Draconistes [TERMINE]

XI. Une rumeur

Aëna

Ainsi donc, le scribouilleur est perspicace ?  Je ne me serais jamais attendu à ça.  Je ne suis partie que trois semaines mais il semble qu'Asthar a un peu évolué. Depuis le ciel, avec Japnar, nous avons assistés au petit jeu d'Aldric et son dragon Balor, sous l'oeil amusé de Bun.

Pourquoi s'intéresser à Asthar ? Pourquoi Boggan, que Japnar m'a certifié qu'il refusait de bouger de son antre, se retrouve auprès de lui ? Plein de questions qui s'ajoutent à celles que ma mission m'a donné.

Je retrouve alors mon père Sandor à l'avant-garde afin de lui faire mon rapport.

Il est dans sa tente, en train de lire de longs textes en runes anciennes. C'est l'un de ses passe-temps les plus prenants, selon lui. D'une grande concentration, cela ne l'empêche pas de m'entendre arriver, malgré ma discrétion, et de me reconnaître sans même avoir  prononcé le moindre mot.

"Te voilà, Aëna. Vu le temps qu'il t'a fallu, j'en conclus que vous êtes tombé sur les Miasques. je me doutais que cela devrait arriver sous peu. Dis-moi, ont-il passé les Cols de Glace ?

- Non, Père, mais cela ne devrait tarder. Nous avons cherché un moyen de les retarder, mais Japnar et moi étions en danger à rester si près de ses créatures. 

- Vous avez bien fait de ne pas rester seuls. Nous verrons ce qu'aura décidé le Conseil quand on remontera au village. D'ailleurs..."

Cependant, je ne pouvais pas m'attendre au sens que notre conversation allait prendre. Après lui avoir fait part de l'approche des Miasques dans les côtes du Nord, je m'attendais à une réaction plus inquiète que cela, mais il a acquiescé d'un hochement de tête presque négligemment avant de prononcer la phase la plus choquante que j'ai jamais entendu de la part de mon père.

« Qu'est-ce que tu veux dire, Père ?

- Tu as bien entendu, Aëna. Le garçon doit monter au village au plus tôt.

- Hors de question ! Il n'est pas prêt ! Je devais avoir le dernier mot, le Conseil en avait convenu ainsi !

- Cesse donc de faire l'enfant. Tu vois bien qu'il est prêt. Il a fait les efforts sportifs que tu lui as demandé tous les jours. Certes, il n'a rien d'un guerrier, mais à force de courir, tu vas juste en faire un lapin ! Tu vois bien qu'il a des capacités. Même Boggan a porté son intérêt sur lui. Et tu sais que Boggan s'intéresse à bien peu de choses ces derniers siècles. »

Je me tais, mais la colère me submerge du plus profond de mon être. Le scribouilleur n'est pas un Draconiste. Il ne sera jamais un Draconiste, peu importe ce qu'on veut me faire croire ! Tout ça parce qu'un misérable Avorton de dragon reste à ses côtés et qu'il a su disperser une illusion du Dragon ? C'est une outrageante plaisanterie !

Je sors alors de la tente, car je ne veux pas manquer de respect à mon père. Cependant, c'est Japnar qui m'accueille à la sortie. Je le ressens dans ma chair, et je sais que quelque chose le pique. Il siffle alors.

« Aëna, nos pensées sont liés. Et même sous la colère, je ne tolère pas qu'on pense à mon frère avec aussi peu d'estime. Il est mon frère aîné, et même dans ta qualité d'Aînée, tu ne peux te permettre ce genre de réflexions à son encontre. »

Instantanément, ma colère retombe et je me sens honteuse. Mon dragon-lié avait raison. Je ne peux pas me permettre de penser ainsi. Boggan est un dragon très respecté, et cela fait des années maintenant qu'il recherche le but à ce qu'il est. Mais je refuse de croire que le scribouilleur peut être la réponse. Je baisse quand même la tête face à Japnar, qui souffle.

« Etre impétueuse n'est pas toujours ta meilleure qualité, Aëna. Il faut comprendre que les enjeux sont plus grands que ce que tu perçois.

- Mais quelles conséquences cela aura-t-il sur notre peuple ? Un étranger qui vient parmi nous...

- C'est l'origine même des Draconistes, ma sœur-liée. Des hommes et des femmes de différentes cultures, venant de partout, qui décidèrent de partir à la rencontre des dragons. Des gens plus courageux que nuls autres, qui affrontèrent tous les dangers, toutes les émotions, et toutes les pertes, pour arriver à ce que vous êtes devenus : des êtres liés aux Dragons. Depuis ce temps, il est temps de mélanger un peu le sang en-dehors des autres tribus Draconistes.

- Le sang est bon en nous, Japnar. Nous n'avons besoin de personne pour qu'il le reste.

- Par les Grands Ancêtres, comment peut-il exister une femme aussi têtue ! Tu n'es plus une enfant, Aëna. Asthar est un érudit parmi les siens, et il a un esprit jeune et vif, et des capacités prometteuses. Ne le condamne pas d'être né ailleurs que sur nos cimes. »

Un vent du désaccord tempêtait en moi. Je détestais cette idée, mais malheureusement, Japnar avait raison. Je devrais me plier à ce que veut mon peuple, et ce que recommande mon frère lié. Accepter la présence d'Asthar de Minthe. 

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