Un rayon de soleil traversa la vitre du taxi et me brûla le visage . Je me rendis compte que je m'étais assoupie pendant le long trajet qui devait me ramener à mon village natal. Le conducteur à côté de moi transpirait à grosse goutte. Il se servait très souvent d'une petite serviette pour éponger son front . Six passagers étaient entassés derrière . Je suffoquais . J'essayai de tourner la manivelle qui permettait de baisser la vitre mais il ne semblait pas fonctionner . Je me retournai vers le chauffeur qui me fit un signe de la tête qui voulait sûrement dire que le mécanisme ne fonctionnait plus .
Bientôt le taxi s'arrêta . Les passagers installés derrière descendirent les uns après les autres . Je suivis le mouvement et je me retrouvai au beau milieu d'une foule noire de monde . Les étalages s'étendaient à perte de vue . Les vendeuses interpellaient les clients dans tous les dialectes possibles . L'endroit sentait la sueur entre autres ,fruit du dur labeur . Je reconnus cette odeur . Elle me semblait si familière. On dit que l'enfant dans le ventre de la mère ressent directement les émotions et les situations autour de la mère. C'était sûrement mon cas. Je savais que je venais d'ici. Je savais que cet endroit avait été mon berceau.
Je me mis à marcher le long des étalages. Au bout de quelques pas, mon regard croisa celui d'une vieille femme. Elle était si vieille que toute sa dentition avait tiré révérence. Elle me sourit pourtant et me sembla si chaleureuse. C'était peut-être elle,me dis-je. Était-ce Attiémé la plus vieille femme de ce village comme m'avait raconté ma mère ?
Des yeux bien enfoncés dans leurs orbites accrochés à des cernes comparables à des montgolfières me regardèrent profondément. Je détournai le regard gênée et je resserai mon sac contre moi. Pendant ce temps, la vieille dame au teint de sable se rapprocha de moi. Elle m'agrippa le bras lorsqu'un jeune homme qui tirait un << pousse-pousse >> la heurta violemment. Je la soutint. Son regard pénétra le mien et il sembla si profond. Je vis mon visage dans son iris et j'y lut du désespoir. Un frisson traversa ma colonne vertébrale. Mais je ne détournai pas le regard. Je contemplais la beauté et la force du temps sur le visage de cette femme. Je me demandai quelle âge elle devait avoir. Si c'était la vieille Attiémé dont m'avait parlé ma mère, elle devait avoir bien plus d'une centaine d'années mais cette dame semblait si vivante et si gai qu'elle ne pouvait avoir plus d'un siècle. Il dut s'écouler à peine cinq petites secondes mais mon coeur,lui décompta bien plus d'une longue heure. La vieille dame se redressa et entreprit d'arranger le pagne qui lui servait d'unique vêtement. Elle l'ouvrit sans gêne sous mes yeux m'exposant son corps nu puis elle le noua bien fortement au dessus de sa poitrine. Quant elle eut finis, elle leva ses yeux vers moi et elle murmura mon prénom d'une voix si tendre qu'une goutte de larme m'échappa.
-Vous avez appelé mon nom? demandai-je
-Oui,il n'est pas encore venu ce jour là où je ne reconnaîtrai pas un enfant que j'ai moi-même mis au monde.
-Vous êtes Attiémé? déglutis-je difficilement la gorge nouéeElle hocha la tête en signe d'acquiescement. J'éclatai en sanglot et je la pris dans mes bras. Je la serrai si fort qu'elle me supplia de la lâcher. Je ressentais cette proximité que je n'avais plus jamais ressentie depuis la mort de ma mère. Enfin je pouvais me reposer sur quelqu'un. Enfin je savais d'où je venais et enfin je pouvais arrêter de souffrir.
-Ma petite; fit Attiémé en se dégageant. Bienvenue chez toi. Bienvenue sur la terre où tu es née. Viens que je te conduise chez ton père. Il sera heureux de te voir tu sais?Il vit ces derniers jours et...
-Non! Je refuse de le voir! lancai-je brusquement. S'il vous plait Attiémé,conduisez moi chez mon grand-père. Le père de ma mère;me sentis-je obligé de preciser.
-Ton grand-père vit à plusieurs kilomètres d'ici. Passe d'abord chez ton père et ensuite tu pourras te rendre chez ton grand-père. Viens ma petite!
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Cris de femmes
General FictionUne femme est mère, épouse et fille mais lorsqu'elle se retrouve abandonnée de tout ces côtés, la vie peut bien devenir un enfer. C'est le cas d'Inès. Dans l'incapacité de donner un fils à son époux,elle se retrouve à la rue avec un petit bébé dans...