Chapitre n°8 : Imminente explosion

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La cacophonie du dehors grésillait dans mes oreilles. Tant de cris atroces, de désespoir exprimé à haute voix, d'hurlements échappés et de fracas de épouvantables dans la vallée meurtrière. Bien qu'il n'y ait qu'une cabine mortelle chaque heure, son dernier soupir assourdissant ne cessait de se répéter dans ma tête. J'eus beau mettre ma capuche, fredonner des chansons, plaquer mes mains sur mes oreilles : tout les bruits extérieurs m'assaillaient. Je m'étonnais de ne pas encore saigner de celles-ci. C'était insupportable. C'était le murmure de la mort qui nous hantait. 

Maryn, elle aussi se tortillait dans tout les sens. Elle se balançait, la tête enfoncée dans ses genoux. Elle  entrouvrit les paupières , nos regards se croisèrent. Elle avait les yeux injectés de rouges. Nous nous comprîmes immédiatement : nous ne pouvions pas être saine et sauve. Pas lorsque l'on sait que si l'on survit, on aura assister bêtement à la mort de plusieurs dizaines de personnes. Impuissantes. Nos échanges muets se prolongèrent. Il fallait faire quelque chose! Lise restait de marbre, une véritable statue de sel. 

Je me relevais lentement, me sortant de mon refuge hurlant. Mes articulations craquèrent douloureusement. Je regardais mes mains : la peau bleuissait sous mes ongles noircis. J'observais avec attention l'état de mes demies sœurs. Les veines du cou de Lise ressortaient et ses muscles semblaient se tendre à l'extrême. Le visage de Maryn était un véritable champs de bataille. Son nez éclaté devenait noir à une vitesse affolante. A ce rythme là, elle allait en perdre l'usage et la sensibilité. La réalité me percuta de pleins fouet : nous étions en train de geler sur place sans nous en rendre compte. A force de rester dans la cabine, nous nous étions habituées à la température de celle-ci mais il devait y faire presque moins 5 degrés, en étant très optimiste.

"Il faut qu'on se bouge les filles..., annonçais je en tremblant.

-Pourquoi? Je n'en vois pas l'utilité. On est saine et sauve, répondit Lise docilement.

-Tu ne t'en rend pas compte n'est ce pas? On est toute en train de figer. On va finir en glaçons avant la fin du jeu si on continue comme ça. 

-Je peux ...peux pas...pas bou-ouger, bégaya Maryn entre ses dents.

-Si, tu peux, l'encourageais je, Prend ma main, je vais t'aider. Lise, il faut aussi que tu te lève.

-Je n'en vois pas l'utilité.

-S'il te plait Lise...Commence pas ...

-Donne moi une bonne raison de me lever et peut être que je t'écouterais comme la dernière fois si bien que j'ai faillit mourir tu te rappelle?, rétorqua-t-elle avec froideur.

-Soit, ce que je t'ai demandé de faire toute à l'heure était très dangereux. Et tu as tout les droits de m'en vouloir ect...Mais! Si tu reste statique tu vas mourir sans t'en apercevoir dans une heure à peine. Et puis je ne sais pas si tu avais remarqué mais il y a des gens autour de nous qui meurent et ma conscience n'en peu plus!, lâchais je au bord des larmes."

Lise baissa les yeux. Elle soupira profondément et finit par se lever à ma grande surprise. Alors que nous piétinions sur place, collées les unes contre les autres pour se réchauffer, Lise demanda :

"Bon que propose tu encore pour sauver la mise aux autres?

-Je n'en ais aucune idée...

-Génial...

-Il faudrait bousiller tout le système électrique...enfin quelque chose de ce style là.

-Et tu compte crier à tu tête dehors "Suspendez vous dans le vide et grimpez, vous n'aurez plus qu'à couper le fil rouge et vous avez la vie sauve"? Pas sûr que ça fonctionne bien...

-Mais, attendez...lorsqu'il y a des coupures d'électricité et de câbles en hiver, parfois c'est bien parce que le système a gelé non?, demanda précipitamment Maryn.

-Oui...

-Eh bien, nous sommes sur un télécabine très vieux et rouillée avec peu de protection électrique. Et nous étions, il y a encore quelques minutes, en pleine tempête! De plus, Tressie tu nous a dit qu'on congelait sur place tellement il faisait froid...L'heure est passée et je n'ai entendu aucuns bruits. Alors si..

-Si le système électrique avait planté à cause du gel?, finit Lise.

-Exact."

Nous nous regardâmes septiques. Progressivement, nous nous retournâmes vers la vitre et tentâmes d'apercevoir les câbles au dessus de cabine devant nous. En effet, une épaisse couche luisante recouvrait le toit. Nous attendîmes. Pas une seule chute à l'horizon. Étrange...L'heure était passée depuis une demie heure! Nous nous détendîmes simultanément. Savoir que nous n'allions prendre aucun nouveau risque mais que personne d'autres ne serait en danger les prochaines heures. Nos consciences commençaient à s'alléger. 

Le ciel d'encre s'éclaircit par parcelle et le brouillard se fit plus transparent. Le jour était proche. La fin de ce cauchemar aussi. Nous l'espérions toutes. Mais personne ne criait haut et fort son enthousiasme. La dernière fois que nous l'avions fait, une cabine avait chuté devant nos yeux innocents. 

Un voile indéfinissable, à moitié nuit à moitié jour, apparaissait sur la paysage. Après le soleil sanguinaire du soir, le brouillard hostile de la tombée nocturne et la tempête déchaînée de minuit, l'ambiance de deuil et mystérieuse s'installait. Elle inspirait le calme mais elle cachait quelque chose. Quelque chose qui rimait avec "ce n'est pas encore finit". Ou alors avec "paranoïa" . Les cabines restantes apparurent les unes après les autres telles des épaves d'un naufrage. Beaucoup en manquait. Trop. Toutes étaient bien éloignées entre elles. Comme si elles formaient un beau dessin bien organisé et machiavélique. 

Il était 4h moins 5. Un grésillement se fit entendre. Puis il s'intensifia. Le bourdonnement du haut parleur emplit la pièce. La voix de l'assassin s'exprima :

"Bien bien. Vous voilà plus que trois. Trois sur dix! Vous êtes sur le podium. Bravo! Mais les privilégiés ont toujours le droit à quelques...disons changements de règles du jeu. Alors on va commencer à s'amuser mes amis...Votre récompense n'est pas une simple chute en enfer. J'ai alors posé plusieurs petites bombes dans votre cabine. Comme ça toute les heures, une cabine brûlera avec ses crimes avant d'entamer sa descente mortelle...Profitez bien de vos dernières heures..."

Nous n'étions plus dans des cabines suicidaires. Nous étions à présent dans de véritables mines explosives prêtes à se transformer en fours crématoires d'un instant à l'autre. Il pouvait encore se passer beaucoup de choses en deux heures...

Coupe gorgeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant