Chapitre n°3 : Une descente vers le cauchemar

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Malgré mes brûlures insoutenables et les plaies sanguinolentes de Maryn, nous réussîmes à escalader de nouveau la paroi et atteindre le sommet, à bout de nerfs. Cela n'avait pas été chose facile. La montée avait été très douloureuse et lente. Un véritable supplice! Enfin en haut de la paroi, nous avions pu soufflé, certaines d'être enfin en sécurité. Lise était paniquée! A peine eut nous fûmes arrivées qu'elle nous dorlota :

"Les filles! Vous m'avez fait une peur bleue! Vous êtes malades ou quoi!?"

Je rêve ou elle était en train de nous engueuler alors que nous avions frôlé la mort. Avant que je ne lui fasse remarquer, elle s'écria :

"Oh mon dieu! Oh mon dieu! Regardez dans l'état que vous êtes! Tes mains Tressie! C'est de la charpie! Oh mon dieu Maryn! Il faut arrêter ce saignement!"

Elle était intenable. Elle semblait complètement bouleversée par la tournure des événements. Elle en faisait presque trop. Comme une vulgaire comédie! Mais bon il faut que ce n'est pas tout les jours qu'on vit ce genre d'expérience et je n'ai vu que peu souvent Lise paniquer. Elle avait des expressions tout à fait normales! 

Maryn, dont les yeux scintillaient de larmes qui menaçaient de surgir à chaque instant, restait accroupie par terre pendant que sa sœur ne cessait de parler en lui appliquant les premiers soins. Je restais debout à observer le paysage. Moi qui avais tant hâte de surplomber la vue en haut des sommets ce matin même était à présent très refroidie. Une menace constante semblait régner sur les lieux. Les inquiétudes de l'autre soir reprirent le dessus. Les jolies montagnes auparavant baignées d'une lueur d'or se couvraient petit à petit d'un bain de sang. L'obscurité plantait ses racines au loin. Envahissant le somptueux paysage d'un ensemble morbide. Le vent était extrêmement violent ici. Des milliers de minuscules cristaux de glace nous fouettaient la peau et nous glaçaient la carcasse. Les ombres semblèrent animer les hauteurs donnant à celles-ci des allures d'ogres, prêtes à nous engloutir à tout instant. La neige gela sous nos pieds. La température ne cessait de chuter. Les nuages annonçaient une tempête. L'atmosphère devenait pleine d'hostilité. 

J'eus une sueur froide dans le dos. Tout en ces lieux me disait de fuir. Et tout semblait me dire qu'il était déjà trop tard. Que les dés étaient jetés. Que ces vacances d'hiver ne seraient pas qu'une partie de plaisir mais une succession de malheurs. Je ne pouvais rester un instant de plus ici. Je voulais dévaler les montagnes, prendre un taxi et rentrer chez moi. Mais nous étions coincés sur ce pan de la vallée. Impuissantes. Une terreur me submergea. Il fallait qu'on rentre. Déterminée, et en essayant de ne pas laisser paraître ma peur, j'annonçais aux filles :

" Il faut qu'on parte. Le temps se fait menaçant. Et puis le télécabine ne va pas nous attendre indéfiniment!

-Mais je n'ai pas fini les soins de Maryn!, ronchonna Lise.

-La télécabine? Mais vous ne m'aviez pas dit qu'on devait encore prendre un transport en hauteur!, paniqua Maryn.

-Tu n'es qu'une froussarde de toute façon, marmonna Lise.

-Pardon? Je crois que..., commença Maryn énervée.

-Stop!, la coupai je à bout de patience, On rentre maintenant sinon on va rester coincées dans cette foutue montagne de merde ok? Je n'ai pas envie de rester une minute de plus dans cet endroit de malheur compris? Alors soit vous venez soit je vous laisse toutes seules à votre sort!"

Mes demi-sœurs me regardèrent comme une inconnue. Elles ne comprenaient ma perte de sang froid soudaine. Ce n'était pas dans mes habitudes. Sans poser d'autres questions sentant que le pétage de câbles était proche, elles me suivirent jusqu'aux télécabines.

Quelques personnes attendaient. Les machines marchaient à deux à l'heure et l'impatience se faisait sentir dans la file d'attente. De plus, il commençait à faire un froid polaire dehors! Maryn n'avait pas beaucoup de force et attendre debout lui faisait mal. Lise comprit bien vite la souffrance de sa sœur et partit rejoindre les mécaniciens pour leur demander de passer la vitesse au dessus s'ils ne voulaient pas que l'on se transforme en véritables statues de glace. Sa discussion dura quelques temps et lorsqu'elle revint, elle ne cessa de ronchonner que le mécanicien était un idiot et qu'elle n'avait pas pu le faire charger d'avis sur la vitesse à adopter! 

Au bout d'un moment qui nous parut une éternité, nous nous engouffrâmes dans une télécabine. Une douce chaleur imprégnait celle-ci. Dieu que cela faisait du bien d'être assis et au chaud! Il fallait maintenant attendre une heure avant de rejoindre le contre bas. Avec Lise, nous continuâmes de panser mes mains douloureuses et tentâmes de soigner Maryn qui était intenable à cause de sa peur du vide. Après avoir fini, je pris le thermos de chocolat chaud et en donnais une tasse à tout le monde. Il fallait bien détendre l'atmosphère! 

"Ah! Je crois qu'il n'y a que le chocolat pour me remonter le moral!, soupira Lise.

-J'aime même pas ça le chocolat et encore moins lorsque je suis suspendue dans le vide, grogna Maryn de mauvaise humeur.

-Allez les filles, ne me dites pas que vous avez encore la force d'entamer une dispute?, m'exclamai je exaspérée.

-Non pas ce soir! Un peu de répis pour une fois...Et puis je ne voudrais pas réveiller l'effrayante Tressie de tout à l'heure!, ironisa Lise.

-On aurait notre mère! Tu devrais faire ça plus souvent c'était divertissant!, ria Maryn. 

-Foutez vous bien de moi tant que je n'ai pas l'usage de mes mains pour vous fesser!, me moquai je."

Nous rîmes pendant un moment et nous en oubliâmes presque les soucis de l'après midi. Le brouillard se levait de nouveau et nous entrâmes dans cet amas hostile comme dans la gueule du loup. Nous ne vîmes plus rien autour de nouveau à part un fond uni blanc. Cela atténua la frayeur de Maryn qui ne voyait à présent plus le vide. 

Tout allait pour le mieux, au chaud dans notre cabine à rire et à faire des blagues quand tout à coup, la cabina s'arrêta brusquement et les lumières s'éteignirent. Brutalement, nous fûmes dans le noir et, le chauffage ne fonctionnant plus, la brise glaciale du dehors se fit ressentir. Une voix grésilla à travers les hauts parleurs et refroidit instantanément l'atmosphère :

"Bonsoir bonsoir. Voulez vous jouer à un petit jeu mes chers amis?Il est 20h. Notre partie finira à 6h du matin. Mais qu'allez vous faire pendant ce temps? Survivre. Chaque heure une télécabine tombera dans le vide.Passez une agréable nuit d'horreur mes tendres amis..."

Nous étions coincées à près de 800 m au dessus du vide, dans le brouillard, une nuit de tempête de neige avec un meurtrier qui allait nous tuer les uns après les autres...

Coupe gorgeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant