SYLINTHIA - Un royaume de douleur et de larmes

⎜Inévitable.

Elle savait qu'elle n'allait pas survivre.

La mort ne viendra peut être pas la chercher ce soir, mais elle viendra certainement demain, ou la nuit d'après. Elle ne pouvait guère lui échapper.

Elle était stupide de croire en l'espace d'une seconde qu'elle était capable de sortir indemne de La forêt Saleos. Depuis des décennies, de braves hommes étaient envoyés dans ces bois pour combattre ses sombres âmes, mais rares étaient ceux qui en ressortaient vivants. Encore, ces derniers revenaient toujours avec un bras ou une jambe en moins. Alors qui était-elle pour se donner cet espoir ridicule ? Elle, une Enchanteresse invalide dont même le royaume d'Edéa avait bannie de ses terres. Ces maudits Enchanteurs l'avaient aussi privé de ses plus précieuses armes forgées d'acier D'Asghar. Le goût d'amertume qu'elle avait ressenti à ce moment-là était toujours sur sa langue. Quand bien même sa poitrine s'est elle compressée pour chaque dague retirée, pour le fracas de chaque fer qui avait heurté le sol. Ces armes étaient comme ses bijoux ! Les quitter fut un vrai supplice. Si seulement on lui avait laissé Amara son épée tant estimée, elle lui aurait certainement épargné un jour ou deux dans ces bois. Maintenant, avec son escarcelle menue d'une mesquine gourde d'eau, et les insignifiantes lames qu'elle avait pu sauver en dissimulant dans ses bottes, sa chance de tenir jusqu'au prochain crépuscule était très mince.

Elle mourra surement demain.

Repoussant le soupçon d'effroi qui tentait de l'envahir, elle prit une profonde inspiration puis savoura, l'espace de quelques secondes, la fraicheur de l'air inondant son être. Elle glissa ensuite, une main dans son bustier pour déloger le collier qu'elle avait si bien veillé à cacher. Un coup vif et sec lui permit de disjoindre le minuscule pendentif en forme de flacon. En le logeant dans sa paume, la jeune fille fut surprise d'observer que le verre n'avait point perdu de sa chaleur. Il était pour vrai dire, aussi chaud qu'il l'était au moment où sa mère le lui avait présenté. « Pourvu qu'il ait aussi gardé son efficacité ! » se dit-elle. Le coinçant entre son pouce et son index, elle le secoua doucement. Aussitôt, des étincelles d'un bleu pâle se mirent à danser au fond du flacon, puis s'évanouirent, emplissant le récipient d'un liquide de leurs couleur. L'élixir était translucide, et bien en dépit de l'obscurité, flamboyait d'une lumière vacillante. La jeune fille le contempla un moment avant de le déboucher et boire son contenu d'un trait. Elle sentait encore l'ultime goutte d'amertume se répandre le long de son palais, tandis que son regard se perdait dans un ciel parsemé d'étoiles luisantes.