L'Antique

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Je me réveillai dans un lit dur comme la roche, les rayons de soleil transperçant la fenêtre pour venir me brûler la rétine. Je me levai péniblement du matelas, pour constater que j'étais dans une salle qui m'était totalement inconnue. Je ne savais pas ce que je faisait là, ou plutôt je ne m'en souvenais plus. Je ne savais pas quoi faire: rester ici à paniquer ou aller découvrir les lieux? Alors que je triturais le tissu du rideau, un vieil homme entra par la porte de ma chambre. Mais c'est...!

-Bonjour, jeune homme.
-Monsieur.

Je baissai ma tête pour le saluer avec respect, mais je ne faisais que penser à son identité. N'était-ce pas le propriétaire de l'Antique, le petit café que j'affectionnais tant? Puis, ça aurait du sens, puisque la fille aux cheveux violets y travaille. Je venais tout juste de le remarquer, car je me suis souvenu du jour où Hide semblait flirter avec elle, malgré le fait qu'elle le repoussait constamment. Il ne lâche pas le morceau; il faut bien lui donner ça.

Serais-je donc à l'Antique? Pourquoi y aurait-il une chambre à l'arrière; c'est pour les employés? Puis, surtout, qu'est-ce que je fais ici? Tout ce dont je me souviens , c'est qu'une fille s'est présentée en tant que Tôka et nous a emmené quelque part, pour une raison inconnue. Au moins, je connaissais ceux qui m'ont emmené ici; je ne suis donc pas en danger.

Alors que je regardais pensivement le soleil se lever au travers de la vitre, j'entendis la porte grincer et me retournai pour apercevoir le vieil homme, m'offrant son éternel regard empli de bienveillance. Personne ne savait par quoi commencer; nous restâmes ainsi, en silence, nous fixant mutuellement, comme si nous avions l'intention de sonder le regard de l'autre. Il osa enfin prendre la parole:

-Tu sais pourquoi tu es ici?
-Pas vraiment, à vrai dire.
-Viens, je vais te montrer.

Sans plus de formalités, le propriétaire du petit café me pria de le suivre jusqu'au bout du couloir, où il cogna doucement de ses jointures avant de s'y introduire. Ce que je vis me figea sur place; maintenant, je me rappelais. Je me rappelais de tout: ma dispute avec mon meilleur ami, la bataille sanglante avec la goule nommé Nishiki, mais, surtout, de ce moment de folie qui m'avait poussé à vouloir manger Hide. Une chance que Tôka était venue m'en empêcher, sans quoi je ne sais pas ce qu'il serait devenu.

C'était l'indomptable tignasse blonde de mon amant d'un soir qui m'avait mis la puce à l'oreille, qui avait provoqué cet effet de flashback. J'aurais eu envie de me précipiter dans ses bras, de m'excuser, lui raconté tout ce que j'avais vécu, lui exprimer à quel point j'avais faim et que je n'en pouvais plus. Cependant, ce n'était pas à envisager. Je ne pouvais rien lui avouer et ne pourrai jamais le faire.

Sans m'en rendre compte, je m'étais mis à trembler de tous mes membres tout en serrant mes poings jusqu'au sang. Mes yeux larmoyaient; je me retenais pour ne pas pleurer. Je n'en pouvais plus. D'ailleurs, combien de fois m'étais-je dit que je n'en pouvais plus? Pourtant, j'étais toujours là. Je n'ai jamais compris.... compris ce qui me poussait à continuer. Bref, comme à l'habitude, j'étais toujours aussi émotif et pleurnichard.

Je sentis la main du vieillard se poser sur mon épaule frêle dans un élan de chaleur. Il me sourit, ce qui le rendit encore plus ridé, toutefois plus sympathique, et se risqua encore à prendre la parole:

-Ne t'en fais pas, il va bien. Tu n'as pas posé une main sur lui, elle est arrivée juste à temps.
-... Ouais, merci. Sans vous... Sans... vous...

Je ne pus m'empêcher de pleurer à chaudes larmes, sans arriver à finir ma phrase, pris de hoquets incontrôlables. Je ne pouvais concevoir le fait que j'avais failli tuer mon ami de sang-froid, pour le manger, qui plus est. Depuis cette soirée, cette fameuse soirée où j'ai laissé Hide faire ce qu'il voulait de moi, je le voyais encore plus doux et spécial que je ne le voyais avant. Je voyais mon meilleur ami comme plus. Je voyais... En fait, je ne faisais qu'imaginer; il n'y avait rien à voir. Ma vie n'était plus qu'un grand vide; même lui j'allais le perdre. Muni d'un instinct pareil, il allait forcément découvrir la vérité.

Secret love [TERMINÉ]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant