Ainsi naquit la fin

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Son poing s'élança, aveugle contre une joue chimérique, entraînant de tout son poids l'enfant contre le sol. Dans sa chute, une gerbe de poussière épousa sa crinière océan, s'immisçant coquine entre ses lèvres à demie closes ; il balaya l'importune d'un revers de paume mais ne sut se défaire convenablement des affres âcres qui s'amourachèrent bientôt de son palet. La saison jugulait fort aisément les chaleurs grecques, ainsi ne souffrait-il pas des émois printaniers souvent bien moins conciliant qu'alors.

Une paume figée contre le sol crasseux de l'arène, le petit se dressa, branlant, sur ses deux jambes arquées de fatigue. Il ne pouvait décemment céder sous le joug terrible du futur Lion. Aiolia n'était guère plus qu'un gamin geignard, trop aisément contrarié par la moindre désobligeance. Il ne conservait de son signe rien de plus qu'une crinière fauve, chahutée entre un brun malade et un blond éclatant. Les filles l'appréciaient, disait-on. Les apprenties se pressaient aux arènes lorsque Aiolia s'y entraînait, mais sans doute lui préféraient-elles son aîné, Aioros, jeune chevalier du Sagittaire.

« Pourquoi tu te relèves Milo, je vais gagner, s'insurgea le petit lion, ses yeux noisettes froncés en une moue sévère.

_ Je n'abandonnai pas ! Non, certainement pas. Du haut des gradins, son maître dardait sur lui un œil attentif, il ne pouvait concéder à son adversaire victoire trop aisée. »

Ses phalanges égratignées s'écrasèrent contre la joue moite de sueur d'Aiolia. Un instant, le Lion avorta sa contre-attaque, accusant, non sans mal l'assaut précipité du plus jeune. Il chancela, frappa du pied et recouvra doucement maîtrise de son petit corps. Oh, Milo eut tout honneur à frapper le premier, mais il céda sa victoire au petit lion qui lui asséna une ultime estocade conduisant le petit aux prémisses d'une conscience vitreuse.

« Pourquoi a-t-il refusé sa victoire, interrogea le petit Gémeau, courroucé de constater la faiblesse du gamin.

_ Il se savait gagnant, expliqua le sagittaire, adossé à son homologue du troisième. Pour une raison qui m'échappe, jamais Milo ne concrétise ses victoires. Mais pour lui, il est vainqueur, n'en doute pas.

_ Il est faible.

_ Il est altruiste, corrigea Aioros, basculant sa petite tête brune qui bientôt se logea contre l'épaule angulaire de son camarade.

_ Ce n'est pas une valeur de Chevalier !

_ C'est une qualité humaine, rectifia presque aussitôt le neuvième gardien, quelque satisfaction hérissant la commissure de ses lèvres en un sourire coquin. Sans doute la conversation se serait-elle éternisée si la crinière ivoire de la petite atlante ne s'était pas pressée contre le torse large du Sagittaire.

_ Papa m'a dit que je pouvait rester avec toi pendant que Shaka médite. »

Shaka, un jeune indien fraîchement débarqué au sanctuaire. Nul ne connaissait sa provenance exacte, l'on savait vaguement qu'aucune prescription chevalière d'aucune sorte que ce soit ne lui fut concédée. Il s'est un jour hissé jusqu'au cinquième temple choyant alors l'armure de la vierge comme une douce amie qui lui céda toute ses faveurs. Il parlait peu. Beaucoup n'avait même jamais saisi le son de sa voix. Il considérait le monde comme une succession de facéties, de futilités puériles entretenues par la seule engeance humaine. Il appréciait Mu, disait-on. Et plus encore, il appréciait Soléa. Ou peut-être était-ce l'inverse. La langue fébrile de la petite Atlante jouait à de plus grands égards, et Shaka n'avait guère d'occasion de démentir cette proximité certifiée par l'enfant.

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⏰ Dernière mise à jour : Dec 08, 2016 ⏰

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