-Tu leur a fait un doigt d'honneur ? Sérieusement ?
Olivier se balançait sur son siège, hilare, les joues empourprées et ses lunettes rondes posées de travers sur son nez.
-Je vois pas en quoi c'est si drôle, ils ont quand même cru que j'étais un garçon !
-Ha oui parce que ça c'est la pire des insultes !
-Tu sais très bien ce que je veux dire, répondis-je en souriant. Olivier me dévisagea avec insistance, les sourcils froncés pendant quelques instants avant de s'exclamer :
-En fait je les comprends ces gardes, c'est difficile de te différencier d'un garçon !
Je levai la main afin de lui infliger une claque cinglante mais il appuya sur le bouton situé à côté de lui et se volatilisa sous mes yeux en riant.
-Olivier on a du matériel de merde, l'effaceur va se dissiper d'ici trente secondes et je vais te trouver.
Sa chaise grinça légèrement et un « putain de merde » retentit quand la table trembla. Il arrivait toujours à se cogner dedans. La porte du petit frigo situé à deux mètres s'ouvrit et deux sandwichs en sortirent, comme dotés d'une volonté propre. J'entendis un ricanement tandis que le premier sandwich commença à disparaître. L'effet se dissipa lentement et une main apparut autour du sandwich, puis tout le corps d'Olivier commença à se dessiner. Il s'exclama, la bouche pleine :
-Che chais pas comment tu faich pour que tes sandwichs soient touchours meilleurs que les miens !
Je me jetai sur lui et lui arrachai ma nourriture des mains avant de le pousser rageusement sur le petit canapé bordeaux, que j'avais toujours trouvé hideux mais dont Olivier refusait de se séparer, installé derrière.
-Tu pouvais tout faire, tout prendre, mais on avait dit pas la bouffe !
-Toi t'es vraiment agréable comme une porte de prison.
Olivier se releva en soupirant avec toute la rapidité que lui permettait sa jambe.
-Faut vraiment qu'on t'en trouve une nouvelle, tu pourrais pas m'envoyer voler une prothèse au lieu de me faire risquer ma vie pour des écouteurs ?
-Des écumeurs...
-On s'en fout Oli ! Et d'ailleurs, ils vont te servir à quoi ?
Heureux que je m'intéresse enfin à son projet, il aborda un sourire énigmatique et pris son temps avant de répondre.
-Ho, ça ? C'est pour un coup bien plus gros, si tu en savais plus, il faudrait que je te tue.
Je restai dubitative, les bras ballants, tandis qu'il soutenait mon regard avec un air de défi. Nous restâmes ainsi une dizaine de secondes quand ses lunettes, posées en équilibre instable, tombèrent sur le bout de son nez, décrédibilisant en un instant le personnage qu'il essayait d'incarner. Nous explosâmes simultanément de rire, Olivier s'assit sur le sol, essayant vainement de se calmer tandis que je cherchai à reprendre mon souffle entre deux rires. Des larmes embuaient ma vue et je m'assis également pour ne me cogner à aucun meuble présent dans la camionnette. Je m'arrêtai enfin de rire avant de croiser à nouveau son regard, ses lunettes s'étaient embuées et ses yeux bruns paraissaient horriblement disproportionnés par rapport à son visage. J'essayai de rester sérieuse, voyant qu'il comptait sur moi pour arrêter enfin de rire. Mes joues se gonflèrent et je scellai ma bouche . Un silence s'installa et Olivier me fixait dans le blanc des yeux au moment où un filet d'air passa sans autorisation la barrière de mes lèvres. Nous nous écroulâmes à nouveau sur le sol, comme pris de convulsions. De longues minutes plus tard, étant enfin redevenu calme, Olivier essuya d'un revers de main la larme qui coulait sur sa joue et passa une main dans ses cheveux pales, cherchant un nouveau sujet de conversation.
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Faceless
Science Fiction"La Cause est tellement plus grande que toi" L'Histoire est finie, la Lutte commence. Tout a déjà été écrit. Les gentils ont échoué, la révolution s'effondre d'elle même et le Héros meurt à la fin. On ouvre les yeux et on se rend compte qu'il n'en a...