Mort dans l'âme

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Elle marchait, je m'en souviens encore, dans cette ruelle à peine éclairée, dont les dalles de pierre qui ornaient le sol, reflétait la lumière du clair de lune. Sa grâce n'avait d'égal que sa beauté. Sa longue chevelure brune sautait au rythme de ses mouvements. Sa veste de cuir grise semblait neuve. Elle lui arrivait jusqu'au niveau des cuisses, lesquelles étaient couverte par un jeans tout aussi noir que ses chaussures. Le maigre courant d'air peinait à l'atteindre, tandis que son pas était rapide. Était-elle pressée ?

Je la suivait, de loin.
Mon travail n'était, et n'est toujours pas des plus simple. Parfois, il pouvait m'arriver de ne pas y croire. Il me semblait ridicule de vouloir faire ça à son âge, alors que la vie lui avait offert beauté et intelligence… Mais qui étais-je donc pour juger quiconque ?

Les premières gouttes commencèrent alors à tomber. Je n'avais même pas remarqué que le ciel étoilé se faisait recouvrir de sombres nuages. Seule l'écho des talons de la femme me berçait. C'était elle aujourd'hui. C'était son tour, que je le veuille ou non d'ailleurs.
Mon travail m'interdisait d'aller à l'encontre de ses envies. Mais bon sang, comment être insensible devant la gravité d'une telle décision ?

Je ne voyais cette femme que de dos, mais savait qu'elle pleurait. Lorsque ses mains passait devant son visage, je l'imaginais bien essuyer ses larmes. Elle était forte, car sa démarche trahissait, pour quiconque était derrière, son réel état.

Une trentaine de mètre la séparait de chez elle. Si le charme de cette rue, à l'allure gothique, était bel et bien là, je ne pouvais me résoudre à m'en réjouir. Chaque pas la rapprochant un peu plus de sa fin.

Les questions étaient là et tournaient en boucle dans mon esprit : "Pourquoi ?" "Comment ?" "Ce qui l'a conduit à ça, pouvait-il vraiment justifier cet acte ?"

Si les réponses allaient m'être bientôt offerte, il restait très difficile, pour moi, de devoir les attendre.

Devant l'imposant bâtiment, c'est avec une agilité déconcertante qu'elle déverrouilla la porte pour s'enfoncer dans l'immeuble où elle résidait. Sans être moderne, il possédait un ascenseur en marche, une hygiène décente et des locataires respectueux des règles de vie en appartement. Au vu de l'heure, le lieu était comme figé. Le temps semblait s'être arrêté, de quoi offrir à la jeune femme, une envie de plus d'en finir vite.

Elle grimpa les marches rapidement. On pouvait entendre quelques gloussements par moment. Ses reniflements réguliers donnant à l'écho une touche encore plus sombre.

Il n'était plus qu'une question de minutes à présent.

Une fois devant son appartement, dont le numéro 17 était de travers, je sentais tout mon être s'emballer. Je ne voulais pas, mais je ne pouvais l'en empêcher. Je voulais l'interpeller, mais je savais que ça ne changerait rien.
Lorsque sa silhouette disparut dans les ténèbres de sa résidence, l'envie d'enfreindre toutes les lois pour la sauver était plus forte que tout. Pourquoi elle ? Pourquoi avait-elle un impact si fort sur moi ?

La porte se referma finalement, la traversant sans hésitation, je l'observais. Elle jeta son sac à main, sa veste, qu'elle piétina sans réfléchir et se posa sur son lit, pour fondre littéralement en larme. La femme forte qui se retenait dans la rue était bien loin.

Avant même que je ne le réalise, elle avait sortit de sa table de nuit, un sachet, plein de médicament et une bouteille, dont le liquide transparent laissait penser à de l'eau. Je savais que ce n'en était pas, mais mes émotions avaient prit le pas sur ma conscience.

Les pilules tombèrent au creux de sa main telle la pluie sur les dalles de pierre. Je refusais de la regarder dans les yeux, d'observer son visage d'ange, car je savais que je ne pourrais me retenir de la sauver. Mais c'est avec peine que je la voyais mettre sur le bout de sa langue, un, puis deux cachets, qu'elle avala sans mal avec ce que je craignais être de la vodka. Son mal-être était tel que l'alcool n'eut aucun effet, elle se contenta d'enchainer les drogues, deux par deux.
Chaque cliquetis de l'horloge murale la rapprochant un peu plus de sa fin.

La mort dans l'âmeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant