Le peintre

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Vous êtes un peintre qui à peu d'argent et qui va bientôt se retrouver  à la rue. Pendant une balade dans une brocante vous trouvez un tableau que vous achetez pour trois fois rien. Une fois chez vous, vous allez dormir quand soudain...



Pitoyable. C'était le seul mot qui me venais à l'esprit quand je croisais mon regard dans le miroir fissuré de l'entrée. Pitoyable. C'était le seul adjectif capable de qualifier au mieux ma vie.
J'étais peintre. Mon maitre disait que j'avais beaucoup de talent et que je n'aurais pas de difficulté à m'imposer dans ce monde de requin. Avait-il raison ? Avait-il tord ? Pour ma part, je n'en avais aucune idée. Peut être, mon don eut- il raison de bon nombre de mes acheteurs potentiels... En tous cas, la prédiction que m'avait faite mon maitre ne se réalisa jamais. Bien au contraire, je croulais sous les factures impayées et les dettes qu'il m'était impossible de rembourser. Malgré la mauvaise qualité du taudis dans lequel je vivais, l'expulsion me pendait, de même, au nez. Dans quelques jours j'allais me retrouver à la rue et j'allais finir ma vie seul sous un pont où, de toute façon, je ne manquerais à personne.
Un jour de novembre, froid et pluvieux, alors que je faisais une dernière balade avant mon expulsion le lendemain, mon regard fut attiré par un portrait. Il était exposé en vrac sur un vieux tapis rapiécé à côté de vieux objets rouillés. Je m'arrêtai devant ce qui devait sûrement être le plus petit stand de la brocante que j'étais en train de traverser. Un vieillard, assis sur une chaise de camping, me souris et me salua d'un signe de tête. J'esquissai à mon tour ce que je supposai être l'ombre d'un sourire et baissai les yeux sur le tableau.
Il y était peint une jeune fille avec une chevelure dorée qui reflétait les rayons du claire de lune que l'on apercevait au loin. Sa peau était lisse, ses yeux brillaient tels deux saphirs et ses lèvres, fines, étaient légèrement retroussées en un timide sourire. Je connaissais ce tableau. Il me répugnait presque autant qu'il me faisait fantasmer. Je me détournai lentement du stand et m'apprêtai à reprendre ma ballade lorsque le vieillard m'apostropha:
- Eh vous ! Il vous plait ce tableau, je vous le cède pour 3 sous !
- Merci mais je n'ai pas d'argent. Répondis-je en me retournant pour partir.
- Dans ce cas... votre paquet de cigarette fera l'affaire, allez venez, il est à vous. Insista l'ancien.
J'hésitai. Quel est l'intérêt d'acheter un tableau que l'on a nous même peint et, en plus, réussi à vendre ?
- Alors ? Marché conclu ?
Je tendis le vieux paquet de cigarette que j'avais ramassé par terre quelques heures plus tôt et le vieillard le fourra dans sa poche avant de me mettre le tableau dans les bras.
De retour dans mon taudis, quelqu'un m'attendait. Un homme en habit de travail un cartable à la main me regardait arriver d'un air excédé derrière ses lunettes:
- Enfin vous voila, j'ai presque failli attendre ! J'étais venu pour faire un état des lieux avec vous.
Sans même une salutation je passai devant lui et ouvris la porte non verrouillée de mon taudis.
Après que l'homme fut reparti en ayant vu que, visiblement, la maisonnette serait invendable, je décidai d'aller me coucher directement.
Cela faisait désormais 1 heure environ que je me tournais et retournais sur la vieille paillasse toute mitée qui me servait de lit sans réussir à m'endormir. Finalement, je me levai et allai me planter devant le portrait de Louise. Chaque courbe, chaque trait, je les connaissais par coeur et pourtant je ne pouvais pas m'empêcher de les regarder. Soudain, une idée germa dans mon esprit. Et si... Non. Je ne pense pas que cela marcherait. Mais bon, qu'avais-je à perdre ? Je sortis alors une palette de couleur ainsi que mes pinceaux. Je pris un trépied et y installai Louise avant de courir dans l'entrée pour décrocher le miroir fissuré.
Assis sur un tabouret je regardais à tour de rôle mon pitoyable reflet et le tableau, que j'étais en train de modifier. Chaque coup de pinceau devait être parfait, chaque détail reproduit à la perfection.
Je peignis sans m'arrêter durant une bonne partie de la nuit ne pensant à rien d'autre qu'à ce maudit tableau, celui-la même à cause duquel, j'avais découvert mon don. Une fois ma tâche terminée, je regardai le résultat:
- Cela devrait faire l'affaire...
Je retournai me coucher et attendit. La première foi, cela avait pris quelques minutes avant que cela se produise.Soudain, ça commença. Je me sentais léger, très léger. Si léger que j'avais l'impression que je pourrais m'envoler. Mais que dis-je, j'étais désormais réellement en train de flotter au-dessus de mon lit. Une lumière blanche apparue et je sentis mon corps s'envelopper d'une douce chaleur je fermai les yeux. Je ne m'étais jamais sentie aussi bien de toute ma vie. Je souris:
- Louise...

Monsieur Delahaye avait été embauché pour vendre la vieille maison du coin de la rue. Ce jour-là, il était d'assez mauvaise humeur. Le jour d'avant il avait attendu le locataire pendant plusieurs heures pour finalement se rendre compte qu'il ne pourrait pas revendre ce ramassis de planches et de tuiles pourries. Mais il devait tout de même revenir pour vérifier que le peintre était bien parti pour pouvoir donner le feu vert au conducteur de l'engin de démolition.
Il arriva devant la porte en bois rongée par les termites et la poussant du doigt. Celle-ci tourna sur ses gonds dans un bruit de ferraille. Il entra, vérifiant chaque pièce: Visiblement le locataire avait bien quitté les lieux. Seulement il remarqua une chose étrange: Tout le nécessaire de peinture était éparpillé sur le sol et au milieu d'une des pièces trônait un tableau et son trépied. Monsieur Delahaye, qui n'avait pas vraiment l'oeil artistique, fut tout de même intrigué par cette toile qu'il jugea incroyablement réaliste. Néanmoins, il ne prit pas la peine d'emmener le tableau avec lui et quand il sortit de la maisonnette il fit signe aux démolisseurs de commencer leur travail.

Si Monsieur Delahaye était resté plus longtemps à contempler la toile il aurait sûrement remarqué les légers battements de cil de la jeune femme ainsi que le fin sourire qui s'élargissait sur les lèvres de l'homme qui la tenait fermement plaquée contre lui. Il aurait sûrement remarqué aussi que le peintre avait laissé toutes ses affaires dans la maisonnette excepté le vieux haillon dont il se servait de pyjama celui-là même que portait l'homme sur le tableau.

Et grâce à ce tableau, il aurait très bien pu résoudre le plus grand mystère de ces dix dernières années : L'enlèvement de Miss Louise De Paris, princesse de l'Empire Bleu.

                                                                                                                                                                       , A ma maman.

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