Parle-moi, Anatole

1 : Tristesse funèbre

Théo vit dans une famille plus bruyante que fusionnelle, c'est un fait. Tous les jours, une porte claque et lorsque ce n'est pas le cas, ça signifie qu'un des membres de la fratrie n'est pas à la maison, dort ou qu'un invité est présent. Ce jour-là ne fut pas une exception à la règle.

En effet, quelques minutes après le début du dîner, alors que Théo demanda simplement à son petit frère de lui passer la salière, Marcus- le petit frère de 15 ans en question- commença à lui jeter des insanités au visage :

—J'ai appris que tu cours encore après Pétunia...

Théo fit pris au dépourvu, se demandant la manière dont Marcus a appris ça et surtout la raison pour laquelle il a décidé d'en parler à cet instant. Ils ne sont pas disputés, il ne semble donc n'y avoir aucune raison pour ce genre d'attaque. Rapidement, le cadet de fratrie remarqua de l'étonnement dans le regard de sa mère, ce qui le fit se rendre compte à quel point cette nouvelle provoqua de la pitié autour de lui.

Il est vrai que Théo est attiré par son amie Pétunia, et ce depuis certainement trois bonnes années, mais il n'a jamais cherché à ce que ça se sache ou que leur relation devienne plus proche ; il n'en voit pas l'intérêt, de peur de gâcher leur amitié actuelle, mais a surtout trop peu de confiance en lui que pour oser faire un quelconque pas vers elle.

—J'espère que tu te rends compte que tu ne l'intéresses pas un seul instant et qu'elle trouve, comme tout le monde à l'école d'ailleurs, que tu es beaucoup trop lent, ajouta Marcus avec un air provocateur.

Théo sait pertinemment qu'il n'est pas la personne la plus réactive au monde, mais en toute honnêteté, l'avis des élèves de son lycée ne l'intéresse pas vraiment. En ce qui concerne Pétunia, cela le toucherait plus, mais ils sont tous les deux amis et passent chaque temps de midi ensemble, ce qui signifie que les dires de son petit frère sont presque insensés. Néanmoins, ils furent mal accueillis par le jeune homme, ce qui créa une énième dispute entre les deux frères.

D'habitude, Stéphanie, la mère de famille fait en sorte de calmer le futur conflit, surtout quand ça a lieu lors d'un repas, mais cette fois-ci, elle sembla trop surprise par l'annonce citée par son dernier enfant ; elle connaît l'existence de Pétunia depuis quelques années et jamais elle n'aurait cru que son fils cadet en pinçait pour elle tout ce temps. La réaction de sa mère surprit un peu Théo, mais ça ne l'empêcha pas de continuer sur sa lancée.

—C'est quand même incroyable que tu me juges sur quelque chose d'infondé, commença Théo en niant entièrement son attirance pour sa meilleure amie, alors que tu t'acharnes depuis des mois et des mois sur la pauvre Rose qui t'apprécie uniquement pour ton pote beau gosse, Romain ou j'sais pas quoi.

Sans grande surprise, cette remarque ne plut pas un seul instant à Marcus qui s'apprêta alors à répondre, mais fut coupé par la sonnette de la porte d'entrée qui se mit à retentir. Les cinq membres de la famille se sont échangés un regard parce que personne ne semble attendre qui que ce soit.

Très vite, Ruben, le plus grand frère de la fratrie, a pris les devants et s'est dirigé vers la porte d'entrée pour voir qui s'y trouve derrière. Après qu'il ait ouvert la porte, un bruit de surprise se laissa entendre, ce qui créa davantage de questions dans la tête des quatre personnes restées autour de la table. Rapidement, Ruben refit son apparition dans la salle à manger, avec Pétunia à ses côtés, comme si elle avait été mise au courant du fait que ça parlait d'elle quelques instants plus tôt et qu'elle souhaitait défendre sa personne.

A la vue de l'amie de Théo, Stéphanie fut la première à se lever et proposer à la jeune fille de se mettre à l'aise et de prendre place à leurs côtés. Néanmoins, la mère de famille voulut elle aussi savoir la raison pour laquelle la belle Pétunia est venue chez eux à une heure si tardive, mais parvint à tâter le chemin avant de poser une quelconque question, pour éviter de paraître trop directe ou agressive.