Itiana - Honema

Aurevoir Honema

Tout avait l'air si simple durant ces dix- neuf dernières années. Nous n'avions pas à nous soucier de notre avenir car tout le monde nous avait dit que notre choix serait évident. Puis nous étions insouciants de l'impact qu'aurait notre décision finale. Aujourd'hui est le jour dont tout le monde parle et à la fois le jour tant redouter pour ma part. Le test du troisième cycle, voilà comment notre gouvernement l'appelle, il permet de classer les gens selon leur intelligence afin d'être classé dans un groupe en 4eme cycle. Le but étant de créer des binômes à la hauteur des exigences d'un jury, une société dite méritocratie. Un moyen de contrôler notre choix même si on a le dernier mot final.
Ce système s'est construit il y a 220 ans. Nos ancêtres se sont battus pour avoir un état en paix. La haine était omniprésente dans les mentalités. Les deux villes se sont battues. l'une voulait un gouvernement commun, quant à l'autre, voulait préserver l'indépendance des deux villes car elles seraient incompatible.
Ils ont alors battit une nouvelle constitution, où chaque individu choisit dans quelle ville il souhaite vivre, une constitution basée sur l'amour. Tout le monde a un binôme, qu'il soit composé d'un homme ou d'une femme ou de deux sexes identiques. Ce système a permis à la nation de rester soudés et d'éviter les inégalités.
Il y a 20 ans, mais parents se sont rencontrés en zone neutre et sont repartis ensemble à Honema. Leurs destins les a conduits au mariage et à fonder une famille. L'État d'Honema  autorise deux enfants par femme. C'est alors que mon grand frère Keith est né, puis moi deux ans plus tard.

Je m'appelle Sophia et je viens d'avoir 19 ans, jusque-là tout va bien. Allongé sur le lit, je relis pour la énième fois ma convocation pour rentrer en quatrième cycle. Comme tous les étés, la zone neutre autorise les enfants de voir leurs parents dans leur ville. Je contemple le plafond d'un blanc immaculé et à l'intervalle ma fenêtre donnant sur la route. C'est le cœur serré que je pense au quatrième cycle, sans doute le plus important, celui où l'on ne va pas jugé que notre intelligence mais seulement notre personnalité et il est là pour nous aider dans notre choix final.
Le quatrième cycle est réservé seulement pour ceux qui ont atteint l'âge de 19 ans.

Les résultats des examens sont tombés et tout le monde doit se rendre au lycée pour être transférer. Mes craintes envahissent mes pensées. J'ai simplement peur de me retrouver avec des personnes qui ne me correspondent pas, de décevoir ma famille. Pour eux, ma vie est toute tracée, je serai dans un groupe avec des personnes du niveau intellectuel que moi. Je me marierai avec Lloyd, mon meilleur ami depuis le second cycle, ses parents sont voisins avec les miens, je ferais la même profession que mes parents, C'est-à-dire professeur ou membres du conseil. Sauf, que je n'ai nulle envie de cette vie là, dépourvue de sens, de perspective et de surprises.
Mes songes s'arrêtent subitement et je me redresse pour me précipiter à ma fenêtre. Je découvre la voiture rouge de Keith, arrêtait sur le bord de la route. Je le vois descendre et ouvrir avec Élégance la portière avant passager. Bethany, sa femme descend doucement de la voiture. Accueillis par mes parents qui attendent dans l'entrée leur arrivée. Keith passe la main dans son dos et l'entraîne à l'intérieur. Mon cœur explose et je me précipite dans les escaliers avec ma valise dans les bras. J'entends la voix de Keith ainsi que celle de mon père en bas, ma mère embrasse Keith et prend dans ses bras Bethany. La porte de l'entrée est grande ouverte, je dépose ma valise dehors et me dirige vers Bethany pour lui dire bonjour. Et dépose un baiser sur la joue. Nous nous connaissons pas bien encore mais j'admire son côté toujours naturel, impeccable, cheveux blonds et bouclés et son parfum fruité qu'elle porte lorsqu'il fait très beau.
Soudain, je sens tous les regards braqués sur moi. Ma mère s'avance vers moi et me prend dans ses bras. Je me souviens de ces larmes le jour du départ de Keith en quatrième cycle. Il y a toujours le risque qu'un enfant ne choisis pas sa ville d'origine. Dans son dos, je fais signe à Keith mon envie de partir, de me sortir de cet embarras, je n'aime pas les adieux.
Il acquiesce et me pousse vers la sortie en me prenant par les épaules sur son bras.

- Ne tardons pas, elle risque d'être en retard, vous la verrez bientôt, dit Keith.

