Chapitre 1

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<<Cerise, raconte moi une histoire s'il te plaît ?>> me disait ma petite sœur, son corps enfoui dans sa couette.


Je secouai la tête. J'étais fatiguée, moi aussi. Et puis, j'avais d'autres choses à faire. Voyant que je commençais à me lever pour lui embrasser le front, ce qui chez moi veut dire bonne nuit, elle persista.


<<S'il te plaît, une pas longue !>>


Je cédais devant son visage qui m'implorait.


<<D'accord, mais très courte alors.>>


Elle hocha la tête et sourit. Je pris la chaise de son bureau, je la déplaça à ses côtés, et, sans le savoir me plongea dans une histoire sans dessus dessous.

<<Il était une fois, une jolie fille avec des yeux d'un gris pur, qui mettait en valeur sa magnifique chevelure rouge. Un jour, alors, qu'elle se rendait à la place du village, elle tomba nez à nez devant un miroir magnifique, ornée de roses de la couleur de ses cheveux, et une glace sans aucunes traces. Elle s'approcha, et pût lire en lettre d'or "Ametsuke". Ne comprenant pas ce que cela signifiait, elle mit son doigt sur les lettres, et les prononça une par une. Elle reçut alors un frisson qui partait du bas de son dos pour rejoindre son cuir chevelu. Puis...>>



Je m'arrêta un instant, voyant que les yeux d'Améthyste, ma sœur, étaient clos. Je me leva alors à pas de loup de ma chaise et sortit de sa chambre en veillant à éteindre la lumière. Je songea ensuite à mon histoire, qui me paraissait complètement hors du commun. J'allais vraiment loin quand je faisais appel à mon imagination. Je traversa le couloir et tourna à droite tout au bout, pour rejoindre ma chambre. Je saisis mon téléphone, dans le but d'y voir si j'avais un message ou une notification, mais rien. Je le posa sur ma table de chevet, en le mettant en mode avion, puis ouvrit mon tiroir et m'empara de mon kigurumi licorne qui me servait de pyjama. J'y tenais beaucoup car c'était un cadeau de ma grand-mère décédée, et car il me tenait bien chaud. Je me sentais en sécurité dans cette tenue extravagante. Je me jeta sur mon lit. La lumière était déjà éteinte. Oui, je vois assez bien dans le noir, pas pratique pour dormir. Je remonta la couette et m'endormit.

En sursaut, je me réveilla. Chaque nuit, je revivais un moment de mon passé, comme des flash-back si vous voulez. Je me rappelait très bien de cette histoire, maintenant, oh que oui.

Après m'être préparée, je suis sortie, me rendant dans un café. J'adorais prendre mon petit-déjeuner là-bas, avec vue sur la mer. Disons que c'était assez agréable, effectivement. Je m'installa à une table pour deux, mais qui n'était comblée que par une personne qui n'était autre que moi. Je faisait frémir mes doigts contre la table pour patienter. Je vis alors un serveur, d'environ dix huit ans, s'approcher vers moi. Il devait faire un mètre quatre vingt cinq, petite barbe de trois jours, yeux bruns, cheveux bruns. Ouais, pas mal.

<<Vous avez fait votre choix ?>> me demanda-t-il.

En fait, non, mais je prenais toujours la même chose. C'était un automatisme de présenter ma commande aux serveurs.

<<Je vais prendre un café et un croissant s'il vous plaît.>> déclarais-je.

<<Nature le croissant ?>> précisa-t-il.

Je murmura un oui à peine audible. Le serveur me tourna le dos et s'engouffra à l'intérieur du café. Je prenais un grand plaisir à regarder la mer et les vagues silencieuses se former. Un vrai rituel du matin. Je ne mis pas longtemps à revoir le grand brun qui revint vers moi.

<<Et voici pour vous mademoiselle.>> dit-il, me tendant une assiette, une tasse et l'addition.

<<Merci.>>

Comme d'habitude, ça me faisait un total de deux euros quatre vingt. Je sirotais mon café tranquillement. Je faisais ça tous les jours, tous les matins. C'était devenu une routine, et je ne pouvais en sortir. De toute façon, je ne pouvais sortir de ma vie, ou de ma mort.

Comment réagiriez-vous si je vous disais que je ne peux pas ressentir de sentiments ? Vous ne me croiriez pas, évidemment. Tant pis pour vous, de toute façon. Je peux avoir des émotions, mais pas de sentiments. Je n'ai pas un cœur de pierre, mais depuis un jour, je ne ressens plus rien. Je n'éprouve pas d'amour, d'amitié, de haine, tous les sentiments que vous voulez envers des personnes. Je n'ai plus de famille, de toute façon. Ils sont tous décédés d'un accident de voiture. Je n'ai pas une amitié qui pourrait m'unir avec quelqu'un. Et ne me parlez pas d'amour. Je peux trouver un homme beau, gentil, toutes les qualités pour tomber raide dingue de lui, je ne ressentirais rien. Étrange, n'est-ce pas ? J'ai aimé quelqu'un une fois dans ma vie. J'étais folle de lui, jusqu'à mourir pour lui. Puis, lui aussi, il m'a quitté. Tous, m'ont quittés. Je suis maintenant si seule, si perdue. Mais je persiste. De toute façon, je suis obligée.

Tranquillement assise sur mon banc, à écouter de la musique, je n'avais pas remarqué que quelqu'un m'interpellait:

<<... pas la fille du café ?>>

Je compris en une seule seconde la phrase qu'il voulait dire. C'était le serveur du café. Je l'ai reconnu.

<<Oh, si, euh, excusez-moi, j'écoutais de la musique.>> lui répondis-je.

Il eut un sourire qui se moquait un peu de moi. Mais son sourire était ravageur, je suis sûre que toutes les filles étaient à ses pieds.

<<Moi c'est Noah, et vous ?>>

<<Cerise.>>

J'étais assez froide avec lui. J'avais mes raisons: je ne parle pas aux gens que je connais à peine et qui m'aborde comme ça.

<<Drôle de nom, même assez ... étrange.>> déclara-t-il.

Il croit vraiment que s'appeler Cerise est aussi facile que ça ?

<< Et celle là, elle est drôle aussi ?>> dis-je en levant ma main près de sa joue.

Je détecta un air de surprise sur son visage.

<<Je disais ça pour rire.>> m'informa-t-il.

Peut-être, mais toute remarque sur mon prénom ne me fait absolument pas rire. De plus, je ne le connais pratiquement pas et il s'autorise ce genre de commentaire.

<<Hé bah écoute, ton humour ne fonctionne pas chez moi. Salut.>> répliquais-je sèchement.

Et je me leva. Allez, un point pour Cerise. Je ne vous cache pas, j'aime énormément me mettre dans des situations de ce genre. Je ne laisse personne pouvoir éprouver un sentiment à mon égard. Même de la haine. Moi-même ne peut rien ressentir. Je ne veux faire de mal à personne. Car je sais ce que ça fait, j'ai déjà assez souffert comme ça.

RougeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant