Le lendemain, la ville s'était réveillée avec la gueule de bois. Les magnifiques navires de la marine planétaire avaient disparu, laissant place aux bateaux appartenant à la famille comtale. Dans les rues sales, au milieu des habitations de pierre couleur havane, déambulaient des habitants encore alcoolisés ou en manque de sommeil. Beaucoup avaient pris congé de la journée pour se reposer après cette période de festivité, tandis que d'autres travaillaient. C'était le cas de la banque C3H, située dans un bâtiment de marbre luxueux. Quelques clients étaient passés pour retirer des liquidités ou déposer quelques objets précieux. Un autre, d'apparence humaine et au fort embonpoint, avait déposé plusieurs valises, escorté par trois hommes très musclés. Bref, le travail, peu intense, s'était néanmoins poursuivit. Vers 18h, alors que la banque ne comptait aucun client, Jamie s'octroya une petite pause. Il se délaissa sur son fauteuil de bureau et se rappela au bon souvenir du spectacle de la veille. Mais la vue des navires au large l'avait quelque peu perturbé. Il savait que certains feux d'artifices pouvaient provoquer une sorte de flash rétinien, mais les embarcations semblaient si réelles et si lugubres qu'un frisson lui traversa l'esprit. Quelqu'un frappa à la porte. Jamie autorisa l'individu à entrer. L'un des conseillers fit son apparition. Il s'agissait de Pascal, un humain, de grande taille, mais affreusement maigre. Jamie ne le considérait pas comme un ami et le trouvait même jaloux, car il aspirait à prendre, un jour, la place de sous-directeur de l'agence bancaire C3H de Trich-Bane. Mais il voyait en lui un excellent collaborateur, toujours ambitieux pour l'entreprise. Pascal rangea ses lunettes de son index et dit :
- Nous n'avons plus de rendez-vous pour aujourd'hui, Jamie.
- Très bien, grande tige. Il nous reste encore une petite heure à tirer, puis nous fermerons le rideau.
- Entendu, mais arrête de m'appeler ainsi ! Au fait, as-tu assisté au feu d'artifice d'hier ?
- Oui, il était dantesque. Les artificiers ont réalisé un énorme boulot.
- Et ce final, avec ces navires...Magnifique ! J'ai la vague impression qu'ils ont voulu reproduire les navires de la marine planétaire. Je trouve que ça été plutôt réussi. J'ai même reconnu le « Tombé les voiles ».
- Ah ? dit Jamie. Je sors fumer. Tu m'accompagnes, grande tige ?
En entendant ce surnom, Pascal grommela, mais accepta. L'elfe prit son chapeau feutré et son queue-de-pie. Alors qu'ils se dirigeaient vers la sortie, une détonation résonna, suivi de cris. Une autre explosion se fit entendre, puis encore une autre. Jamie fixa d'un air grave Pascal et les deux comprirent. Au moment où ils allaient réagir, le vigile de la banque pénétra en trombe dans les lieux et hurla :
- Des pirates ! Des pirates nous bombardent !
- Calme-toi, l'armoire à glace ! dit Jamie. Ils devraient être aisément repoussés. Même si la flotte de la Marine Planétaire a quitté les lieux, les vaisseaux de l'armée comtale stationnent toujours au port et puis, vous oubliez les avions dirigeables.
- De plus, s'il ne s'agit que de deux ou trois bateaux, comme la dernière fois, l'affaire sera réglée d'ici quelques heures.
- Ce ne sont pas deux ou trois bateaux qui nous attaquent, mais une armada d'une dizaine de navires...
Une autre déflagration déchira l'atmosphère très pesante. Jamie se précipita dehors et constata l'anarchie qui régnait. Les habitants courraient se réfugier dans les maisons, ou vers les hauteurs. Les toits en brique furent soufflés par des rayons lumineux qui provenaient de la baie du Vieux-Port, cette baie d'où brûlaient déjà plusieurs navires de l'armée comtale. Les soldats se précipitaient vers le lieu du chaos et se déployèrent sur les quais. D'autres avaient déjà mis à flots les navires, dont les voiles peinaient à prendre le vent pour tenter de barrer l'armada qui se dirigeait d'un air menaçant vers la ville. Ils étaient très bien organisés : trois grands navires ouvraient la voie, tandis que cinq voiliers, bien répartis entre l'ouest, le sud et le nord de la baie, canardaient des zones stratégiques. Les flammes dévoraient les deux casernes, tandis que l'entrepôt où étaient stockées munitions et armes subissaient les attaques de personnages se déplaçant sur des flybûsts. Ces planches volantes, parfois armés, crachaient des balles et de l'énergie plasma. Leurs pilotes étaient toutes des femmes, ce qui étonna grandement Jamie. Jamais il n'avait croisé des femmes pirates, malgré les quelques histoires concernant une flibustière possédant à elle-seule cinq vaisseaux de ligne. Le danger se rapprochant inexorablement au rythme des hurlements et des cris d'agonie. Jamie et son collègue barricadèrent l'entrée et s'en éloignèrent. Ils trouvèrent refuge derrière l'un des comptoirs de la banque et pouvaient observer l'entrée. Le vigile se planqua sous un bureau. Une ombre s'approcha, puis, deux, puis trois et encore d'autres. Elles essayèrent d'ouvrir la porte et forcèrent vigoureusement. Tout s'arrêta pendant trois secondes, puis une violente explosion détruisit tout. Dix femmes pénétrèrent en trombe dans l'établissement. Cinq humaines, trois elfes et deux numales lionnes. Armées de sabres d'abordages et de pistolets fumant, elles observaient les environs de la banque à la recherche d'une âme qui vive.
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Tombé les voiles
AventuraVoici une nouvelle que je devais écrire pour un concours dont le thème était intitulé "Tombé les voiles". N'ayant pu envoyer le manuscrit à temps ni même l'achever, j'ai décider de le publier ici, ce qui me donnera l'occasion de le terminer. Cette h...