Elle ne dormit pas longtemps, et mal. Son regard se porta aussitôt dans la direction du frigo. Il l'observait toujours, mais cette fois, c'était un peu différent. Il semblait... triste. Oui, le frigo avait l'air malheureux, comme s'il avait pitié d'elle. Elle se mit à rire de cette idée stupide. Puis elle secoua sa graisse et alla voir si la dinde était cuite.
Ses colocs l'apostrophèrent :
"Bah alors ? Tu fais la sieste, maintenant ?
- Comment tu comptes faire pour ton surpoids ?
- Oh, c'était... Chuis crevée ce soir, et j'ai pas l'goût, t'sais...
- Eh ! Faut s'bouger ! c'est la vie, on peut pas faire c'qu'on veut ! T'as trouvé, une offre d'emploi ?
- Toutes refusées. Un je suis une femme, deux, même pas séduisante.
- Des fois, j'ai l'impression qu'tu l'fais exprès."
Azylis jeta le numéro de Elle sur la table et se dirigea avec Maud vers la table.
"On mange ? dit-elle.
- On mange, soupira Cassandre.
- Bien. Tu nous sers la dinde ?" demanda Maude.
Cassandre s'exécuta.
Azylis et Maude mangèrent en silence. Elles laissèrent une petite part à Cassandre. Elle n'y toucha pas d'abord, puis se rappela le risque de se faire de l'anorexie.
Ensuite, elles commencèrent les papillotes. Maude empêcha Cassandre d'en prendre une. Le silence était dérangeant. Elles auraient dû mettre un disque.
Puis vint le tour de la bûche.
Cassandre se leva et ouvrit la porte du frigo, sortit la bûche qui la toisait et l'apporta aux deux jeunes filles. Cette bûche infâme, cette bûche monstrueuse, mais cette bûche... normale.
Elle semblait comme désolée d'exister, cette pauvre friandise. Dans le fond, ce n'était qu'un bête gâteau parmi d'autres. Elle eut pitié, et se trouva aussitôt ridicule. Cette bûche n'était ni un animal, ni un humain ! Ce n'était qu'un objet, point barre. Elle repensa à son enfance, quand elle était juste un peu enrobée. Elle croyait que ses peluches étaient vivantes. Et sa mère était une catholique très mystique, elle était convaincue que les morts les surveillaient et les punissaient au moindre péché. Pas étonnant après ça d'avoir des idées pareilles...
Pourtant, elle ressemblait un peu aux gens, cette bûche. Là, il y avait le menton, ici, la "branche coupée" ressemblait à un pif, et ces deux nœuds faisaient penser à des yeux. Elle rit à cette idée. Ses deux colocs se partagèrent la bûche et gardèrent le reste pour les jours à venir. Elles en reprirent un peu. Cassandre eut droit à une demi-part, mais ne la mangea pas. Elle n'avait pas envie, et restait intriguée par cette obsession pour ce gâteau bizarre.
"Tu manges pas ?
- Pas envie.
- Allons bon !
- Bah laisse elle est trop grosse, ça lui fera du bien.
- Tiens, y reste une sardine au frigo, si tu la veux..."
Cassandre alla la chercher et la mâchonna, pensive, pendant que la soirée déclinait et que les ombres tombaient sur la ville, comme un voile sombre sur les hommes.
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ELLE VOUS SURVEILLE
Krótkie OpowiadaniaVous êtes-vous déjà demandé pourquoi on mange des bûches à Noël ? Et si les bûches nous surveillaient ? Et si, parfois, elles appliquaient leur justice ?