Aux prémisses d'une existence

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Derrière la porte de bois érodée par l'écho mourant des tempêtes qui, de tout temps s'écorchèrent contre les murs branlants de la maisonnette, trois enfants patientaient. La nuit léchait leurs joues moites qu'ils réchauffaient misérablement à la chaleur vacillante d'une flamme trop maigre, chahutée par les crachotis d'un vent malin qui s'insinuait entre les jointures poreuses des fenêtres. L'averse les avait surpris, et contraints ils s'étaient réfugiés entre les quatre pans de murs malheureux d'une cabane centenaire, vestiges des vieilles jeunesses de leurs prédécesseurs. Il était rare qu'ils s'y aventurent, tout au plus lui jetaient-ils quelque interrogation silencieuse lorsqu'une œillade se perdait sur l'ombre vacillante qui au loin, courrouçait l'horizon linéaire de la plage du sanctuaire.

Ils la craignaient, cette antique bâtisse. On en disait volontiers qu'elle accueillait les souvenances égarées des chevaliers disparus. Une créature mousseuse, impalpable que l'on entrevoyait largement sans pour autant en distinguer la queue de la tête. Sans doute s'en seraient-ils volontiers détournés si Angelo ne n'avait point pointé les ingérences émotionnelles du petit scorpion, piteux face à la menace spectrale de la spéculation fantomatique. « Nous irons cet après midi ! » Ainsi condamnait-il ses deux amis à la connivence.

Camus tolérait les insouciances de son meilleur ami, néanmoins, il les blâmait plus aisément encore, ne lésinant sur aucune réprimande lorsque derechef, il secondait Milo dans ses bêtises. Jamais blâme ne lui était assigné, il se contentait d'encaisser un froncement de sourcils, accompagné d'un doit levé, accusateur pointé sous son petit nez. Camus n'était point enfant à châtier. Il connaissait ses fautes, et s'il les estimait nécessaire, ou du moins inconséquente il ne se ne se pourfendrait en aucun repentir. D'ailleurs, le futur verseau ne regrettait rien, se contentant d'agir sous bonne garde.

« J'ai froid, geignit l'enfant emmitouflé sous une écharpe si large qu'elle ne laissait paraître qu'un bout de front dégagé, surplombé d'une épaisse queue de cheval. »

Soléa. Une gamine de cinq ans qui filait scrupuleusement les déplacements des deux saints héritiers. Elle suivait aléatoirement quelques entraînements, rien ne lui était proscrit à cette atlante. Elle représentait, disait-on, une gerbe dorée dans l'épaisseur abyssale qu'était la lignée de son espèce toute entière. Une enfant à procréer qui serait sans nul doute concubinée au petit Mu, et ce malgré les réticence sincère qui ponctuaient chacun de leurs échanges. Soléa était trop impétueuse pour le Tibétain timide qui se dissimulait volontiers sous les robes popales de son maître lorsque menace grotesque il y avait : subreptices attaques de guêpes, conflits dorés réglés par une injonction tranchante du grand pope, des échos de voix trop hauts, trop aiguës, trop proches ou trop louches ... Tout était sujet à la crainte. C'était, disait-on, lié à son enfance sur les monts émaciés de Jamir.

« Il ne fallait pas venir ! Trancha Camus, adossé aux pierres froides. »

Ne point venir ? Jamais il ne fut question d'arrangement pareil ! Si Milo s'aventurait au delà du perron du premier temple en unique et seule compagnie du petit Français, il était plus qu'évident que la jeune Atlante se joindrait au joyeux cortège. Si Milo l'appréciait sincèrement, le futur saint des glaces demeurait, comme souvent, sous réserve. Oh, il la tolérait plus qu'il ne tolérait quiconque – excluant de toute évidence Milo et son propre maître. -

« Je suis désolée, soupira l'enfant, fourrant ses deux petites mains entre les pans amples de son écharpe.

_ Arrête de t'excuser, cela ne sers à rien, il suffit de ne pas enfreindre les règles.

_ Tu n'es pas drôle Camouille, geignit le petit grec, laissant sa lourde tête rencontrer paresseusement le planché talé.

_ Camus, corrigea calmement l'enfant. »

Dès l'aubeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant