Chapitre 2 : Le jour et la nuit.

104 7 54
                                    

- Tu saignes du nez parce que tu as vu quelque chose qui te plaisait sous ma robe, pas vrai ?!

La jeune fille recula au moment où je me relevai.

- Je saigne du nez surtout parce que tu m'as envoyé ton pied en plein dedans. Personne ne saigne du nez après avoir vu des sous-vêtements..?

- C'est ça.. Ne me mens pas.

Elle croisa les bras en se donnant un air supérieur, bien qu'au vu de sa taille et de son âge, très différents de moi, elle perdait toute crédibilité. Un an et quinze centimètres, voilà ce qui nous départageait.

Habitué de son caractère quelque peu spécial, je ne fus pas surpris, et m'attardais plus sur mon nez dont le sang ne cessait de couler. June soupira et m'entraîna à l'intérieur en me tenant fermement par le poignet, mais sans trop faire mal. Traversant un long couloir en sa compagnie, je prenais un instant pour saluer les domestiques présents, comme à mon habitude. Ils semblaient éprouver de la sympathie envers moi, probablement parce que je supportais autant qu'eux les sauts d'humeur de la légataire des lieux, et ce, sans jamais me plaindre. Je prenais des coups plus violents chez moi, et sa manière de faire était quelque peu attachante, contrairement à l'impression qu'elle voulait donner d'elle.

June... Pur produit de la "Noblesse Millénaire". Quatorze ans, et un futur déjà tout tracé. Elle hériterait de la fortune vieille comme le monde dont ses parents avaient eux-même hérités, et se marierait avec un autre "noble", afin de garder intact le pédigrée si précieux de la famille Aylmer, preuve de leur appartenance à cette noblesse en déclin. En déclin, car, bien qu'on y retrouvait les six familles les plus vieilles, d'où le nom de "Millénaires", mais également ayant été les plus puissantes de ce monde à un certain moment de son existence, seules ces six familles méritaient encore leurs titres de noblesse et restaient importantes.

Bien que très riche, la famille de June ne possédait pas d'empire économique, et ne faisait qu'entretenir leur butin. A vrai dire, seules deux de ces branches étaient connues pour leurs influences sur l'économie. Mon père était le monarque d'un de ces empires. Aurait-ce été scandaleux de me présenter comme son fils illégitime ? Probablement. De toute manière, cela ne risquait pas d'arriver. Je ne voulais pas devenir l'héritier de cette famille. Cela réjouirait ma mère. J'aurais trop de responsabilités. Je ne supportais pas la célébrité et n'étais pas assez intelligent pour faire des investissements concrets. Je ne souhaitais ni rencontrer mon père, ni les grands de ce monde ou les patrons d'entreprise jouant l'hypocrisie pour un bout de papier. Je ne plairais pas certainement pas. À quoi bon gâcher ce que nos ancêtres entretenaient depuis des années. Je n'aimais rien, même pas la douceur de l'égoïsme, alors oui, à quoi bon. Ce monde, les gens y vivant, la société, la noblesse, tout était pourri jusqu'à la moelle, et moi, je ne faisais pas exception.

« Je ne suis encore ici que pour Aliénor. »

Je réfléchissais trop, pour le moment, il me fallait juste appuyer sur le mouchoir que June m'avait donné, afin d'arrêter l'hémorragie nasale à laquelle j'étais confronté. Au bout de quelques instants, je pus arrêter.

- Ça ne saigne plus.

- Tant mieux ! répondit June, Il ne faudrait pas que tu meures tout de suite quand même.

- Ce serait de ta faute.

- Oui oui, je sais, pardon.

Elle me répondit cela d'un ton las, et se remit à m'entraîner dans les couloirs de sa demeure. Je ne m'enthousiasmais pas, il n'y avait pas de raison de le faire, et cela ne faisait pas partie de mes habitudes. Mais cette manière d'être semblait la déranger tout le temps, pour une quelconque raison.

Rusted TwinsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant