec mes nerfs. Attrapant une feuille, il la tourna vers moi et la fit glisser sur la table tout en se penchant, un sourire mortellement amusé se dessinant sur ses lèvres.

— Alice, voici vos conditions d'emploi.

— Merci...

À peine avais-je eu le temps de poser mes yeux dessus qu'il me reprit la feuille en souriant et qu'il se releva. Je le regardai stupéfaite et compris qu'il venait de se placer à ma droite. Il s'assit, rouvrit son dossier sans se défaire de son sourire.

— Donc, comme énoncé lors de notre entretien, je vous ai...
— Oui ?

Il soupira un grand coup avant de lâcher un « bordel » ce qui me fit grimacer. Qu'est-ce que c'était que ce langage ? Pas très professionnel en tout cas !

— Il y a un souci ?

— C'est trop formel, Alice. De vous à moi, je ne suis pas du genre formel et encore moins dans mes relations avec mes employés. Je veux former une famille, grande et heureuse.

— D'accord... Mais être formel, c'est vraiment pas mal, vous savez...

— C'est froid, trop froid. Vous n'avez pas envie d'une relation froide et stricte avec votre employeur quand même ?

— ... Si, je pense que c'est la meilleure configuration qui soit.

— Alice... Ne me brisez pas le cœur si vite.

J'ouvris de grands yeux en reculant sur ma chaise. Il se mit à ricaner avant de s'éclaircir la voix et de rajouter, comme pour se rattraper.

— Je plaisante Alice. Vous êtes toujours sérieuse ?

— En toute circonstance.

— Bien, vous allez détonner avec les employés, mais ce n'est peut-être pas si mal.

— Vous savez, votre conception de l'entreprise est belle et fait très idéal américain, mais de vous à moi, monsieur Louvet, si je ne suis pas efficace dans mon travail, vous ne me considérez jamais de votre famille et me mettrez à la porte sur le champ.

Mes mots avaient l'air de l'avoir percuté. Il restait hébété devant mon discours pendant qu'il se redressait sur sa chaise. Je vis son regard s'assombrir et il se mordit très fugacement la lèvre avant de me répondre d'une voix plutôt calme.

— Je n'aurai pas à me poser la question, Alice. Vous serez efficace, n'est-ce pas ?
— ...Oui, bien sûr.

— Alors pourquoi avons-nous cette discussion ?

Son regard devint soudainement plus fermé et je déglutis. Moi et ma maudite façon de parler ! J'agrippai ma jupe sans m'en rendre compte avant de dire d'une voix plutôt faible.

— Je n'aurai pas dû amener ce sujet...

— Bien, nous sommes d'accord, Alice.

Il pencha sa tête sur le côté et soudainement, une expression de petit chiot heureux apparut. Je le regardai incrédule, me sentant brusquement comme manipulée. Il se pencha à nouveau vers moi et comme si de rien n'était, reprit la conversation.