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C'était une autre époque, oh pas si lointaine mais différente.Il traînait son cadavre de bar en bagarre, en passant parfois par des plumards.Il avait déjà la haine en lui.Elle a bien grandi depuis, mais ce 'est pas le sujet. Il se haïssait, il haïssait les flics et l'ordre, et les ordres aussi d'ailleurs. Mais il avait des potes, des mecs qui avaient tous des airs de paumés , à qui on n'aurait pas confié son chien, et surtout on aurait vite changé de trottoir. Pourtant ces mecs, dans la grande majorité, étaient plus fiables que votre meilleur ami, votre grand frère ou je ne sais qui. Ce qu'il savait , c'est qu'ils seraient morts pour eux, pour lui! Malheureusement, des morts , il y en a eu beaucoup. De toutes les manières, meurtres au couteau, incendie criminel, suicide, accident en acide, overdose ou cirrhose . C'était donc une autre période , quand le soir tombait, leur vie prenait le contrôle de la ville. Même les flics n'osaient pas y aller sans protections démesurées. Il y avait un bar qu'il aimait bien, la patronne était la plupart du temps souriante, mais quand elle arrêtait de sourire, même les mecs les plus durs, qui vous auraient cassé un bras sans le savoir, même eux se taisaient. Bon, beaucoup par curiosité, mais aussi par respect, et un soupçon de peur d'en être la cible. Lui, il la considérait un peu comme sa seconde mère, bienveillante et rassurante lors de ses délires un peu trop prononcés , elle qui effaçait discrètement les traces de matières peu avouables, en lui lançant un regard mi furieux mi amusé, mais avec une tristesse au fond des yeux, de voir ce gosse déjà perdu. Il y aurait sans doute encore moyen de le sauver, mais il aurait fallu qu'il le veuille, et c'était tout sauf ça. Ce soir là, une bagarre était survenue dans le bar, leur bar, deux mecs avaient perdu à un jeu, trop bourrés pour être attentifs, et ils s'en prenaient au plus jeune, un gamin, qui avait eu le tort de passer trop près. Immédiatement, les mecs se sont levés d'un peu partout dans la salle, d'un même mouvement. Qui osait se permettre d'user de violence ici, où même seulement hausser le ton? Un cercle se forme autour du géant, quarantenaire, le double au moins de la plupart de la bande. Deux gars et la patronne avaient écarté le gosse. Il avait un doigt cassé, sale fracture ouverte, lorsqu'il lui a arraché le fric des mains, fric qu'il était venu changer pour son patron d'un autre bar.Son bras aussi était abîmé. Tout ça en trois secondes et encore. Ils attendaient tous le coup fatal, les plus balèzes étaient les plus proches de lui. Une voiture garée en face a ébloui d'un coup le bar de ses grands phares, il y avait un terre plain en face. Tout le monde fut aveuglé quelques secondes qui avaient suffi au grand mec de s'en sortir avec un souvenir sur le flanc gauche. Lui, avait vu cette scène de très près, écœuré qu'un adulte puisse s'en prendre à un gamin de dix ans à peine. Il fixait le dos du fuyard, qui s'engouffra dans la voiture, qui démarrait déjà en trombe. NON! Il ne pouvait pas s'en sortir comme ça, des mecs biens se faisaient démolir toutes les semaines pour un rien, et lui s'en sortiraient avec une simple coupure? Sa haine devient tangible alors qu'il sortait du bar et , sur le trottoir, regardait la voiture s'éloigner. Ça aussi, ça s'est passé très vite. Sa volonté de haine trouva son exutoire, et, repu, retourna s'asseoir près du bar, à côté du gosse que la patronne tentait de soigner parmi ses sanglots. Quelques secondes plus tard, un immense bruit résonna dans la nuit. "Putain, il s'est planté!" annonça double mètre. Les mecs courraient déjà pour régler le compte du mec. Mais pas lui, non, lui il restait là impassible, à regarder comme perdu dans un souvenir lointain, et à ressentir les dernières volutes de sa haine. Les types revenaient en courant , criant tous en même temps, la plupart de foutre le camp avant l'arrivée des flics, mais il savait déjà aussi le verdict. La voiture avait subitement fait une embardée, là où la route vire à gauche, elle avait tourné à droite et s'était mangé un mur plus épais qu'elle. Les deux mecs, sans ceintures bien sûr, à cette époque on la mettait rarement, et il faut leur reconnaître qu'ils n'y avaient sans doute pas eu le temps d'y penser, donc les deux mecs étaient à moitié dans la voiture et le reste sur le capot et contre le mur. Selon Bartie , c'était un carnage, ils étaient morts tous les deux. Ce fut le déclic, pour que tout le monde s'éclipse, ils paieraient demain, pas de souci c'était habituel ce genre de fuite. Il se proposa d'accompagner le gosse chez son patron, mais la patronne lui lança un drôle d'air, et lui dit "Non pars vite, ton regard va encore t'attirer leur hargne, je vais m'occuper de lui et fermer. Il sortit calmement, entendait déjà les sirènes approcher, et enfourcha sa XT, et les croisai en rentrant chez lui, tout en prenant conscience de ce qu'il avait fait. Il ne comprenait pas à quel point sa vie et celle de ses proches fut bouleversée.


La Haine??? ou bien ...Où les histoires vivent. Découvrez maintenant