Je le suis en direction de la voiture, ma valise dans les bras, il la dépose dans le coffre et la contourne pour se mettre du côté conducteur.

- T'as mis quoi dans ta valise? Des pierres? Me dit-il pour me taquiner.

Nous avons deux heures de route jusqu'à la frontière, autant les passer avec mon frère.

J'attache ma ceinture et regarde une dernière fois la maison de mes parents. Les souvenirs d'enfance et de cet été refont surface. Keith démarre rapidement et me laisse peu de temps pour faire un signe à mes parents. Une fois que la voiture ait éteint le bout de la rue, il entama la conversation.

- Tu reviendras, ne t'en fais pas, dit-il avec certitude.

Je lui rends mon plus beau sourire en guise de réponse, sans lui promettre quoi que ce soit.
Il n'y a personne dans les rues à cause de la chaleur. On se croirait dans le désert d'Itiana.

- Merci de ne pas avoir fait tarder, j'avais pas envie de subir la tristesse de Maman.

Il regarde d'abord la route en silence et déglutis plusieurs fois avant de dire quelque chose. Il semble se souvenir lui aussi de l'état de maman d'il y a deux ans, le jour de son départ.

- Oui j'aurai bien voulu aussi que l'on m'épargne, dit-il sérieusement cette fois ci.

Nous arrivons sur une route de campagne. Je me tourne vers Keith. J'ai tellement de questions à lui poser, j'aimerais avoir des réponses.

- Keith, tu ne m'as jamais raconté ton quatrième cycle...
- Je n'ai pas le droit de t'en parler théoriquement, le conseil veut que chacun d'entre nous ait un jugement neutre... Que tu ne sois pas influencer, annonçant' il.

Sa réponse ne me satisfait pas, j'aurais voulu qu'il se livre davantage, qui me raconte si son choix avait été si évident. Mais il tarde de me dire quelque chose.

- Bethany... N'a pas été mon premier choix, Mais nous avons fait confiance aux tests, puis le temps nous a rendu...amoureux nous nous entendons très bien.

Ma peur s'empare de moi à nouveau. C'est donc ça le quatrième cycle ? Choisir quelqu'un en fonction des tests au risque qu'avec le temps, cela ne fonctionne pas.

- Et si je ne peux pas faire confiance aux tests, qu'arrivera t'il ? lui demandais-je

Il freina d'un coup et se tourna vers moi pour me faire face. Ses yeux bruns aux pupilles dilatées mettent en évidence sa colère et son inquiétude.

- Il ne t'arrivera rien car tu feras confiance aux tests. Tu ne comptes pas aller à Itiana avec un taré, violent et jaloux, quand même ?

- Non! Dis-je machinalement pour apaiser sa colère naissante.

Je soutiens son regard et la voiture reprit
la route. Nous arrivons enfin dans la forêt, qui marque la fin d'Honema.
À vrai dire, je ne sais pas encore la moindre idée de mon choix. Au bout de quelques minutes de silence, je sens la main de Keith enlacer la mienne. Je la sers en retour pour lui montrer mon soutien.

- Le quatrième cycle n'est qu'un passage difficile, tu en apprendras beaucoup sur toi et les autres. Tu trouveras ta place et la personne qui te convient ...pense à toi avant tout, dit- il dans un souffle.

Le reste du trajet se passa très bien. Il me raconta ses aventures avec Bethany, son travail en tant qu'ambassadeur entre les deux villes, puis de nos bêtises étant enfants. Je me rends compte alors que nous sommes tous les deux totalement différent, le quatrième cycle a été un tournant de sa vie.
Je lui promets de ne jamais en parler à qui que ce soit. Le silence s'installe à nouveau à l'approche de la frontière de la zone neutre. Keith s'avança jusqu'à l'entrée du tunnel et s'arrête à la hauteur des gardiens, armés jusqu'aux dents.

- Sophia Meester de Honema, leur dit-il après avoir baisser sa fenêtre.

L'homme regarde la liste et confirma mon nom. Un autre gardien ouvre ma portière et me demande de sortir et de prendre ma valise. Le premiers soldats s'approche de mon frère interloqué.

- C'est la nouvelle procédure, les nouveaux arrivants doit marcher dans le tunnel, pour des questions de sécurité.

Keith acquiesce et referme la vitre de son côté. Il sourit nerveusement il fit une manœuvre demi-tour avant de repartir. Les gardiens m'entraînent à l'entrée du tunnel, éclairé par des néons bleus.
J'ai pris avec hésitation ma valise en direction du tunnel puis entama mon chemin vers l'inconnu.