Farimata 2

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Heureusement pour elle son mari l'avait emmené avec lui dans la capitale et il avait insisté pour qu'elle reprenne l'école. Elle n'y croyait tout simplement pas. Il lui a même payé des cours dans une école privée.

Elle allait reprendre la classe de troisième, elle n'avait pas pu passer son bfem. On dirait que la chance lui sourit enfin.

Ses parents ne voulaient pas entendre parler d'elle. Pour eux, c'est définitif Farimata est une devergondée et elle ne va pas changer. Elle a foutu sa vie en l'air en ouvrant ses cuisses au premier venu qui de surcroît est son professeur d'anglais. Un homme que tout le monde respecte dans le village, un homme gentil, pieux, tout ce qu'il y a de plus respectable.

Et pourtant.

Cet homme avait abusé de beaucoup de jeune fille dans le village et pas une seule parmi elles n'avait osé le dénoncer à part Farimata au tribunal.
Ces petites filles traumatisées à vie par cette horreur n'osent plus jamais ouvrir la bouche sur ce sujet, elles changent radicalement et on remarque la disparition de leur gaîté de coeur qui devrait être tout à fait normal à leur âge. Elles se renferment sur elle-même. Nul ne devrait voler à un enfant son enfance, ils ont le droit de grandir dans la dignite

Le problème quand on ne dénonce pas un violeur c'est qu'il récidive et qui sait... ce sera peut-être votre soeur la prochaine. Pensez-y et ne laissez pas ce crime impuni.

Déni et loi du silence règnent en maîtres, et s'imposent d'autant plus facilement que les victimes sont prisonnières des souvenirs tellement saturés de l'horreur.

Les violences à un moment, peuvent leur paraître pas si graves, ou bien irréelles, du fait d'une anesthésie émotionnelle faite par notre société, de sentiments d'étrangeté et de sensations d'avoir été spectatrice de la scène de violence sans vraiment y participer,
avec des conduites d'évitement qui font éviter tout ce qui peut se rapporter aux agressions (éviter d'y penser, d'en parler),
avec des sentiments de honte et de culpabilité qui les isolent et les condamnent au silence, parce qu'elles n'ont pas compris pourquoi elles n'ont pas pu se défendre ou fuir, pourquoi elles sont restées avec l'agresseur, ont continué à lui parler, à le voir, parce que la sidération au moment de l'agression est incompréhensiblen

Et parce que certaines conduites dissociantes à risque qui poussent à reproduire sur soi les violences ou à se mettre sexuellement en danger font naître le doute («l'agresseur a peut être raison, et si j'aimais ça…, et si je ne méritais que ça…, et si c'était mon destin…»). D'où les mutilations, les fugues, le repli sur soi. 

Les violences sexuelles en général, et particulièrement de celles faites aux mineurs, notamment des inceste ou avec des proches sont noyés dans le déni. Il s’y ajoute une tradition de sous-estimation de leur gravité et de leur fréquence, une tradition de banalisation et de tolérance, voire de justification (idées reçues sur la sexualité masculine et féminine, stéréotypes sexistes) par exemple : goor goor rek la, un homme reste un homme , et également une méconnaissance généralisée de la gravité de leurs conséquences sanitaires et sociales.

Vous voyez comment une toute petite fille se remet en question quand elle vit ce genre de chose. Elle y pense sans cesse justement parce qu'elle voudrait l'oublier, elle voudrait qu'on lui dise que ça n'a jamais existé, que ce n'est pas vrai.

C'est le cas de Farimata et des autres filles qu'elle a laissé au village.

Elle a eu plus de chance, son mari ne l'a jamais touché. Il disait que c'était dégoûtant de coucher avec une gamine, il a l'impression de faire l'amour à son enfant. Coup de chance pour Farimata qui s'est complètement investie dans ses études.

Pas une seule fois, ses parents n'avaient appelé. Ils n'y voyaient pas d'intérêt.

C'est quand ils l'ont vu à la télé des années plus tard, recevant un prix du concours général des mains du président qu'ils ont compris qu'elle n'était pas une devergondée.

Ils ont voulu se rattraper mais elle avait déjà obtenu sa bourse pour les États-Unis. Son mari l'y avait rejoint plus tard. Elle milite contre les attouchements à l'école, les abus sexuels sur les mineurs et la violence faite aux femme. Elle tient un blog très suivi où elle publie ses impressions et son parcours tout en incitant les jeunes à être plus vigilants. Elle a finit par contacter ses parents pour tout remettre en ordre et repartir sur de bonne base.

Son ancien professeur a été muté au Fouta et il continue d'abuser des petites filles de plus en plus jeune en toute impunité.




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#RebbeiL
3 Janvier 2017 - 03:26

Les Amours.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant