« Le même sang coule dans chaque main. »
Les nuits de Noam sont troublées, son corps le fait souffrir, persuadé de pourrir de l'intérieur. Et il se demande comment les autres gars font pour continuer à vivre comme si de rien n'était. Noam lui, ça le ronge, ça le serre, ça le mord, ça lui fait comme un poignard qu'on enfonce, qu'on enlève, encore et encore. Il pense parfois à mettre fin à cette souffrance. Mais sa mère, sa mère qu'il aime, avec qui il pourrait danser même dans les plus sombres ténèbres, il ne pourrait jamais la laisser. Pas comme son père l'a fait. Il voit son reflet dans le miroir, et l'envie de vomir lui noua la gorge. Aussi une larme ne cessait de lui chatouiller le coin de l'œil, alors il mit sa tête entre ses mains, son crâne était chaud, brûlant. Dans son esprit tout est enflé, comme si jamais rien n'allait cicatriser. Et son téléphone vibra. Encore cette fille. Cette fille qui l'a laissé pour un autre, un gars heureux et normal. Un gars qui a des parents aimant, qui fait de bonnes études, qui ne fume pas, qui ne boit pas, un gars qui fait des blagues drôles, qui ne fait jamais d'erreur, un gars à côté de qui Noam était persuadé d'être une énorme tâche. Mais cette fille, volatile et puérile, qui est bourrée de charme et souvent bourrée tout court, cette fille qui ne sait pas vraiment qui elle est, qui est paumée comme l'est Noam, c'est cette fille qui lui tend le poignard et qui l'enfonce. Il ne décroche pas, puis quelques secondes après, on sonna à la porte. Et celle-ci s'ouvrit brutalement en laissant entrer une grande et filiforme blonde aux racines sombres avec des yeux de félins en quête d'une proie.
« _Qu'est-ce que tu fous ? Depuis plus d'une semaine j'essaie de t'appeler ? Pourquoi tu ne réponds pas ? »
Noam évitait son regard comme on évite de regarder le soleil. Cela pouvait nous faire mal. Beaucoup trop mal. Elle reprit :
« _J'ai apporté tes clopes favorites. On fume, on se plaint de nos vies de merde, on boit, tu me racontes tes histoires avec ta mère qu'en n'a rien à foutre de ton existence, on écoute de l'électro, moi je te dis ce que je compte faire de mon foutu avenir, puis on finit par baiser, toute la nuit, comme avant. »
Elle portait un de ces collants effilés sous un short en jeans déchiré, on pouvait voir un de ces tatouages, l'un était identique à celui présent sur l'épaule de Noam. Il fixait le sol, il s'était promis de ne rien consommer, de sortir de ce satané tourbillon. Mais elle, elle le regardait en se mordant un peu la lèvre, et puis ils savaient tous les deux qu'ils étaient seuls. Il n'y avait aucun sentiment. Juste une solitude un peu comblée. Mais Noam est fort. Il lui répondit :
« _J'touche plus à cette merde. »
La blonde éclata de rire. Et lui, ses veines s'enflammèrent. Il reprit :
« _Charlie, casse-toi. Pars s'il te plait. J'ai pas envie de replonger. Je veux m'en sortir, moi. »
Charlie s'avança vers lui, posant ses mains autour de la mâchoire contractée de Noam.
« _On ne s'en sortira jamais. On est des merdeux, c'est comme ça. Laisse-toi aller avec moi, qu'on fasse l'amour à la souffrance, à la putain de société dans laquelle on vit, tu t'en sortiras jamais Noam, t'es comme moi, une bonne grosse merde. »
Une larme coula sur la joue du jeune homme. Et comme à chaque fois, il écoutait Charlie. Il l'a regardé prendre le poignard déjà rouge de sang, et elle le plantait dans son cœur, dans son ventre, dans ses poignets, dans ses jambes, dans son entre-jambe. Une bonne grosse merde, c'est ce qu'il était, se dit-il. Charlie lui ria au nez de son rire de gentille garce, et il l'embrassa sauvagement pour la faire taire. Il la serra contre lui, fort, beaucoup trop fort, il voulait lui faire mal, il l'a détesté. Elle était encore pire que l'alcool et les cigarettes, Charlie lui donnait envie de se tuer, de la tuer.