INES-Partie I

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-L'enfant est né! L'enfant est né! cria Attiémé,la sage-femme du village comme à chaque naissance pour annoncer la nouvelle au village.

Les cheveux grisonnants et légèrement bossu,elle était vêtu de deux pagnes,l'un noué à la hanche et l'autre plus court noué à la poitrine. Elle tenait dans ses bras enveloppés dans plusieurs petits langes, le jeune nourrisson. Elle le secouait très violemment pendant que l'enfant gémissait de plus en plus fort.

-C'est quoi? demanda une femme fortement pansue.
-Tais toi Kissi! ordonna le vieille Attiémé en toisant la femme... C'est toi qui l'a enceinté? Va plutôt me chercher ton mari.

Kissi lorgna à son tour la vieille dame avant de se retirer et de revenir quelques minutes plus tard avec un vieil homme à la démarche chancelante. Il s'aidait d'une canne d'une main et s'accrochait légèrement à Kissi qui marchait très vite de l'autre main. Ils s'arrêtèrent tous les deux devant Attiémé qui tendit au vieil homme le bébé.

-C'est une fille!

Le vieil homme resta interdit. Il ne prit point le bébé que lui tendait Attiémé. À ses côtés Kissi éclata de rire. Elle manifesta très lentement un battement de mains en riant aux éclats.

-C'est comme cela que ce sera pour vous! Vieux pervers et vieille harpie. Si moi ta première femme, celle que ton coeur a choisi et qui t'a donné six enfants n'a pas pu te donner de garçon, personne sur cette terre ne le pourra Degla.

Le vieil homme se retourna et administra une gifle sonnante à sa femme. Celle ci prit par surprise émit un petit cri et tomba de tout son poids par terre mais aussitôt elle se releva et tapa à son tour son mari manquant de le faire tomber. Attiémé voyant la scène se mit à crier à l'aide. Plusieurs autres femmes accoururent des recoins de la maison interpellées par les cris de la vieille Attiémé.

-Que se passe t-il? demanda Thérèse l'une d'elles
-Je n'ai jamais vu cela de mémoire et cependant je vis sur ces terres depuis bien plus longtemps que vous ne pouvez l'imaginer mais aujourd'hui j'ai vu une femme lever la main sur son mari. Kissi vient de battre Degla.
-Oui vieille sorcière ! Je l'ai battu et alors ? Sorcière ! vociféra de plus belle Kissi... Mes sœurs, elle a accouché et c'est une fille. Je m'en suis réjouie, c'est là tout mon péché. Notre mari ici présent s'est jeté sur moi pour me battre. Je n'ai fait que me défendre.
-C'est pour ça que vous nous dérangez? fit Awa une autre des femmes. Nous on a à faire et est-ce la faute de Kissi si Degla est incapable d'engendrer un homme? Lui même n'en ai pas un debout.
-Attiémé tu m'entends ceci? s'offusqua Degla. Je vous ai toutes épousé. Je vous ai toutes sortit de vos villages. Je vous ai toutes épargné la honte et aujourd'hui regardez comme vous m'insultez. Vous n'avez pas honte et ceci pas du tout.
-Je... commença Attiémé lorsqu'elle fut brusquement interrompus par Mariam la troisième femme de Degla.
-Vieille sorcière toi tu ne sais rien! Quand Degla m'a ramené ici il m'a juré devant les oracles que j'allais être sa dernière femme. La seule à qui il accorderait de l'attention et de l'amour et ceci avant les deux premières et à vrai dire dans le temps je me serais contenter de ma place de troisième mais aujourd'hui il a épouse trois autres femmes en plus. Jamais il n'aura d'héritiers! Jamais!

Sur ce, elle tourna les talons et se retira suivis des autres femmes. Kissi fut la dernière à s'en aller après avoir mal regarder les deux vieillards qui étaient restés muets devant le comportement des femmes. Degla était un vieil homme fort attaché aux traditions. Son père n'avait eu que deux fils et son frère était mort en bas âge. Toute la descendance de la famille reposait donc sur Degla. Il n'en avait nul soucis avant son premier mariage. Il avait épousé Kissi car dans le temps c'était la plus belle jeune femme du village. Elle lui avait donné six enfants mais que des filles. Voyant le danger les anciens de la famille lui firent épouser une deuxième femme, Awa qui lui donna quatre filles. Et c'est alors qu'il rencontra Mariam dont il tomba sincèrement amoureux. Il l'épousa en espérant qu'elle lui donnerait ce fils que ces deux premières femmes ne purent lui donner. Il engendra cinq enfants avec Mariam mais aucun d'entre eux ne fut un garçon. Sous la pression des aînés une fois de plus,il épousa Thérèse la fille de l'un de ces amis qui n'arrivait pas à trouver un mari convenable. Elle lui fit deux filles. Il s'unit ensuite à Clotilde et en dernier lieu à Inès qui venait de lui donner son premier enfant, une fille. Degla était tout aussi désespéré que fatigué et le comportement de ses femmes n'arrangeait rien au ressentiment du vieil homme.

-Je vais rendre l'enfant à sa mère; lança Attiémé sortant Degla de ses pensées. Tu as épousé les pires femmes de ce monde.

Attiémé disparut ainsi dans un petite case avec le nourrisson laissant Degla ruminer.
Étendue sur une natte ensanglantée,la mère une femme âgée d'à peine une dix huitaine d'année se remettait de ses efforts. Le front en sueur il était très visible qu'elle était exténué mais elle percevait distinctement les cris des femmes au dehors. Elle savait que Degla serait déçu mais ses rivales fort heureuses de cette naissance. Pour elle par contre,un enfant demeurait un enfant qu'il soit une fille ou un petit garçon et de plus les oracles lui avaient prédit que sa mère qu'elle avait perdu toute petite serait bientôt de retour et en tenant sa fille dans ses bras, elle avait ressenti une sensation si forte qu'elle était sûr que l'esprit de sa mère résidait en sa petite fille.
Attiémé fit son entrée dans la case à ce moment là attirant l'attention de la jeune mère. Elle tenait le petit bébé dans ses bras et en le posant sur sa mère en gratifiant celle-ci d'un sourire tendre.

-Félicitation Inès ! Une petite fille...
-Merci Attiémé... Que se passait-il dehors? demanda Inès curieuse et inquiète.
-Oh rien! Tu connais ces femmes jalouses et vindicatives. Elle...
-Je sais qu'elles doivent se réjouir que je n'ai pu donner un petit homme à mon mari et mon mari aussi doit être si triste ; souffla la jeune mère.
-Ce n'est pas grave... Tu es si belle et si jeune et ce n'est que ton premier enfant.
-Peut-être mais mon mari est vieux et fatigué et ça lui a demandé tellement d'effort pour me donner cette petite fille que je crains que l'on ait pas d'autres enfants; répliqua Inès.
-Tu es si douce et si tendre et en plus je connais plusieurs recettes que tu pourras donner à ton mari lorsque tu voudras qu'il t'honore. Detends toi ma fille.

Inès elle n'arrivait pourtant pas à se calmer car son mariage était un arrangement. Elle n'avait rencontré son mari pour la première fois que la nuit des noces. Son père l'avait obligé à cette union en échange de quelques terres qui l'intéressait fortement. Il avait alors promit au vieux Degla qu'elle serait capable de lui donner un garçon mais maintenant que ce n'était pas le cas Inès s'inquiétait de la réaction de son mari mais aussi de celle de son père. Elle espérait avoir une autre chance de donner un petit garçon à son mari.

-Femme je t'en prie allaite la petite! Elle pleure!

D'un geste nonchalant, Inès libéra son sein gauche et le donna au bébé. Elle regrda alors sa fille qui tétait avidement et toutes ces pensées s'évaporèrent d'un coup. Pourquoi s'inquiéter alors qu'elle tenait ce magnifique petit être dans ses bras. Sa fille l'apaisait.

-Comment vas-tu appeler ta file? demanda Attiémé devant ce magnifique spectacle.
-Safi...chuchota Inès. Safi,comme ma mère.
-Ah ce n'est pas bien de donner le nom d'un mort à un enfant. Veux-tu que l'esprit de ta mère et l'esprit de cet enfant se battent? Pardon ne compromet pas l'avenir du bébé. Ta mère a déjà eu sa chance sur cette terre. Laisse ta fille aussi...
-Mais ma fille qu'est-ce que tu dis ainsi? dit Attiémé scandalisée. Cet enfant n'est pas ta mère. N'attire donc pas le regard des morts et la colère des dieux sur nous.
-Je sais ce que je dis et si...
-Tais toi inconsciente et irrespectueuse... Tu es pire que les autres femmes de ton mari. Où vous a t-i donc toutes ramassées mon Dieu? Je m'en vais d'ici.
-C'est ça vieille sorcière! Va manger d'autres viandes...
Attiémé sortit très en colère laissant Inès tout autant en colère. Elle ne s'attendait pas à ce que quelqu'un la contredise. Elle avait vécu sans sa mère et l'espoir de l'avoir à nouveau auprès d'elle, son âme tout du moins la remplissait de joie. Que cette vieille revêche d'Attiémé lui donne tort à elle et aux oracles, elle ne pouvait pas le permettre.

Cris de femmesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant